Comme l’ensemble de la marine russe, la flotte de débarquement a largement souffert, ces 30 dernières années, des pertes de compétences des chantiers navals du pays, liées à l’absence de crédits dans une nation en pleine reconstruction. En outre, l’Union Soviétique faisait appel aux chantiers navals ukrainiens, et non russes, pour construire les unités de fort tonnage, comme les navires d’assaut. Après l’échec de l’acquisition des 2+2 Mistrals français, de nombreuses annonces, parfois fantaisistes, souvent contradictoires, furent faites concernant la construction d’un futur « Mistral russe », sans être suivies de fait. Car, en réalité, en 30 ans, la flotte d’assaut et de débarquement russe n’aura vu l’entrée en service que de 2 bâtiments de la classe Ivan Gren, aux performances par ailleurs limitées.
Mais depuis le début de la décennie, un vaste programme de modernisation des chantiers navals russes fut entrepris. Ce programme fut un temps freiné par l’annexion de la Crimée et la guerre du Donbass, les turbines à gaz qui équipent la majorité des bâtiments de la Marine Russe étant, depuis l’indépendance, importés d’Ukraine (nb : Les LST Ivan Gren sont équipés de moteurs diesels). Il fallut donc quelques années pour être en mesure de produire des groupe propulsifs alternatifs, pour reprendre une production nominale. Désormais, les chantiers navals russes ont retrouvé, semble-t-il, un niveau de performance et de savoir-faire compatible avec les exigences de la production de bâtiments militaires. Ainsi, alors qu’il fallut prés de 14 ans pour terminer la construction du bâtiment d’assaut Ivan Gren par les chantiers navals Yantar de Kaliningrad, la construction de son sister-ship, le Petr Morgunov, débitée en 2015, n’aura pris que 4 années, le bâtiment devant entrer en service cette année.
Deux autres unités de la classe Ivan Gren devaient être construits, mais à l’entame des travaux, il devint vite évident que les nouveaux bâtiments différaient de leurs ainés. Plus long, plus lourd, nous en savons désormais plus sur ces navires d’assaut, grâce à un article publié par le journal interne des chantiers Yantar, relayé par le site Naval News. Contrairement à ce qui fut précédemment avancé, les bâtiments ne seront pas dotés d’un pont droit, à l’image des LHD[efn_note]Landing Helicopters Dock[/efn_note] américains de la classe America, ou des Mistral Français, mais garderont la forme d’un LST[efn_note]Landing Ship Tank[/efn_note], comme l’Ivan Gren ou le Type 071 chinois. En revanche, les navires seront beaucoup plus imposants, atteignant un tonnage évalué à 9000 tonnes contre 6500 tonnes pour l’Ivan Gren, et seront dotés d’une super-structure et d’un pont aeronautique également largement plus dimensionnés que ceux de leurs ainés. Ainsi, le pont d’envol permettra à deux hélicoptères moyens, Ka29 ou Ka52, d’effectuer des manoeuvres aviations simultanément, mais restera limité à un seul hélicoptère lourd, de type Mi8 ou Mi17. La construction des deux nouveaux navires ayant été entamée cette année, leur entrée en service devrait intervenir en 2022 ou 2023, selon toute probabilité.
La construction du futur LHD russe reste, en revanche, très incertaine. Les bureaux d’étude Krylov ont présenté à plusieurs reprises leur modèle « Priboy », et plusieurs annonces ont été faites à ce sujet, notamment au sujet d’un début de construction devant intervenir en 2020 ou 2021 aux chantiers navals Severnaya Vert de Saint-Petersbourg. Mais aucune confirmation officielle de commande n’a pour l’heure été signifiée. La construction des deux Ivan Gren modifiés risque, on le comprend, de reporter encore cette construction, d’autant que les moyens alloués à la flotte de surface russe par la GPV 2020-2027 sont limités, et déjà largement entamés par la rénovation des croiseurs Kirov et du porte-avions Kuznetsov, et par la future classe de destroyers 22350M Super Gorshkov dont 8 unités doivent être commandées d’ici 2028. Il y a des limites à ce qu’il est possible de faire avec 18 Md$ de crédits d’équipements annuels par les armées russes.