L’Eurofighter fait peau-neuve : Airbus DS en opĂ©ration charme outre-Rhin

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A l’occasion de son Trade Media Briefing 2019 Ă  Manching (Allemagne) qui s’est tenu en dĂ©but de semaine, Airbus DS a rassemblĂ© la presse spĂ©cialisĂ©e pour une revue complète de ses activitĂ©s de dĂ©fense. Outre le dĂ©voilement d’un projet d’aĂ©ronef furtif, la compagnie a Ă©voquĂ© les prochaines Ă©volutions capacitaires de l’Eurofighter EF-2000, un chasseur qui, pour Airbus DS, doit impĂ©rativement se mettre au niveau des standards actuels tout en servant de socle aux futurs dĂ©veloppement du Système de Combat AĂ©rien Futur (SCAF)

L’EUROFIGHTER ECR/SEAD : UNE SOLUTION PALLIATIVE AUX CARENCES DE LA LUFTWAFFE

Annoncé lors du Bourget en juin 2019, l’avionneur européen a présenté ce mardi son Typhoon ECR /SEAD (Electronic Combat Role/Suppression of Enemy Air Defenses), une variante de l’Eurofighter dédié à la guerre électronique et à l’attaque contre les défenses aériennes au sol. Cette nouvelle déclinaison a pour finalité première d’opposer un concurrent crédible au E/A-18G Growler de Boeing dans le cadre du remplacement des Tornado ECR de la Luftwaffe qui, après 40 ans de bons et loyaux services, sont à bout de souffle.

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Cette nouvelle configuration de l’Eurofighter ne fait que rĂ©pondre a un besoin croissant des Etats europĂ©ens en la matière – une Ă©volution naturelle du Typhoon – eu Ă©gard Ă  son dĂ©ploiement sur les théâtres d’opĂ©rations libyen, syrien et irakien. Par ailleurs, l’emploi de l’Eurofighter a sensiblement Ă©voluĂ© au cours de la dĂ©cennie. Initialement conçu pour remplir des missions de suprĂ©matie aĂ©rienne (Air-Air), le Typhoon a du progressivement pallier Ă  la mise en retraite de nombre de Tornado ECR – aussi bien italiens, qu’allemands et britanniques – et ainsi remplir des missions d’appui aĂ©rien pour lesquelles il n’était absolument pas « dĂ©signĂ© Â».

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L’Eurofighter ECR/SEAD devrait ĂŞtre vraisemblablement Ă©quipĂ© de deux pods Escort Jammer sous les ailes ainsi que deux Emitters Location System (ELS) Ă  l’extrĂ©mitĂ© de chaque aile. En termes d’armement, il devrait emporter 2 IRIS-T, 6 SPEAR-EW, 4 Meteor, sans oublier 3 rĂ©servoirs externes.

Avec une telle configuration, nul doute que la firme europĂ©enne espère faire pencher la balance en sa faveur pour la future commande de la Luftwaffe en remplacement des Tornado. Ă€ ce jour, l’avionneur europĂ©en proposerait aux autoritĂ©s allemandes 85 Eurofighter ECR/SEAD, dont 45 avec « capacitĂ©s stratĂ©giques Â» (comprendre « Ă  capacitĂ© nuclĂ©aire Â») et 40 avec capacitĂ© de brouillage offensif. D’après Kurt Rossner, responsable du dĂ©partement « Air Combat Â» chez Airbus DS, cette dĂ©clinaison est intimement liĂ© aux industriels allemands et formerait une Ă©tape cohĂ©rente et logique dans la roadmap capacitaire de l’Eurofighter. Airbus ambitionne Ă©galement un second contrat avec la Luftwaffe au premier trimestre 2020 portant, quant Ă  lui, sur la modernisation de 38 Eurofighter EF-2000 de la tranche 1, des modèles livrĂ©s Ă  l’orĂ©e des annĂ©es 2000.

UN ENJEU POLITIQUE ET INDUSTRIEL

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L’appel d’offres lancé par le gouvernement allemand pour remplacer d’ici à 2030 l’ensemble de ses Tornado est éminemment politique. Outre le consortium européen Eurofighter GmbH, Boeing et son F/A-18 Super Hornet – et sa déclinaison pour la guerre électronique E/A-18 Growler – sont toujours en lice après l’élimination du F-35A de Lockheed Martin en janvier 2019. Néanmoins pour le gouvernement allemand, il s’agit de remplacer un avion capable d’emporter des charges nucléaires – à savoir la bombe gravitationnelle américaine B-61 – dans le cadre du partage nucléaire de l’OTAN. Or, ni l’Eurofighter ni le Super Hornet ne sont habiletés à transporter une charge nucléaire américaine.

Ainsi, l’Allemagne se trouve face Ă  un vĂ©ritable dilemme politico-militaro-industriel opposant deux options qui, chacune, ont des dĂ©savantages majeurs. Soit les autoritĂ©s allemandes cèdent aux vĂ©llĂ©itĂ©s de la Luftwaffe et choisissent de commander un nombre rĂ©duit de F-35A pour mener Ă  bien leurs impĂ©ratifs nuclĂ©aires mais une telle dĂ©cision reviendrait Ă  clouer au pilori la coopĂ©ration franco-allemande et les programmes affĂ©rents (SCAF, MGCS) ; soit l’Allemagne procède Ă  un achat exclusif d’Eurofighter tout en se lançant dans un processus de certification de l’appareil pour assumer les missions nuclĂ©aires mais cela prendrait, d’après le Pentagone, 4 Ă  5 ans, ce qui sous-tendrait un maintien en service des Tornado d’ici Ă  2030. Cette deuxième solution serait très favorable Ă  l’industrie allemande mais la contrepartie demeurerait un MCO très coĂ»teux au vu de l’âge avancĂ© des Tornado.

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les États-Unis ont fait valoir que la Luftwaffe devait se doter d’un appareil pouvant emporter la bombe nuclĂ©aire tactique B-61 et capable de dĂ©jouer des dĂ©fenses aĂ©riennes « avancĂ©es ». Sous cet angle, le choix du F-35A passait donc pour ĂŞtre le plus judicieux mais pour l’instant cette option a Ă©tĂ© repoussĂ© par le gouvernement fĂ©dĂ©ral allemand.

Le sujet divise outre-Rhin avec une partie de la classe politique qui privilégierait une solution européenne incarnée par l’Eurofighter tandis que la Luftwaffe pencherait en faveur d’un appareil de manufacture américaine. Un choix cornélien donc, qui va peser de manière significative sur les orientations politiques, industrielles mais aussi capacitaires de l’Allemagne pour les prochaines décennies à venir.

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UN CHOIX QUI RENFORCERAIT LA CRÉDIBILITÉ DU SCAF

Le choix d’une solution made in Germany par les autoritĂ©s allemandes irait indĂ©niablement dans le sens de l’Europe. En premier lieu, l’enjeu industriel est de taille : les commandes de l’Eurofighter ont actuellement une visibilitĂ© de 4 Ă  5 ans et ce, uniquement grâce au grand export. En effet, le cahier de commandes arrive en bout de course en Europe car sur les 487 avions commandĂ©s par l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Grande-Bretagne, 481 ont Ă©tĂ© d’ores-et-dĂ©jĂ  Ă©tĂ© livrĂ©s. Outre l’aspect industriel, il s’agit de maintenir une chaĂ®ne de production dispatchĂ©e dans quatre pays europĂ©ens, avec nombre d’emplois Ă  la clĂ©.

Enfin, tout comme le Rafale, l’Eurofighter est vouĂ© Ă  tenir un rĂ´le central dans le dĂ©veloppement du Système de Combat AĂ©rien Futur (SCAF) et plus globalement, du partenariat franco-germano-espagnol. En effet, la logique de dĂ©veloppement du SCAF se voulant incrĂ©mentale, sa concrĂ©tisation nĂ©cessitera l’acquisition de briques technologiques indispensables Ă  la maturation du projet. Or, autant le Rafale que l’Eurofighter, ainsi que leurs futurs standards, constitueront des Ă©tapes importantes, des donnĂ©es d’entrĂ©es dans la rĂ©flexion en cours sur le SCAF, avec lequel ils seront totalement interopĂ©rables : ils poseront les premières briques technologiques de connectivitĂ© incontournables pour le combat collaboratif de demain.

Axel Trinquier – Questions de dĂ©fense europĂ©enne

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