Les autorités américaines ont franchit un nouveau palier en menant désormais directement la Turquie de sanctions économiques « sévères et massives », en application de la loi CAATSA, si Ankara persistait à vouloir acquérir les systèmes S400 auprés de la Russie.
La porte-parole du Département d’Etat américain, Morgan Mortagus, a ainsi déclaré mercredi 28 « La Turquie va faire face à des conséquences très réelles et très négatives si elle persiste à vouloir acquérir les S400« , et d’ajouter « C’est très sérieux, et très ferme, et je crois que notre position a toujours été parfaitement claire sur le sujet« . Outre des sanctions économiques, la Turquie s’exposerait à l’expulsion du programme F35, pour laquelle elle a déjà payé plus de 1,2 Md$, et à un embargo sur la livraison de pièces détachées pour l’entretien de ses équipements d’origine américaine.
Coté turc, les officiels répètent la même litanie, selon laquelle la Turquie a rempli tous ses engagements vis-à-vis du programme F35 et de l’OTAN, et qu’elle n’est pas incriminable, d’autant que les S400 ne seront pas intégrés au réseau de défense aérienne de l’OTAN.
Reste que, comme nous l’avons déjà abordé, la situation devient de plus en plus inextricable, les Etats-Unis ne pouvant plus faire marche arrière, comme le président turc Receipt T Erdogan, sans altérer gravement leur crédibilité politique. L’apparition de l’OTAN dans le discours n’est pas non plus une surprise, il est probable que cela était un des objectifs du gouvernement turc depuis le début de cette crise faisant suite au coup d’Etat manqué de 2015, et au sujet duquel le président Erdogan reste convaincu d’une implication américaine.
Pour faire face aux menaces économiques et technologiques américaines, Ankara n’a dès lors d’autres options que de se rapprocher de Moscou et de Pekin, ce qui explique les nombreuses déclarations en ce sens faites ces derniers mois. N’oublions pas, cependant, qu’une alliance militaire et économique entre Moscou, Pekin et Ankara, bouleverserait profondément les rapports de forces en Europe, comme au Moyen-Orient. Il s’agirait d’une opportunité inespérée, il y a encore quelques années, pour interdir la mer noire aux bâtiments américains, et contester la puissance de l’OTAN en Méditerranée orientale. Rappelons également que la Turquie est un pays de 80 millions d’habitants, un atout de taille pour Moscou dont la plus grande faiblesse face à l’OTAN est sa faiblesse démographique. Enfin, il ne faut pas ignorer la capacité de nuisance de la diaspora turque en Europe, si les tensions entre Washington et Ankara venaient à s’étendre aux pays européens.
Quoiqu’il en soit, cette escalade sémantique n’augure rien de bon pour les années à venir.