Alors que les tensions entre la Turquie et les Etats-Unis semblent ne pas vouloir décroitre, le gouvernement turc cherche à évaluer quelle serait sa position internationale s’il venait à rompre avec l’allié américain et l’OTAN. Et parmi les dossiers qu’il faudra rapidement traiter, se trouve le remplacement de la flotte de chasse turque, aujourd’hui équipée de F-16 américains et de quelques F-4 Phantom, et qui devait justement acquérir une centaine de F-35 A et B auprès de Lockheed.
Ceci dit, il n’y a pas beaucoup d’acteurs capables de produire des avions de chasse moderne sur la planète, d’autant que les Européens seront bien peu enclin à soutenir le régime Erdogan en risquant le courroux américain. Dans les faits, seule la Russie et la Chine seraient en mesure de remplacer les Etats-Unis dans ce domaine. Les relations entre Ankara et Pékin sont assez discrètes, en tout cas publiquement. En revanche, ce sont précisément les relations entre Ankara et Moscou, jugées bien trop chaleureuses, qui auront été un facteur déterminant dans la crise avec Washington.
C’est la raison pour laquelle les déclarations de Viktor Kladov, directeur des relations internationales de Rostec, qui bien que n’ayant aucun caractère officielle, soit loin d’être dénuées de fondements ni de contextes. Pour Moscou, l’hypothèse de trouver un nouveau partenaire pour remplacer New Dehli, est certainement déterminante. Mais les bénéfices pour le Kremlin iraient bien au delà de cet aspect financier. En effet, en procédant ainsi, les autorités russes s’assureraient d’un contrôle très avancé sur la puissance militaire turque, en en contrôlant l’intégralité de la défense aérienne. De fait, la Turquie basculerait de fait dans le périmètre des alliés très proches de la Russie, avec tous les avantages que cela constitue sur ce théâtre d’opération (Mer noire, Méditerranée orientale, Moyen-Orient, contrôle des détroits, contrôle des gazoducs..)
En outre, La Turquie constituerait un excellent relais pour l’industrie russe vers les marchés moyen-orientaux, notamment en matière d’armement. Rappelons que les industries de Défense Turques ont connus une croissance très importante ces 10 dernières années, et qu’elles ont signé de très nombreux contrats de partenariats avec la plupart de monarchie du Golfe, ainsi qu’avec l’Egypte, dans des domaines variées allant des munitions à la fabrication de véhicules blindés.
Enfin, l’industrie Turc évolue depuis des décennies dans le cercle des industries occidentales, d’ou elle a acquis l’essentiel de son savoir-faire. Certes elle n’a pas encore atteint un statut d’autonomie stratégique, mais les technologies acquises, notamment autour du F-35, seront très certainement d’un grand intérêt pour l’industrie russe.
De fait, Moscou a de très nombreuses raisons pour encourager la rupture de ban d’Ankara, et à lui proposer un partenariat comme celui-ci.
Il faut cependant noter que ces raisons seraient également transposables à la Chine, qui, en revanche, serait en mesure d’apporter dans le panier bien plus que des technologies militaires. En effet, pour Pékin, la Turquie représenterait le parfait aboutissement de sa route de la Soie, et un point d’entrée idéal vers l’Europe et le Moyen-Orient, tant pour ses forces militaires que pour son commerce. En outre, cela limiterait la puissance militaire de la Russie, ce qui ne serait certainement pas pour déplaire aux autorités chinoises. Enfin, la Turquie représenterait un parfait vase d’expansion pour les investissements chinois, avec une population nombreuse, éduquée, riche et une culture industrielle ancienne et forte. Du point de vu militaire, la Turquie représenterait enfin un allié important pour contrôler les intensions européennes au Moyen-Orient, sans s’exposer directement. Bien évidemment, la Chine est également parfaitement capable d’assister la Turquie dans la construction d’un avion de nouvelle génération, elle même en ayant déjà un en service (le J-20), et deux en développement (FC-31 et JH- ??)
Si l’hypothèse de la rupture entre l’OTAN la Turquie venait à se confirmer, il n’est donc pas du tout certain que cette dernière basculerait systématiquement dans une alliance forte avec Moscou, et si la diplomatie chinoise est moins visible, elle n’en est pas moins efficace.