vendredi, mars 29, 2024

La Corps de Marines n’est pas « optimisé » pour faire face à la Chine ou la Russie

Dire que la montée en puissance des forces militaires chinoises et russes est au coeur des préoccupations du Pentagone serait un doux euphémisme. Mais ce qui interpelle le plus aujourd’hui, ce sont les nombreuses déclarations d’officiers généraux au sommet de la hiérarchie, qui considèrent que ces deux pays pourraient avoir l’ascendant militaire sur les Etats-Unis, si un affrontement devait se produire.

C’est le cas du général David Berger, nouveau commandant du Corps des Marines des Etats-Unis. Dans sa première allocution publique depuis sa prise de fonction en juillet 2019 à la très influente et très respectée fondation Heritage, le général Berger a déclaré que le corps, perçue au Etats-Unis comme une unité d’élite, n’était pas prêt à affronter des adversaires comme les forces russes ou chinoises, et d’ajouter que le corps n’était tout simplement pas prêt à une guerre de haute intensité. En précisant sa pensé, le général américain a insisté sur l’efficacité des systèmes de déni d’accès navals et aériens, mais il indiqua également que, selon lui, l’US Marines Corps, et l’US Navy avec lui, avaient perdu la capacité à soutenir des actions navales, aéronavales et amphibies de grande envergure et de longue durée, comme celles qui seraient requises dans le Pacifique si un conflit devait s’y déclarer.

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Le Corps de Marines est spécialisé dans l’assaut amphibie et dispose pour cela de nombreux véhicules amphibie, comme l’AAV7.

Bien souvent, lorsqu’un officier général dans la position du général Berger tient se type de discours, c’est pour demander des moyens supplémentaires, comme ce fut le cas par exemple du général norvégien Rune Jakobson il y a quelques jours. Mais là n’est pas la position de l’officier américain. Au contraire, conscient que le pays allait probablement faire face à des difficultés économiques dans un avenir proche, il a indiqué que les solutions devaient se trouver « dans le Corps des Marines lui-même », et pas dans la poche de ses concitoyens. Pour cela, les Marines américains allaient devoir re-acquerir les savoir-faire de la guerre de haute intensité, et des fondamentaux ayant fait la réputation de ce corps, comme les opérations amphibies.

L’intervention du Général Berger est en phase avec celles de nombreux officiers généraux, notamment français, qui s’inquiètent aujourd’hui des capacités insuffisantes des forces qui leurs sont confiées en matière de combat contre un adversaire technologique majeur comme la Russie ou la Chine. En effet, ces deux pays ont reconstruit leur outil de défense sur cette seule hypothèse, et ont donc fait leurs arbitrages technologiques, materiels et humains à la seule fin de constituer une force optimisée pour le combat de haute intensité. A l’inverse, les pays occidentaux, et notamment ceux qui, comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou la France, ont été très engagés dans des opérations exterieures, ont pendant deux décennies cherché à transformer leurs forces, initialement conçues pour la haute intensité, vers un modèle de guerre de moyenne ou basse intensité, voir de guerre hybride. C’est ainsi qu’apparurent, par exemple, les brigades Stryker de l’US Army, dont la fonction était précisément de pouvoir être très rapidement déployées par des moyens aériens, et d’être optimisées pour faire face à des engagements asymétriques, comme ceux rencontrés en Afghanistan ou en Irak.

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Les unités du corps de Marines ont massivement été déployées en Afghanistan et en Irak lors des interventions américaines.

Malheureusement, au basculement de la nouvelle décennie de 2010, il devint rapidement évident que le contexte géostratégique évoluait rapidement, et que la Russie comme la Chine étaient engagées dans une profonde transformation de leurs outils militaires, de leurs doctrines, ainsi que de leurs ambitions. Il fallut cependant attendre l’annexion de la Crimée, la guerre du Donbass, et l’annexion de la Mer de Chine, pour que les grandes puissances occidentales admettent, sans pour autant agir, que les paradigmes des années 2000 étaient révolus. Et il fallut encore quelques années à ces pays pour se convaincre de la nécessité de re-capitaliser l’outil militaire. De fait, dans la majorité des pays de l’OTAN, l’augmentation effective de l’effort de Défense n’est intervenue qu’après 2015, soit 10 ans après l’engagement des premières réformes russes et chinoises.

La problématique de ces combats de haute intensité est déjà au coeur des réformes en cours dans l’US Army, et le sera très probablement pour les programmes de planification à venir des forces armées européennes. Reste qu’entre aujourd’hui et l’obtention d’une force adaptée à ce type d’engagement, et disponible en volume suffisant, se passera entre 15 et 20 années, durant lesquelles l’Europe restera très vulnérable, faute d’une anticipation et d’une prise en compte suffisante au niveau politique de cette menace. De part sa supériorité démographique et économique sur la Russie, l’Europe pourrait réduire sensiblement ce délais, laissant toute liberté aux Etats-Unis pour contenir la puissance chinoise. Encore faudrait-il que la prise de conscience se fasse au niveau politique, et ce dans des délais courts. Car si les programmes européens, comme SCAF, Tempest et MGCS, se préparent aujourd’hui pour le monde de 2040, ils laissent l’Europe très vulnérable entre 2020 et 2040, sans que cela ne semble inquiéter personne ….

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