Le président Erdogan veut-il doter la Turquie de l’arme nucléaire ?

Les déclarations du Président turc R.T Erdogan faites lors d’un meeting politique dans la ville de Sivas mercredi 4 septembre ont, on peu le dire, fait l’effet d’une bombe. En effet, ce dernier a évoqué la possibilité pour la Turquie de se doter d’armes nucléaires, « comme toutes les grandes nations » a-t-il fait savoir. Il a par ailleurs pris l’exemple d’israël, qui, selon lui, ferait peur à tous ses voisins, et s’autoriserait à de nombreuses actions, du fait de la possession d’armes nucléaires.

Cette déclaration, au delà de l’effet médiatique qu’elle peut engendrer, pose de nombreuses questions sur les objectifs du président turc quand au devenir de son pays. En abordant publiquement et ouvertement le sujet, il ajoute un niveau de pression sur les Etats-Unis et sur l’OTAN, dans les négociations en cours au sujet du F35 notamment. En effet, le message implicite porté par cette déclaration met en balance l’appartenance de la Turquie à l’OTAN et donc au camp occidentale, avec la possibilité de developper son propre programme nucléaire si elle devait en sortir. Or, aujourd’hui, toutes ces tensions et ces questions sont cristallisées autour de l’exclusion de la Turquie du programme F35 décidée par Washington.

Le premier des 100 F35A aux couleurs turques ne sera probablement pas transfere en Turquie Actualités Défense | Armes nucléaires | Communication institutionnelle défense
Cette annonce continue à augmenter la pression sur les Etats-Unis pour lever l’embargo sur le F35A vis-à-vis de la Turquie

Il est toutefois difficile de déterminer si il ne s’agit là que d’un argument de négociation supplémentaire destiné à amener les Etats-Unis à suspendre l’embargo sur les F35, ou s’il s’agit d’une aspiration plus profonde, visant à effectivement faire de la Turquie une nation militairement puissante dégagée des entraves du camp occidental, et capable de mener la politique expansionniste mainte fois développée par le président Erdogan lors de ses meetings politiques. Rappelons à ce titre que l’un des objectifs majeurs déclaré du président Erdogan, et qui fit en partie son succès électoral, était de rétablir la Turquie dans ces frontières de 1912.

D’autre part, la technologie permettant de concevoir et mettre en oeuvre des armes nucléaires est aujourd’hui à la portée d’un nombre important d’états qui ne s’en dotent pas uniquement du fait des pressions internationales qui en résulteraient. En 2018, le prince Mohammed Ben Salman avait ainsi déclaré que si l’Iran venait à se doter de l’arme nucléaire, l’Arabie saoudite ferait de même, et il semblerait que les travaux allant dans ce sens aient été entamés avec le soutien de l’administration Trump. A ce titre, les autorités iraniennes ont déclaré aujourd’hui même ne plus se limiter aux engagements pris lors de l’accord de Vienne en 2015, du fait du manque de résultats concrets de la part des Européens pour des alternatives aux sanctions américaines. Même la très pacifique Allemagne a vu ce débat resurgir récemment, plusieurs leaders politiques estimant que le pays se devait d’assurer sa propre sécurité par cette voie.

Territorial changes of the Ottoman Empire 1913b Actualités Défense | Armes nucléaires | Communication institutionnelle défense
Les frontières de l’empire ottoman en 1913, telles que le président Erdogan a déclaré vouloir les rétablir lors de son élection

Le fait est, de nombreux dirigeants mondiaux ont à l’esprit le devenir de l’Irak et de la Libye (et de leurs dirigeants), deux pays ayant abandonné leurs programmes nucléaires, alors que le régime de Corée du Nord, pourtant très menaçant, est toujours en place. En outre, la puissance nucléaire procure à des pays qui ne sont ni représentatifs démographiquement, ni technologiquement, ni même économiquement, une puissance mondiale qui apparait dès lors indue. Difficile en effet de justifier le poids mondial de la Russie, avec seulement 145 millions d’habitants et un PIB de 1.600 Md$ inférieur à celui de l’Italie, autre que par les 12.000 têtes nucléaires qu’elle possède, une pour 12.000 habitants seulement, ou encore une tête pour 100 soldats … De fait, il sera très difficile, dans les décennies à venir qui verront le paysage géopolitique, économique et démographique de la planète se transformer radicalement, de prévenir la prolifération des armes nucléaires, sur le simple paradigme de la non-prolifération.

En abordant le sujet, le président Erdogan ne ferait, dès lors, qu’ouvrir un peu davantage une boite de Pandore déjà déverrouillée et objet de très nombreuses convoitises …

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