Ces dernières années, les armées américaines se sont faites une spécialité des programmes lancés en urgence pour combler une défaillance operationelle importante. Ce fut le cas de la modernisation des canons automoteurs M109 Paladin, du renforcement des capacités de combat du blindé Stryker, des frégates FFG/X, des missiles hypersoniques et du programme FARA, pour ne citer que les plus marquants. Mais l’une des défaillances les plus flagrantes des forces américaines, et avec elles de toutes les forces armées terrestres occidentales, consistait en l’absence de protection aérienne rapprochée pour les unités combattantes, à l’exception des missiles portables, comme le Stinger américain, ou le Mistral Français. Marqués et conditionnés par 20 années de conflits de basse intensité, du Kosovo à l’Afghanistan, en passant par l’Irak et le Mali, les forces armées occidentales avaient tout simplement mis de coté l’hypothèse d’un engagement contre un adversaire qui, lui, disposerait d’une force aérienne. La Russie et la Chine, mais aussi l’Iran ou la Corée du Nord, amenèrent les américains à reconsidérer leurs paradigmes.
C’est précisément pour pour cela qu’en 2017, l’US Army lança le programme IM-SHORAD, pour Initial Manoeuvre Short Range Air Defense, un système mobile permettant d’assurer la protection rapprochée des forces terrestres. Le programme fut confié à General Dynamic qui monta sur un blindé Stryker A1 une tourelle anti-aérienne fournie par l’italien Leonardo, et qui met en oeuvre 4 missiles anti-aériens Stingers, 2 missiles anti-aériens et anti-chars Hellfire, un canon de 30 mm, et un lance grenades / fumigène M299, l’ensemble étant controlé par un radar Sentinel et un système de visée Electro-optique. Ainsi pourvu, l’IM-SHORAD peut engager les aéronefs, hélicoptères et drones adverses dans une bulle de 5 km l’entourant, et les blindés jusqu’à 4 km. L’US Army a commandé 144 exemplaire de l’IM-SHORAD, le premier devant être livré en 2020, le dernier en 2024. C’est le premier exemplaire du IM-SHORAD qui a été présenté à Washington lors du salon AUSA 2019.
Si le besoin est effectivement urgent pour l’US Army, l’IM-SHORAD ne constitue, toutefois, qu’une solution d’intérim en attendant de disposer de nouveaux systèmes plus performants. En effet, le blindé américain est loin de s’approcher du niveau de protection offert par les systèmes SHORAD russes, comme le Tunguska pourtant ancien, le système TOR M2 ou le Pantsir S2. Ainsi, le 2K22 Tunguska M1, version évoluée d’un blindé entré en service en 1984, emporte 8 missiles 9M311-M1 d’une portée de 10 km, à guidage sur faisceau controlé par le radar 3D Doppler à impulsion 1RL144M , et 2 auto canons de 30 mm, et est monté sur un châssis chenillé assurant au blindé une grande capacité tout terrain. Le TOR M2, dernière version du système TOR, ne dispose pas de canon, mais emporte 16 missiles 9M338 d’une portée de 16 km, guidés par un ensemble radar Scrum Half (dénomination OTAN), et, là encore, monté sur une blindé chenillé. Le Tor M2 a semble t il donné grande satisfaction aux forces russes déployées en Syrie dans la protection de la base Khmeimim face aux attaques par drones et roquettes. Enfin, le système Pantsir S2, déjà présenté, associe 2 canon de 30 mm à 16 missiles 57E6M-E d’une portée de 30 km (40 km sur la version SM), controlé par un couple associant un système radar capable de détecter ses cibles à 40 km, et un système electro-optique. Le Pantsir n’est pas destiné à accompagner à proprement parler les forces terrestres, mais à protéger les infrastructures contre les missiles de croisières, bombes, obus et roquettes, ainsi que contre les drones, aéronefs et hélicoptères. Il reste cependant très mobile, monté sur un camion 8×8 Kamaz.
On le voit, face aux systèmes de protection rapprochée de facture russe, l’IM SHORAD fait pauvre figure. Mais il reste, au jour d’aujourd’hui, le seul systeme de ce type en occident, à l’exception du Biho sud-coréen. Les armées de l’OTAN ont longtemps négligé cette dimension en ayant l’assurance de disposer de la supériorité aérienne face à n’importe quel adversaire. Mais avec l’entrée en service de systèmes comme le S400 et du S500 à venir et d’appareils comme le Su35 et bientôt du Su57, et surtout avec les nouvelles systèmes de drones et de missiles guidés, non seulement n’a t elle plus l’assurance de disposer à tout moment de cette supériorité aérienne, mais surtout, même en l’ayant, elle est loin d’assurer la protection des forces terrestres contre des frappes venues du ciel. De fait, pour les forces armées européennes, il est désormais impératif de disposer le plus rapidement possible d’un tel système.
Malheureusement, aucun programme, ni national, ni européen, n’a pour l’heure été annoncé en ce sens. L’Allemagne avait déclaré vouloir prendre la direction d’un tel programme, mais aucune confirmation, ni aucun programme officiel ne sont venu corroborer cette annonce pour l’heure. Dans un système de Défense, la capacité défensive de l’ensemble est déterminé par ses défaillances les plus sévères. Il ne sert à rien de developper un MGCS et un SCAF, si, parallèlement, les forces terrestres ne disposent d’aucune protection rapprochée contre des nuées de drones et de missiles de croisière….