La coopération militaire sino-russe qui s’intensifie menace-t-elle l’occident ?

Le nouveau Livre Blanc de La Défense chinois publié aujourd’hui par Pékin considère la coopération militaire avec la Russie comme stratégique et appelle à intensifier les relations avec Moscou, au travers de nombreux exercices conjoints, de planifications opérationnelles partagées, et de coopérations technologiques étendues.

Cette annonce n’est guère surprenante au regard des annonces et actions de ces derniers mois, comme la participation d’une brigade chinoise à l‘exercice Vostok 2018, le déploiement croisé de stations sols pour l’amélioration et la consolidation des services de localisation GLONASS et BEIDOU dans les deux pays, des positions internationales souvent alignées à l’ONU, et des rencontres bilatérales nombreuses aux plus hauts niveaux de l’Etat et des armées. A cela s’ajoute l’action conjointe de 2 H-6 chinois et de 2 Tu95MS Bear accompagnés d’un A50 Mainstay venus à proximité de l’espace aérien sud-coréen, le Mainstay y pénétrant même par deux fois, montrant un haut degré de préparation opérationnelle et de coopération des forces stratégiques des deux pays.

Ce rapprochement est perçu avec inquiétude à Washington. Ainsi, l’amiral Philipp Davidson, commandant le théâtre pacifique pour l’US Navy, estime que la Chine était désormais en situation de contester la puissance américaine dans le Pacifique occidental, et que d’ici 2030, les forces navales chinoises seront en capacité de contester la puissance navale américaine sur l’ensemble du Théâtre indo-pacifique. Il pointe en particulier l’utilisation du projet de Route de la Soie par Pekin pour soumettre économiquement des pays, afin d’obtenir des bases stratégiques qui permettront de créer un tissus aéronaval sur l’ensemble de la zone.

Le Porte avions Liaoning avec des J15 et un Z8 sur le pont Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Conflits et tensions
La puissance navale chinoise est désormais suffisante pour contester à l’US Navy certaines parties du Pacifique occidental

Ce renforcement rapide de la puissance militaire chinoise, associé à celui de la Russie (essentiellement en matière de forces terrestres), font craindre au Pentagone l’apparition d’un « double front », qui obligerait les Etats-Unis à partager leurs forces entre l’Europe et le Pacifique, alors que l’ensemble de ses forces seraient requis pour être en mesure de contenir la puissance chinoise. C’est d’ailleurs cette même crainte d’un double front qui amena les plus hautes autorités militaires américaines à modérer la tentation présidentielle d’une intervention contre l’Iran, un tel conflit présentant des risques d’enlisement, et donc de fixation d’une part importante des forces US potentiellement indispensables sur les deux fronts principaux.

Qu’on le veuille ou non, la trajectoire géopolitique mondiale semble s’orienter vers une nouvelle bipolarisation, avec un bloc organisé autour du couple sino-russe, et un bloc organisé autour des Etats-Unis, de l’Europe et des alliés pacifiques (Japon, Australie, Corée du Sud). La création de nouveaux mécanismes bancaires et de change entre Russie, Chine et leurs alliés, marque, à ce titre, un pas important vers cette scission. Mais là ou les échanges économiques entre les deux blocs étaient limités pendant la Guerre Froide, ils sont désormais très importants et stratégiques. Ainsi, l’Europe dépend en grande partie de la Russie pour ses importations de gaz, cette dernière dépendant de ces exportations qui représentent une part importante du budget de l’Etat. De même, la Chine détient une part importante des dettes des états occidentaux, dont celles des Etats-Unis, mais dépend dans me même temps de ses exportations vers l’Europe et les Etats-Unis pour maintenir son économie.

Le monde qui se dessine aujourd’hui ne sera donc probablement pas une redite de la Guerre Froide, mais une nouvelle période qui définira ses propres codes, avec une probable forte dichotomie entre les discours et actions sur la scène internationale, et les échanges commerciaux entre ces pays qui continueront, voir s’intensifieront.

Le President Xi Jinping lors de sa rencontre avec les forces armees Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Conflits et tensions
L’augmentation de la production de richesses en Chine a permis au pays d’augmenter sensiblement sa puissance militaire

Pour autant, les risques de conflits ne seront pas amoindris, les sanctions économiques pouvant désormais apparaitre comme un casus belli justifiant un retour aux armes. On le voit en Chine, l’émergence d’une classe moyenne et l’augmentation des échanges n’ont pas « adouci » les positions des forces dirigeantes du pays. Au contraire, elles permirent d’augmenter rapidement les moyens et les bases scientifiques et technologiques disponibles pour constituer une force militaire de premier plan, désormais capable de contester la puissance occidentale.

Cette constatation indubitable apparait comme une sentence d’échec pour la doctrine des « Bénéfices de la Paix », qui créait une relation entre l’enrichissement des citoyens et des classes moyennes, et l’apaisement des tensions sur la situation internationale. Le developpement de la puissance militaire de la Chine, Russie, Turquie, Pakistan et Inde montrent qu’il n’en est rien, et qu’au contraire, l’augmentation des richesses produites conduit à l’augmentation sensible des moyens consacrés à La Défense, et de fait, au retour des tensions entre Etats.

Pour Aller plus loin

RESEAUX SOCIAUX

Derniers Articles