mardi, décembre 3, 2024

Pourquoi l’US Navy ne parvient-elle pas à faire ce que la Marine Chinoise réussit si bien ?

Un récent rapport du CBO, le Congressional Budget Office, a lancé un pavé dans la marre de la planification des constructions navales de l’US Navy. En effet, avec 290 navires majeurs en service aujourd’hui, et un objectif de 355 en 2034, l’US Navy va devoir mettre en service 304 nouveaux bâtiments sur cette période, afin de remplacer les navires obsolètes, et augmenter son format. Elle prévoit pour cela un budget global de 865 Md$, soit 22 Md$ par an, en matière d’investissement et d’acquisition.

Mais pour le CBO, ce montant est considérablement sous-évalué , car il faudrait non pas 22 Md$, mais 31 Md$ par an, pour tenir ces engagements, eu égards à la croissance des couts de construction, et des besoins technologiques qui accompagnent chaque navire moderne. Et force est de constater que, ces dernières années, l’US Navy n’a pas brillé par sa capacité à respecter ses prévisions en matière de couts et de délais, pas plus que les autres corps des Etats-Unis ceci-dit … Ainsi, le programme LCS, qui devait initialement ne couter que 290 m$ par navire, coute désormais le triple, alors que les navires ont été amputés d’une bonne partie de leurs capacités opérationnelles prévues initialement. Les portes-avions de la classe Ford sont passés, eux, de 9 à 12 Md$. Mais c’est évidemment le programme Zumwalt qui bat tous les records, avec un cout final de 22 Md$ pour 3 navires, amenant un destroyer Zumwalt au prix de 3 sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Virginia, qui sont déjà loin d’être considérés comme « économiques ».

USS Zumwalt DDG 1000 Analyses Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Les 3 destroyers de la Classe Zumwalt auront couté chacun plus de 7,5 Md$, soit le prix d’un porte-avions de la classe Nimitz

L’US Army avec ses 6 programmes stratégiques au planning maitrisé, ou l’US Air Force et l’approche visant à créer une nouvelle « série Century », semblent s’engager vers des approches visant à résoudre ces problèmes de couts et de délais. De son coté, l’US Navy semble, elle, incapable d’y répondre efficacement, enfermée entre une approche globale politique, des pressions économiques locales, et un contexte technologique et opérationnel de plus en plus contesté, auxquels la seule réponse aujourd’hui est de construire toujours plus lourd, plus technologique et plus puissamment armé, et d’espérer que l’arrivée des drones navals apportera une solution magique.

L’US Navy pourrait être bien inspirée d’observer comment son principal adversaire, la Marine Chinoise, parvient à résoudre cette équation, au point de viser, en 2035, un format qui sera supérieur à 450 navires, avec au moins 7 ou 8 porte-avions dont 4 seront à propulsion nucléaire et d’un tonnage comparable aux Nimitz américains, une trentaine de croiseurs, une vingtaine de navires d’assaut lourds, une soixantaine de destroyers, autant de frégates et de sous-marins d’attaque, la majorité d’entre eux ayant un âge inférieur à 15 ans à cette date. A la différence de l’US Navy, la Marine Chinoise ne construit pas des bâtiments pour être au sommet des systèmes d’armes dans 20 ans, mais pour apporter un bénéfice immédiat, quitte à évoluer, parfois en profondeur, dans les années à venir.

Essais a la mer du premier destroyer lourd Type 055 de la Marine Chinoise Analyses Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
Le croiseur Type 055 emporte plus de 110 missiles en silos verticaux, et de nombreux systèmes de protection et de détection, dont un radar AESA, en faisant un des navires les plus puissant du théâtre Pacifique

Ainsi, avec les croiseurs Type 055, qui sont produits à un rythme de 4 unités par an, la Marine Chinoise n’a pas cherché à concevoir un système révolutionnaire équipé de technologies non matures, et les navires emportent des radars, sonars, missiles et systèmes de défense à la fois modernes et basés sur des technologies maitrisées et fiables. Au final, un Type 55 coute au budget chinois le prix d’un LCS américain, donc 10 fois moins cher qu’un destroyer Zumwalt, et 2 fois moins chers que les destroyers Arleigh Burke, qui portant n’ont rien à envier au navire chinois sur le plan technologique. Surtout, le navire est conçu pour évoluer rapidement et facilement, notamment grâce à une production énergétique largement surcapacitaire dépassant les 100 MW, qui permettra d’ajouter, lorsque les technologies seront prêtes, un Rail Gun, ou un système d’arme à énergie dirigée, sans devoir profondément refondre le navire.

La course aux armements qui renait aujourd’hui, entrainera un emballement technologique rapide qui rend, si pas impossible, en tout cas très difficile la planification technologique à très long terme. De fait, les pays qui visent des gains opérationnels à courts et moyens termes, avec une approche tuilée des bons technologiques, peuvent aujourd’hui faire jeu égal avec des très grandes puissances, comme les Etats-Unis, qui semblent avoir des difficultés à sortir des paradigmes de la période post guerre froide, et ce malgré des moyens plus réduits. C’est également ce qui explique comment des pays comme la Russie, aux moyens infiniment plus limités, parvient à faire peser un haut niveau de menaces sur l’OTAN, avec des navires et sous-marins de faible tonnage mais bien armés et disponibles en quantité, des chars de génération précédente mais modernisés, bien protégés et là encore, disponibles en quantité, ou des avions de combat, plus rustique, mais bien armés, et toujours, évidemment, en quantité importante.

FREMM Italie Analyses Défense | Constructions Navales militaires | Contrats et Appels d'offre Défense
L’Italien Fincantieri propose sa FREMM pour la compétition FFG/X

On ne peut qu’espérer, pour l’US Navy, que le programme de frégates FFG/X, ouverts aux chantiers navals européens, et qui associe des ambitions raisonnables à des bénéfices à courts termes dans un calendrier réduit, inspirera les planificateurs et les industriels américains. Car c’est probablement aujourd’hui le programme le plus raisonnable et le plus efficace de l’US Navy depuis bien des années.

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