jeudi, décembre 12, 2024

Lutte contre les mines navales par petits fonds : l’Airborne Mine CounterMeasures de l’US Navy

La participation de la marine des États-Unis (United States Navy) à la quarante-septième édition de l’exercice BALTOPS (BALTic OperationS) s’est notamment illustrée par la mise en œuvre pour la première fois dans cet exercice de l’Airborne Mine CounterMeasures (AMCM) par l’Helicopter Sea Combat Squadron Two Eight (HSC 28). Il s’agit de l’une des rares solutions opérationnelles de lutte contre les mines navales par petits fonds (0 – 15 mètres).

La lutte contre les mines navales demeure un enjeu fondamental afin de préserver la liberté d’action des flottes de pêche, commerciales, militaires et scientifiques, voire de plaisance, d’un État afin de pouvoir exercer son droit (Convention de Montego Bay (1994) à la liberté de navigation. Les accès à un port, une base navale, un chenal, des détroits, des lieux de concentration de la navigation ou des zones entières peuvent être minés et donc restreindre partiellement ou totalement la liberté de manœuvre des protagonistes pré-cités. L’une des caractéristiques maritimes majeures est que les routes maritimes sont les mêmes pour tous.

Il existe plusieurs types de mines navales – dérivantes, fixées par petits ou grands fonds, mines intelligentes – qui font détonner leur charge selon un ou plusieurs stimuli extérieurs. Il peut s’agir de mines à contact (entre celle-ci et la coque du malheureux bâtiment), à influence magnétique, dépressionnaire, par reconnaissance acoustique, voire même de mines combinant un ou plusieurs de ces stimuli. Certaines mines emploient, plutôt qu’une charge explosive, une torpille.

La dépollution de ces petits fonds est un enjeu revivifié car la diffusion de certaines techniques terrestre comme, par exemple, les Engins Explosifs Improvisés (EEI ou Improvised Explosive Device (IED) pollue directement les petits fonds. Le recours à des dispositifs plus ou moins artisanaux, de détournement de matériels militaires, voire même d’utilisation de véritables mines navales s’est récemment illustrée au Yemen (minage du port d’Hodeïda).

L’une des plus grandes difficultés de la lutte contre les mines est leur localisation par petits fonds. Il est possible d’employer un sonar actif pour ce faire. Mais celui-ci doit être placé à l’avant du bâtiment-porteur et orienté en secteur frontal. La plupart des sonars de lutte contre les mines sont orientés vers le bas, afin de pouvoir investiguer les fonds. À ce problème matériel s’ajoute les difficultés liées à à l’exploitation du chenal acoustique le long de la surface de la mer en raison des caractéristiques de propagation des ondes sonores. Connaître la présence d’objets dans des petits fonds de 0 à -15 mètres de profondeur est une chose, les localiser précisément en est une autre.

D’autres moyens furent essayés pour contourner cette difficulté première. La détection radar fut expérimentée par exemple. Des traitements particuliers du signal émis par le radar furent essayés. Les ondes radioélectriques pénètrent le milieu liquide de seulement quelques mètres. Mais ces procédés ne donnent que de minces résultats, et uniquement par une mer d’huile.

L’observation optique donne quelques résultats pour des profondeurs de 0 à -5 mètres. Cela suppose, toutefois, de pouvoir se placer suffisamment haut afin de pouvoir apercevoir l’objet sous-marin, idéalement depuis un hélicoptère. Cette technique repose, elle aussi, sur d’assez bonnes conditions environnementales.

Dans cette perspective, la détection laser (LIght/Laser Detection And Ranging (LIDAR) est autant la plus prometteuse que la plus efficace de toutes ces techniques. Un senseur LIDAR intégré à une plateforme aérienne (aéronefs à voilure tournante ou fixe) est capable de pénétrer la mer de 0 à -10, voire -15 mètres de profondeur. Deux utilisations sont possibles, voire complémentaires : des levés topo-bathymétriques (le Service HydrOgraphique de la Marine (SHOM) expérimente depuis 2015 la technique avec le HawkEye III) et donc la détection d’objets sous-marins.

L’Airborne Mine CounterMeasures (AMCM) mis en œuvre par l’Helicopter Sea Combat Squadron Two Eight (HSC 28) est l’un des ensembles du module Mine Counter-Measure (MCM) qui équipe les Littoral Combat Ship des classes Independance et Freedom. L’AMCM repose sur deux principaux équipements : le premier est l’Airborne Laser Mine Detection System (ALMDS). Caché sous ce nom se trouve, justement, un LIDAR intégré au sein d’une nacelle portée par un hélicoptère, MH-60S. Le deuxième est l’Airborne Mine Countermeasures System – Archerfish (AMNS-AF).

Airborne Laser Mine Detection System Actualités Défense | Etats-Unis | Guerre des mines navales
Airborne Laser Mine Detection System (ALMDS)

La nacelle ALMDS sert donc au repérage des objets sous-marins avec des traitements particuliers afin de pouvoir identifier les mines navales par petits fonds. Les performances seraient très bonnes jusqu’à -15 mètres. Le défaut du système toucherait à ses capacités de balayage.

Le degré de fiabilité du système ALMDS est aussi à considérer vis-à-vis du fait qu’une capacité concurrente incarnée par l’AQS-20A reposée sur l’emploi d’un sonar. Après la réception de dix exemplaires, ce programme fut annulé.

Les mines repérées doivent être détruites. L’emploi d’un canon de 30 mm avait été préféré jusqu’au développement de ce système. Les problèmes de pénétration dans l’élément marin (réflexion, résistance à l’avancement) des obus – même supercavitant – n’offrent pas toutes les garanties nécessaires pour faire détoner la mine navale. Une drague magnétique comme la MK-105 Magnetic Influence Minesweeping System remorquée par un CH-53 Sea Dragon fait les réagir les mines à influence magnétiques. Mais pas les autres.

Airborne Mine Countermeasures System Archerfis Actualités Défense | Etats-Unis | Guerre des mines navales

L’AMNS-AF propose une technique intéressante pour la ré-acquisition des mines repérées par l’ALMDS, leur identification et leur neutralisation rapide. Il s’agit d’une nacelle pouvant déployer quatre torpilles reliées à celle-ci par une fibre optique dont la tête est équipée d’un sonar à haute fréquence et d’une voie optique à faible lumière. L’Archerfish est donc guidé jusqu’au contacté repéré et classifié comme mine probable en se mouvant par ses propres moyens jusqu’à détonner si le contact est positif. Le faible du volume du système permet de l’intégrer depuis des drones de surface jusqu’à un hélicoptère.

Contrairement à l’emploi d’un véhicule téléopéré effectuant le même travail, l’ AMNS-AF parie sur une vitesse d’exécution nettement supérieure, ce qui souligne la constance des choix américains en matière de lutte contre les mines : pouvoir passer, malgré les mines navales, et vite.

La proposition technique pour la lutte contre les mines navales par petits fonds contenue dans l’Airborne Mine CounterMeasures (AMCM), une des composantes du module Mine Counter-Measure (MCM) des Littoral Combat Ship, apparaît comme l’une des plus crédibles au monde, eu égard aux déconvenues enregistrées par les sonars à secteur frontal, si tant est qu’ils équipent les bâtiments de guerre des mines.

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