Les autorités britanniques ont annoncé qu’elles rejoignaient la coalition américaine, qui jusqu’ici ne comprenait que la Corée du Sud, dans l’optique de sécuriser le trafic commercial dans le Golfe persique et le Détroit d’Ormuz, face aux actions de l’Iran. En effet, Londres a du admettre que son appel à une Task Force européenne dans le but d’effectuer cette mission, n’a guère suscité l’enthousiasme, seule la France ayant effectivement annoncé qu’elle s’y joindrait, sans toutefois envoyer de bâtiment dédié à cette mission dans la zone jusqu’ici. La Grande-Bretagne, qui soutient de plan de 2015 concernant le nucléaire iranien, se refusait jusqu’ici à le faire, pour ne pas s’associer aux positions très fermes de Washington dans ce dossier.
On ne peut obérer que la frilosité des européens ait un rapport avec la récente nomination de Boris Johnson au poste de premier Ministre, ce dernier ayant des positions très antagonistes vis-à-vis de l’UE concernant le Brexit. Il est d’ailleurs probable que si un autre premier ministre eut été nommé, et si Jeremy Hunt avait gardé son poste de ministre des affaires étrangères, la réponse européenne aurait put être différente. Toutefois, il s’agit d’un important revers pour les tenants d’une ligne diplomatique internationale alternative portée par les européennes.
En fait, la situation à laquelle font face les britanniques n’est pas sans rappeler celle à laquelle dut faire face la France en 2013 lors de l’intervention au Mali pour l’opération Serval, puis en Centre-Afrique. La France décida unilatéralement d’envoyer des forces pour empêcher le Mali de tomber aux mains des milices islamistes, et de devenir ainsi une base arrière pour la logistique de ces mouvements. Elle se tourna naturellement vers ses partenaires européens pour tenter de créer une coalition, mais seule la Belgique répondit favorablement, en envoyant un détachement d’hélicoptères de recherche et sauvetage à Bamako.
La Grande-Bretagne fournît à la France d’importants moyens logistiques avec ses C-17, mais ne pouvait y consacrer des forces, eut égard aux engagements en Afghanistan et en Irak. L’Allemagne attribua également des C-130 au soutien logistique de la mission, sans déploiement de forces. Les autres pays européens, dont certains pourtant très concernés comme l’Espagne et l’Italie, ne prirent nullement part à l’opération. La France dû, comme le font aujourd’hui les britanniques, solliciter l’assistance américaine pour un complément logistique et de renseignement, ce qui créa une réserve naturelle de nombreux militaires et politiques vis-à-vis de la solidarité européenne le cas échéant. Et comme ce fut le cas en France, l’épisode d’aujourd’hui marquera les Etats-Majors britanniques, avec le sentiment déjà implanté qu’à part les Etats-Unis, et la France, personne en Europe n’est prêt à s’investir dans une mission militaire aux delà du périmètre purement européen de façon active.
Mais se pourrait-il que le problème soit plus profond qu’il n’y parait ? En effet, l’ensemble des forces navales européennes ont aujourd’hui un format hérité de la période précédente, perçue comme une période de tensions faibles. Avec la baisse des effectifs et des crédits de maintenance, la disponibilité des bâtiments, pourtant déjà moitié moins nombreux qu’il y a 30 ans, a encore diminuée. Des marines jusque là importantes, comme la marine allemande, peine désormais à remplir leur contrat opérationnel, avec un nombre très élevé de bâtiment à quai pour panne ou maintenance programmée. Dès lors, on ne peut exclure que l’absence de volonté des européens ne soit, en fait, que le révélateur d’une absence criante de moyens, et de l’incapacité des marines européennes à déléguer un navire majeur en zone outre-mer, pour une longue durée.
En d’autres termes, les marines européennes manqueraient, aujourd’hui, de profondeur stratégique, et de réserves, au point qu’une simple mission d’escorte de navires commerciaux en zone sous tension sorte du périmètre des actions envisageables pour nombre d’entre elles. On comprend, dès lors, pourquoi le Pentagone estime que si les Marines Européennes devaient se passer de la protection et de la coopération intensive de l’US Navy, elles devraient consentir à un sur-investissement de plus de 110 Md$, uniquement pour les équipements manquants.