Hindustan Shipyard Limited (HSL), le chantier naval situé sur la côte Est de l’Inde (à Visakhapatnam), pourrait signer avec la marine nationale indienne un contrat portant sur des navires de soutien de flotte (FSS – fleet solid support) de 45 000 tonnes, au deuxième trimestre 2020. Sarat Babu, président du chantier, a annoncé que le chantier naval turc Anadolu Shipyard (qui fait partie du consortium TAIS), allait être associé à la construction des cinq futurs navires. Ce dernier a ainsi supplanté ses concurrents allemand (TKMS), italien (Fincantieri), espagnol (Navantia) et russe (Rosboronexports). L’analyse technique et l’évaluation financière du futur contrat sont encore en cours d’étude.
Si les négociations aboutissent, ce sera la première fois qu’un chantier naval turc participe à la construction de navires de guerres pour la marine indienne. Ce dernier devrait fournir à la Défense indienne la conception des navires, des équipements clés ainsi qu’une assistance technique. Par ailleurs, la politique de construction nationale sera entièrement respectée : tous les composants, y compris l’acier, seront indiens.
Du 9 au 12 juillet dernier, le vice-président d’Anadolu Shipyard, Sualp Omer Urkmez, avait conduit en personne une délégation turque sur le site d’Hindustan Shipyard Limited. A cette occasion, la possibilité de construire les navires à échéance de quatre ans a été abordée.
Ce rapprochement indo-turc dans le domaine naval pourrait symboliser une nouvelle dynamique pour les deux pays dans la région de l’océan indien. La Turquie, qui a obtenu le statut de « Partenaire de Dialogue » au sein de l’Association des États riverains de l’Océan Indien (IORA), en 2018, cherche en effet à accroitre son influence dans la région. En 2016, Ankara avait notamment tenté de convaincre le gouvernement somalien de lui accorder l’autorisation de construire une base navale sur ses côtes, afin d’accroitre la présence turque dans la corne de l’Afrique.
L’Inde, à travers son premier ministre, Narendra Modi, semble quant à elle prendre ses distances avec l’Iran : son rapprochement avec l’Arabie Saoudite, mais aussi avec Israël, pourrait en être la cause ; de même que les récentes nouvelles sanctions américaines à l’encontre de Téhéran. A l’inverse, un rapprochement avec la Turquie pourrait constituer une alliance intéressante pour l’Inde, notamment en Afrique : les deux pays cherchent à renforcer leur influence sur le continent et s’y implantent durablement. Face à une Chine qui accentue sa présence à la fois dans l’océan indien et sur le continent africain, une coopération indo-turque pourrait donc être amenée à voir le jour.
Les intérêts convergents entre les deux pays sont tels que Sanjay Bhattacharyya, ambassadeur d’Inde à Ankara, était allé jusqu’à déclarer, en mai dernier : « La Turquie et l’Inde seront les alliés naturels du 21ème siècle ».
Robin Terrasse – Spécialiste naval Inde