Parmi les plus importantes défaillances opérationnelles auxquelles seront exposées de nombreuses forces aériennes en Europe lors de la prochaine décennie, la plus significative, au delà des questions de format, est sans aucun doute l’absence d’avions de guerre électronique. En effet, face à des systèmes de défense anti-aérienne multi-couches performants, comme la Défense russe, les appareils européens, tels le Rafale, le Typhoon, le Gripen ou le F16, se retrouvent très exposés, et de fait très menacés. Or, la perte de ses capacités d’appui aérien signifierait pour l’OTAN, la perte de la majeur partie de sa puissance de feu, ne laissant que les forces terrestres, que l’on sait insuffisamment équipées pour le combat de haute intensité, pour tenir tête à des divisions blindées disposant 5 fois plus de blindés, et 10 fois plus de systèmes d’artillerie mobile que les européens.
Malgré cette faille critique, il n’existe, au sein de l’OTAN, que 150 appareils capables d’assumer ce type de mission, les EA 18G Growler de l’US Navy, par ailleurs très sollicités sur le théâtre Pacifique. Les F35A et B de certaines forces aériennes européennes, et les quelques F22 déployés par l’US Air Force, seront peut-être aptes à évoluer à proximité des défenses anti-aériennes russes, mais la multiplication des systèmes de détection de différents types, et la fusion des informations à l’échelon divisionnaire de la défense anti-aérienne russe, couplées aux capacités d’interception des Su30, Su35, Mig31 et bientôt Su57, très nettement supérieurs en nombre aux avions de 5eme génération en Europe, sont de nature à rapidement éroder ces capacités théoriques. Sans la supériorité aérienne consécutive de la neutralisation de la Défense anti-aérienne russe, l’OTAN se retrouverait dans une situation de vulnérabilité dramatique.
Les enseignements de l’US Navy
Depuis la guerre du Vietnam, l’US Navy, habituée aux missions nécessitant « d’entrer en premier » au dessus d’un territoire hostile et parfois âprement défendu, fait accompagner ses raids de bombardement par des appareils chargés de neutraliser les radars adverses, et éventuellement de les éliminer. Le EA6B Prowler assura cette mission pendant prés de 50 ans, de 1970 à 2019. Il est aujourd’hui remplacé par le EA18G Growler, destiné aux mêmes missions. Non seulement l’US Navy emploie systématiquement ce type d’appareils, mais elle en emploie beaucoup, 1 avion de brouillage pour 6 appareils de combat ; un chiffre qui n’a cessé de croitre au fil des années, puisqu’il n’était que de 1 pour 12 au début des années 70. Il faut dire que sur la même période, les systèmes de défense anti-aériens se sont modernisés, ont vu leurs performances s’étendre, et se sont à la fois densifiés et démocratisés.

En outre, les systèmes de défenses les plus performants, comme ceux déployés en Russie ou en Chine, se composent d’un ensemble de systèmes complémentaires et diversifiés, déployés sur un vaste territoire, nécessitant des moyens de brouillage plus puissant, et plus nombreux. Et ceci a un cout, le programme Growler ayant couté 3 Md$ de conception, y compris pour les versions évoluées du missile anti-radar HARM, et chaque appareil coute à lui seul 70 m$ Fly Away.
Quels besoins en Europe
Comme l’US Navy, les forces aériennes de nombreux pays européens, y compris la France et l’Allemagne, soit les deux plus importantes numériquement, ne disposent que d’appareils dits de 4eme génération, ne pouvant se reposer sur leur seule furtivité pour évoluer à proximité de défenses modernes. Certes, les appareils comme le Rafale français, ou le Typhoon européen, disposent de systèmes d’auto protection performants, mais ils sont insuffisants face à une défense multi-couche comme La Défense russe. Un appareil de guerre électronique est indispensable en Europe. En outre, le ratio utilisé par l’US Navy, issu des retours d’experience de nombreux engagements, semble tout désigné pour répondre aux besoins de ces forces aériennes, soit un appareil de guerre électronique pour 6 appareils de combat.
De fait, sur le périmètre SCAF, le programme d’avion de combat de nouvelle génération porté par la France, l’Allemagne, et l’Espagne, ces pays alignant une force aérienne de 250+210+140 = 600 appareils, le besoin en matière d’avions de guerre électronique s’établirait à 100 exemplaires, soit 42 pour la France dont 8 pour l’aéronavale, 35 pour l’Allemagne et 23 pour l’Espagne.
Programme et besoins de financement
Alors que la France emploie aujourd’hui l’avion Rafale, Allemagne et Espagne utilisent le Typhoon. Il n’est pas question, évidemment, d’espérer que la France puisse mettre en oeuvre des escadrons de Typhoon, d’autant que l’appareil n’est pas navalisé, pas plus que Berlin ou Madrid n’envisageront de choisir une solution sur la base du Rafale. La solution ne peut-être, dès lors, qu’un developpement mixte, à savoir un programme de programmes, mutualisant les développements qui peuvent l’être, comme les systèmes embarqués de guerre électronique, mais permettant à chaque acteur de l’intégrer dans son propre programme, le Rafale en France, le Typhoon coté germano-espagnole. Cette solution, sans être optimum du point de vu des couts de developpement, le sera concernant les conditions de maintenance et d’entrainement des équipages, qui aujourd’hui représentent plus de la moitié des couts de possession d’un appareil de combat.
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