En 2016, sous l’égide des Etats-Unis, les gouvernements japonais et sud-coréens signèrent un protocole de coopération renforcée en matière de renseignement au sujet de la Corée du Nord. Cela permit aux deux pays d’échanger rapidement des informations cruciales sans devoir passer par les Etats-Unis, comme c’était précédemment le cas. Mais cette coopération n’aura pas subsisté plus de 3 ans entre les deux frères ennemis de la zone Pacifique.
En effet, le gouvernement sud-coréen vient d’en annoncer son retrait, une mesure de rétorsion qui fait suite à la rétrogradation par le Japon du pays dans la hiérarchie des partenaires commerciaux privilégiés, limitant de fait les possibilités d’approvisionnement de Séoul en composants et matériaux primaires, indispensables à son industrie de haute-technologie.
Cette annonce n’est qu’un nouveau rebondissement dans les relations chaotiques qu’entretiennent les deux dragons asiatiques depuis des décennies. La Corée du Sud, et sa population, sont toujours très vindicatives vis-à-vis de l’invasion japonaise de la péninsule dans les années 20, et des très nombreuses exactions que les forces d’occupation nippones firent durant cette période. Ce sentiment a été par ailleurs exacerbé depuis l’élection du nationaliste Shinzo Abe au poste de premier ministre du Japon, avec un discours qui flirte parfois avec le révisionnisme et la nostalgie de la grandeur impériale nippone perdue.
Ce regain de tension n’est cependant pas une bonne nouvelle pour la région. En effet, et comme s’en faisait l’apologie le rapport du Think tank australien United States Studies Centre présenté hier, la coopération des grandes puissances de la zone Pacifique, à savoir l’Australie, la Corée du Sud et le Japon, est jugée indispensable pour contenir l’accroissement très rapide de la puissance militaire et navale chinoise en cours. En outre, la Corée du nord a démontré ces deniers semaines sa capacité à mettre en oeuvre un nouveau modèle de missile balistique à courte-moyenne portée dont le profil de vol pose d’immenses problèmes à La Défense anti-missiles américaine, et donc japonaise et sud-coréenne, utilisant les mêmes systèmes THAAD, Aegis et Patriot. Dans ces conditions, le raccourcissement des délais d’échange d’informations, comme l’amélioration de la coopération opérationnelle entre les forces des deux puissances militaires asiatiques, s’avèrent indispensable pour anticiper et, le cas échéant, réagir, à une provocation ou une attaque, de la part de Pyongyang.
En tout état de cause, la situation sécuritaire actuelle n’est certainement pas adaptée à ce type de tensions entre alliés, et Washington, qui assure La Défense des deux pays, notamment via l’équilibre des forces de dissuasion avec la Corée du nord et la Chine, aura probablement des arguments forts à partager avec ses deux partenaires pour tenter de les ramener vers de meilleures dispositions, notamment à l’occasion du G7 qui se tient ce week-end à Biarritz, en présence du président Trump et du premier ministre Abe.