L’US Army n’est pas prête pour faire face aux brouillages chinois ou russes

Pourquoi la Russie et la Chine ont-elles toutes deux consenti à d’importants investissements en matière de guerre électronique depuis une vingtaine d’années, alors que l’opportunité de s’en servir paraissait très faible ? La réponse est donnée aujourd’hui par un panel d’experts en guerre électronique aux Etats-Unis, qui jugent que l’US Army, ainsi que l’ensemble des forces américaines, serait tout simplement rendu inopérant par la puissance du brouillage électromagnétique que les forces russes ou chinoises sont aujourd’hui capables de déployer.

Ces mêmes experts, dont certains sont des officiers d’active des 4 corps américains, estiment que le problème est aujourd’hui majoritairement ignoré par le Pentagone, qui ne cherche pas à y remédier, ni même à en faire un sujet d’intérêt, malgré certains programmes allant dans ce sens. Ainsi, les exercices nationaux et internationaux auxquels participent les forces américaines, y compris ceux de l’OTAN, sont jugés irréalistes et anormalement faciles par ces experts, avec des exemples édifiants. Comme celui où des officiers de l’US Army comme de l’US Air Force auraient requis l’arrêt du brouillage effectué par un C130 Compas Call à l’occasion de plusieurs exercices. Ce brouillage rendait la tenue de l’exercice impossible, et maintenait la force aérienne au sol … plutôt embarrassant, n’est-ce pas ? En outre, la Russie a déjà à plusieurs reprises qu’elle était capable de générer la tenue d’exercices de l’OTAN à proximité de ses frontières, simplement en brouillant le signal GPS dans la zone.

EC 130H Nellis Actualités Défense | Entrainements et Exercices militaires | Etats-Unis
Selon les témoignages de certains experts, le brouillage effectué par un EC-130H Compass Call suffit à immobiliser les appareils de l’US Air Force au sol lors d’exercices, obligeant à l’arrêt du brouillage pour poursuivre la tenue du dit exercice.

Malheureusement, les forces américaines sont parfaitement représentatives de l’ensemble des forces occidentales dans ce domaine. La Guerre électronique, comme l’ensemble des actions sur le spectre électromagnétique, ont été parmi des premières capacités opérationnelles délaissées sur l’autel des « bénéfices de la Paix », après l’effondrement du bloc soviétique. En quelques années, le sujet était sorti des préoccupations des états-majors et des gouvernants politiques, et aucun pays européen ne dispose aujourd’hui d’appareils spécialisés dans le brouillage électronique. Etonnement, la Russie, qui pourtant traversait alors une crise économique et sociale historique dans les années 90 et 2000, a maintenu ces mêmes compétences, et la Chine les développait de son coté. A titre d’exemple, nombreux sont ceux, en Europe, qui estiment que les systèmes de défense comme SPECTRA équipant le Rafale, ou Pretorian équipant le Typhoon, suffisent à garantir la sécurité de l’aéronef et de sa mission. Les spécialistes de la question, eux, sont beaucoup plus circonspects, et estiment, comme les experts outre-atlantique, que les forces en Europe, et notamment en France, sont extrêmement vulnérables du fait de leur inconsistance sur le spectre électro-magnétique. On peut se demander si les rapports concernant les effets du brouillage d’une corvette russe à proximité des bâtiments français, qui aurait empêché deux des trois frégates FREMM de tirer leurs missiles MdCN, sont à ce point fantaisistes, considérant les positions exprimées de ces mêmes experts …

La vulnérabilité électromagnétique des forces occidentales n’est, en fait, qu’un des aspects de leur vulnérabilité globale, et de leur faiblesse dès lors qu’elles devraient affronter un adverses technologique dans le domaine de la guerre conventionnelle. Formatées par les multiples campagnes contre des adversaires non technologiques en Afghanistan, en Irak ou au Mali, convaincus de leur supériorité technologique et doctrinale après les guerres d’Irak (90) et de Yougoslavie, les forces occidentales ont évolué pendant 30 ans dans l’ombre de leur propre légende autoproclamée, sans tenir compte des évolutions et progrès de pays potentiellement compétiteurs, la Russie et la Chine. C’est toute la réflexion stratégique occidentale qui est défaillante dans ce domaine, la même défaillance que celle qui mena les forces françaises et britanniques à la défaite en 1940 face à une Allemagne nazie qui, en moins de 10 années, avait conçu un outil militaire et une doctrine pour venir à bout d’une armée franco-britannique pourtant plus puissante, mais figée dans ses certitudes.

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