lundi, novembre 11, 2024

La Marine Nationale va perdre 25% de ses bâtiments de combat de surface d’ici 2030

Le Chef d’Etat Major de la Marine, l’Amiral Prazuck, a présenté le plan « MERCATOR ». Avec ses 4 piliers, et ses superlatifs à chaque paragraphe, ce plan n’a rien à envier à ceux qui foisonnent dans les grandes entreprises aujourd’hui. On s’attendrait presque à voir la présentation du prochain gadget à la mode en dernière page …

Vous l’aurez compris, sous ses apparats très attractifs, le plan « MERCATOR » n’est autre qu’un bel enrobage pour cacher la misère à laquelle la Marine Nationale va devoir faire face.

En effet, dans une habille présentation des chiffres entre 2018 et 2030, on comprend que le nombre de « frégates de 1errang » va passer de 17 aujourd’hui à 15. Jusqu’à présent, ces 15 frégates devaient remplacer les navires de puissance équivalente qu’étaient les Suffren (2), Tourvilles (3), Georges Leygue (7) et Cassard (2) . Le classement temporaire des 5 frégates légères furtives en 1errang n’avait pour seul objet que de , soit disant, respecter le format à 15 bâtiments de 1errang du Livre Blanc de 2013, les frégates redevenant des frégates de 2ndrang une fois la dernière FTI livrée en 2018. 

Or, dans le format 2030 présenté, il n’est plus question de frégates de 2ndrang. Le concept a tout simplement disparu, laissant sous-entendre que les 5 FLF ne seront pas remplacées. Nous passerons donc de 20 frégates de haute mer (15 de 1errang et 5 de 2ndrang) à 15 régates de 1errang, soit une baisse de 25% des capacités d’action de Marine Nationale dans ce domaine.

Le cas des avisos, reclassés patrouilleurs hauturiers, est tout aussi critique. Initialement, la Marine Nationale disposait de 17 de ces petits de navires de combat, équipés pour la lutte anti-sous-marine et antinavire. La France cèdera 6 de ces bâtiments à la Turquie en 2000, et requalifiera les navires restant de « Patrouilleurs Hauturiers » en 2011, les classant au niveau des patrouilleurs P400. Avec cette reclassification, les missions des 10 A69 restant devait être confiées au 8 FREMM AVT qui composaient une partie des 17 FREMM initialement commandées. Mais lorsque les FREMM AVT ont été annulées, les avisos n’ont pas récupéré leur statut de navire combattant. En 2018, et à fortiori en 2030, le concept d’aviso, ou de corvette, a totalement disparu des plans de la Marine Nationale. 

Nous voyons dans ces deux exemples la dérive capacitaire telle qu’elle fonctionne depuis 40 ans pour la Marine Nationale, usant de requalifications et d’éliminations de référence pour présenter les choses de façon plus positives.

Aux vus du développement de nombreuses marines dans le monde, et des risques que cela fait peser sur les intérêts français, réduire le format de la Marine Nationale aujourd’hui est très préoccupant. En faisant ainsi, la France ne contribue certainement pas à donner l’impulsion nécessaire pour que l’Europe de la Défense émerge et dépassent les freins courants. En d’autres termes, elle ne fait que renforcer notre subornation à la protection américaine.

Enfin, avec le format annoncé, la Marine française ne sera en mesure de commander qu’un unique navire de surface par an à Naval Group, et un sous-marin tous les 4 ans. Ce format ne permettra pas de maintenir l’activité, ni de soutenir les exportations, dans le contexte de concurrence internationale qui s’annonce. 

Il est donc difficile, voir impossible, de considérer le plan présenté comme une bonne nouvelle, ou simplement comme allant dans la bonne direction. 

Surtout, les « économies » escomptées par le ministère des Armées, et Bercy, seront très loin de la réalité. Car la réduction des commandes d’Etats va entrainer une contraction profonde du marché, probablement un glissement vers l’Italie de ces savoir-faire et moyens industriels. Cela représente la perte de 10 à 15.000 emplois industriels directs, pour Naval Group, Thales et MBDA, 5000 liés à la perte des marchés exports, 15.000 emplois de sous-traitance et 15.000 emplois induits, soit un total de 40 à 45.000 emplois détruits, représentant 2,5 Md€ par an de recettes fiscales et sociales non perçues, soit le même de ce que couterait le maintien de la flotte à son format 1995, un format qui serait loin d’être excessif considérant les développement géopolitiques récents. L’Etat va donc perdre 2,5 Md€ par an (et 1,5 Md€ de recettes sociales qui creuseront les déficits), pour économiser 2,5 Md€ sur le budget équipement de la Marine Nationale …

Il est nécessaire de revoir dans le détail les paradigmes de planification budgétaires de la Défense, pour la Marine comme pour les autres armées, et de cesser ce pilotage par la dépense qui détruit l’autonomie stratégique et la puissance militaire de la France comme de l’Europe sur la scène internationale.

Pour approfondir le sujet, article en français avec lien vers le plan « Mercator »

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