Enjeu d’une compétition stratégique depuis des décennies, la guerre électronique est toutefois fort peu connue hormis pour quelques spécialistes triés sur le volet. Alors que l’infovalorisation des données et les communications à haut débit sont devenues des axes de developpement majeurs pour la majorité des armées modernes, les capacités de guerre électroniques, qu’elles soient offensives ou défensives, ont toutefois été longtemps ignorées des armées occidentales, car elles représentaient un enjeu minimal dans les conflits de basse intensité et anti-insurrectionnels auxquelles elles ont fait face pendant 20 ans.
A l’inverse, la Russie, en digne héritière de la doctrine soviétique déjà fort dynamique en matière de guerre électronique, n’a cessé de moderniser ses outils et ses doctrines, et les a testés lors d’engagements de façon récurrente, que ce soit en Tchétchénie, en Géorgie, plus récemment dans le Donbass et en Syrie, ainsi que lors d’exercices et de manoeuvres à proximité des frontières de l’OTAN. Et la détermination russe semble s’avérer payante puisqu’aujourd’hui, l’US Army est contrainte de developper en urgence plusieurs programmes pour tenter de reprendre l’avantage dans les domaines de la guerre électronique et numérique qui conditionne l’ensemble des engagements modernes de moyenne et haute intensité aujourd’hui.
Parmi les programmes en cours de developpement, le Electronic Warfare Planning and Management Tool, ou EWPMT, semble le plus prometteur pour apporter une réponse à moyen terme aux besoins urgents des forces US. Développé à la demande du commandement US des forces déployées en Europe à partir de 2014, l’EWPMT de Raytheon est un système ouvert qui permet de collecter et de fusionner les données en provenance des équipements individuels VMAX ou sur véhicule VROD, et de contrôler les systèmes de brouillage Sabre Fury, pour contrôler l’environnement électromagnétique défensif et offensif sur le champs de bataille. Il peut également faire appel aux systèmes d’appui feu pour éliminer des menaces électromagnétiques ou cyber.
Mais contrairement aux systèmes russes qui équipent déjà les unités en nombre, l’EWPMT n’est encore qu’en phase de developpement, et ne devrait pas entrer en service avant plusieurs années. A ce titre, la Général Administration Organization, ou GAO, l’équivalent de la cours de compte aux Etats-Unis, avait jugé en 2018 que l’effort de l’US Army dans le domaine de la guerre électronique et numérique manquait sensiblement de moyens, notamment humains, au risque de rendre l’ensemble des capacités de l’US Army inefficace.
Le décrochage constaté de l’US Army face à la Russie dans le domaine de la guerre électronique est particulièrement mis en lumière par ses efforts pour tenter de mettre en oeuvre des parades face aux brouillage des signaux GPS menés par la Russie, et en particulier face aux opérations de Spoofing, consistant à faire dériver la précision de la localisation GPS. L’efficacité des systèmes russes dans ce domaine particulier n’est plus à démontrer, et semble même avoir été exportée, puisque la destruction du drone RQ-4 par La Défense anti-aérienne iranienne en juin semble être liée à un signal GPS altéré. Or, le GPS est devenu aujourd’hui un outil indispensable à l’emploi de très nombreux équipements, que ce soit pour la navigation des véhicules ou des aéronefs, comme pour le guidage des munitions de précision.
Pour pallier cette menace, les ingénieurs américains et occidentaux développent en urgence plusieurs solutions, allant du couplage des systèmes de guidage avec un système inertiel, à l’emport d’horloges atomiques miniaturisées optent à prendre le relais si elle venait à constater un écart avec les signaux transmis dans la trame GPS. L’US Army développe également, pour ses fantassins, un système inertiel portable comparable à un podomètre, pour détecter des écarts anormaux entre le signal GPS reçu et les données de la centrale inertielle. En effet, le Spoofing est difficile à détecter pour le système qui en est la victime. Une fois informé du manque de fiabilité du signal GPS, les personnels peuvent alors recourir à d’autres formes de localisation et de navigation, certes moins précises dans l’absolu, mais insensible aux brouillages adverses. La Carte et la boussole ont encore de beaux jours devant eux !
Si la Russie, la Chine, et donc les Etats-Unis, sont désormais tous 3 engagés dans une forme de course technologique dans le domaine de la guerre électronique et numérique, on ne peut que remarquer l’absence de prise en compte de ce domaine dans les armées européennes, et particulièrement dans les armées françaises. Comme pour la Défense anti-aérienne rapprochée (SHORAD), les systèmes anti-radars, ou les systèmes de protection actifs des blindés, l’accompagnement des forces dans le domaine de la guerre électronique fait parti des grands absents de la LPM 2019-2025, affaiblissent encore davantage, s’il en était besoin, les capacités d’engagement des forces françaises en matière de combat de haute intensité. Difficile, dans ces conditions, de faire des procès d’intentions aux Baltes, Polonais, Tchèques ou Roumains, qui privilégient par leurs acquisitions la coopération avec les forces américaines, eu égard aux défaillances flagrantes des grandes forces militaires européennes dans les domaines qui touchent à la haute intensité, comme la guerre électronique …