L’administration américaine ne ménage pas ses peines depuis plusieurs mois pour tenter de faire émerger le MESA, ou Middle East Strategic Alliance, une alliance militaire liant 8 pays arabes (Arabie Saoudite, Koweit, EAU, Oman, Bahrein, Qatar, Egypte et Jordanie) aux Etats-Unis dans une alliance militaire inspirée de l’OTAN, avec comme point fédérateur la menace Iranienne.
Or, le projet ne semble pas avancer aussi vite, et aussi bien, que ne l’espérait de Département d’Etat. Si la menace iranienne fait effectivement recette pour la majorité de ses pays, des tensions internes mettent à mal le processus. Ainsi, les positions du Qatar ont donné lieu à des tensions très sévères entre Doha et Ryad, ce dernier ayant même envisagé de créer un blocus terrestre de la péninsule Qatari.
Mais d’autres facteurs, plus diffus, semblent être à l’œuvre dans ce dossier. Ainsi, le royaume Saoudien a d’ores et déjà constitué deux alliances militaires étendues panarabique, la première pour l’intervention contre les rebelles Houtis au Yemen, la seconde à l’occasion de la crise syrienne. Cette dernière, même si elle n’a pas eu donné lieu à une intervention militaire en Syrie pour soutenir les rebelles islamistes, avait tout de même fédéré plus de 16 pays musulmans sunnites, du Pakistan au Maroc, en passant par les pays de la bande sahélo-saharienne, et quelques pays d’Afrique de l’ouest.
En outre, Ryad comme Abu d’Abi ont entrepris de tisser des accords économiques bilatéraux avec de nombreux acteurs de la communauté sunnite, mais également des accords industriels. Et c’est la Turquie qui apparaît comme le partenaire privilégié en matière économique, comme en matière d’industrie de Défense.
Il faut également prendre en considération le rôle modérateur d’Israel dans ce dossier, l’hypothèse d’une alliance militaire sunnite étant loin d’être un scénario idyllique pour Tel Aviv.
Enfin, les poids lourds de la MESA, à savoir l’Arabie Saoudite, L’Egypte et les Emirats Arabes Unis, maintiennent une position neutre et même bienveillante vis à vis de la Russie, et surtout de la Chine, ce qui, évidemment, poserait de sérieux problèmes dans le cas d’une alliance de Défense avec les Etats-Unis.
De fait, la MESA sur le modèle d’une OTAN arabe est aujourd’hui loin d’avoir résolu l’ensemble de ses contradictions pour pouvoir émerger. En revanche, l’hypothèse de l’émergence à court ou moyen terme, d’une Union Sunnite Indépendante, sur le modèle de l’Union Européenne, intégrant un volet de Défense, ne doit pas être négligée, d’autant qu’elle peut, elle aussi, se construire autour de la menace Iranienne, ou plutôt de la menace Chiite, qui représente une menace avérée contre la légitimité des familles dirigeantes de beaucoup de ces royaumes, comme contre la stabilité des républiques islamiques à population mixte.
L’émergence d’un tel acteur sur la scène internationale, contrôlant une part importante des ressources énergétiques comme des points de la navigation mondiale, disposant d’un important potentiel démographique et de ressources financières très élevées, et d’un nombre remarquable des meilleurs équipements de Défense mondiaux, serait de nature à profondément bouleverser la géopolitique régionale et mondiale.
Car rien ne garantit une allégeance de cette alliance aux Etats-Unis, ou à l’occident, bien au contraire !
Pour approfondir le sujet, article en anglais (6 min)