La modernisation de la marine portugaise (Marinha Portuguesa ou Armada Portuguesa) découle d’un processus politico-militaire débuté en 2005 mais contrarié par les crises financières, économiques et des dettes souveraines (2007 – 2009) alors que la flotte de surface vieillissait inexorablement. La Coopération Structurée Permanente (CSP ou PErmanent Structured COoperation (PESCO) en anglais) European Patrol Corvette apparaît comme l’une des rares opportunités pour le Portugal de pouvoir lancer un programme de bâtiments de surface afin d’accélérer sa remontée en puissance en matière de lutte anti-sous-marine.
Le rythme stratégique portugais se partage entre les documents stratégiques dont les deux derniers furent publiés à une décennie d’intervalle, et les lois de programmation militaire qui couvrent une période de douze années, elles-mêmes subdivisées en quadriennat qui sont les législatures de l’Assemblée de la République (chambre unique (ou monocaméral) du parlement portugais).
Le Conceito de Defesa Estratégica 2003 définissait la perception par le Portugal du contexte international et sa traduction en priorités données à la stratégie militaire. Il en ressortait une attention particulière donnée à la protection des zones économiques exclusives, des prérogatives souveraines de Lisbonne et la volonté de conserver une marine apte à agir sur tout le spectre des opérations. Plan qui fut suivi par une vaste modernisation de la marine portugaise énoncée en 2005 avec un objectif lourd : 80% des bâtiments sont à remplacer car, dans l’immense majorité, issus des programmes des années 1960 à 1990.
Les priorités énoncées en 2003 ne furent pas bousculées par le Conceito de Defesa Estratégica 2013. Ces conclusions sont traduites dans la Lei de Programação Militar ( 2019-2030). Le prochain document stratégique portugais devrait logiquement paraître en 2023. L’évolution des priorités stratégiques portugaises sera à observer eu égard à la manière dont seront perçues les évolutions qui touchent l’océan Atlantique Nord (présences accrues des marines chinoise et russe), l’évolution de l’Alliance atlantique et les ambitions navales portugaises pour le golfe de Guinée et la mer Méditerranée.
Les bâtiments de combat de l’Armada Portuguesa reçoivent le préfixe NRP pour Navio da República Portuguesa. Tous les bâtiments sont concentrés dans la base navale de Lisbonne. La flotte de surface de la marine portugaise repose sur cinq frégates réparties entre les classes Bartolomeu Dias (2) et Vasco de Gamma (3) plus quatre patrouilleurs hauturiers de la classe Viana do Castelo (4 + 6). Seules les cinq frégates disposent de capacités de lutte anti-navires, anti-aériennes et anti-sous-marines qui se limitent pour ces deux dernières missions à leur auto-défense. Les patrouilleurs hauturiers remplacent des corvettes mais ne paraissent pas être prévus pour accomplir des missions de guerre.
Les deux frégates de la classe Bartolomeu Dias (Bartolomeu Dias (2009) et Dom Francisco de Almeida (2009) de 3300 tonnes à pleine charge sont les anciennes frégates Van Nes (1994) et Van Galen (1994) de la classe Karel Doorman (ou M-fregat). Elles furent vendues par les Pays-Bas au Portugal en 2006. Ces deux bâtiments sont encore sous l’âge avec 25 années et bénéficient d’un programme de rénovation à mi-vie d’un montant de 105 millions d’euros, afin de permettre aux deux bâtiments de participer aux opérations de moyenne et de haute intensité de l’OTAN. Le Bartolomeu Dias a bénéficié des premiers travaux dans le chantier naval de Den Helder en avril 2018 et retournera dans les rangs de la flotte portugaise à la fin de l’année 2019. Le Dom Francisco de Almeida sortira du même chantier en 2022.
Les trois frégates polyvalentes (Vasco de Gama (1991), Álvares Cabral (1991) et Corte-Real (1992) de la classe Vasco de Gamma sont du type MEKO 200 PN de 3200 tonnes à pleine charge. Elles furent toutes les trois construites en Allemagne dans deux chantiers navals différents, Blohm + Voss (1) et HDW (2). Elles demeurent sous l’âge avec une moyenne d’âge de 27,6 ans. Mais leur remplacement doit être anticipé afin d’être idéalement accompli aux alentours de l’année 2021, d’autant plus que certaines capacités, comme la lutte anti-aérienne, sont obsolètes ou en voie de l’être. Ces frégates bénéficieront elles aussi d’une rénovation à mi-vie (2023 – 2026) dans l’optique de les maintenir au service jusqu’au milieu des années 2030 pour un montant de 124 millions d’euros. D’une ampleur moindre que la rénovation à mi-vie de l’autre classe de frégates, ce programme de modernisation vise à prolonger la durée de vie de ces bâtiments et de les repositionner sur les opérations de faible et moyenne intensité.
Le remplacement des frégates des classes pré-citées est renvoyée à la prochaine Lei de Programação Militar ( 2030-2042) qui visera aussi à l’acquisition de nouveaux patrouilleurs océaniques et côtiers.
Le programme NPO-2000 (Navios-Patrulha Oceânicos) était lancé en 1998 avec une cible initiale de douze patrouilleurs océaniques. Il devenait en 2005 le programme de bâtiment de surface recevant la priorité des investissements afin de permettre le remplacement des corvettes de la classe Joao Coutino (6) et celles de la classe Baptista de Andrade (4) par 10 patrouilleurs océaniques (1600 tonnes à pleine charge) en deux versions : les Navios de Patrulha Oceanica (8) et les Navios de Combate à Poluiçao (2). Quatre unités sont d’ores et déjà en service (Viana do Castelo (2010), Figueirar da Foz (2013), Sines (2018) et Setúbal (2019). Le 22 juin 2018 le premier ministre annonçait la future commande additionnelle des six dernières unités pour 352 millions d’euros selon le budget inscrit dans la loi de programmation militaire, valorisant chacune à un coût unitaire de production de 58,7 millions d’euros. Le contrat est toujours en attente de signature et les mises sur cale seraient échelonnées (2022 – 2029).
La coopération structurée permanente European Patrol Corvette mériterait d’être présentée au gouvernement et à la Marinha Portuguesa car l’évolution des occupations du volume sous-marin font ressurgir les menaces vis-à-vis des câbles sous-marins, et l’activité des forces sous-marines est plus soutenues dans les années 2015-2020 que dans les années 2000-2015 alors que, symétriquement, le format de la sous-marinade portugaise a été réduit de 4 à 2 sous-marins.
Le contrat (352 millions d’euros) portant la construction des six patrouilleurs hauturiers de la classe Viana do Castelo (2022 – 2029) n’est pas encore signé et le programme de modernisation des frégates de la classe Vasco de Gama (3) n’est pas encore d’actualité (124 millions d’euros). Ces budgets ne couvrent pas entièrement un programme de corvettes mais leurs calendriers respectifs renvoient leur exécution aux deux prochains quadriennat, quand sera achevé la rénovation à mi-vie des frégates de la classe Bartolomeu Dias.
La European Patrol Corvette portée par la France et l’Italie pourrait être l’occasion pour le Portugal de poursuivre la modernisation de sa marine entamée en 2005. Le positionnement institutionnel de ces futures corvettes – limited warship ou unités de second rang – compléterait les patrouilleurs hauturiers de la classe Viana do Castelo dont le nombre final devra être arrêté, et remplacerait avantageusement les frégates Vasco de Gama. Remplacer une partie des patrouilleurs et ces trois frégates par des European Patrol Corvette permettrait d’éviter de maintenir au service trois frégates qui auront 30 ans de service de 2021 à 2022, tout en soutenant une remontée en puissance en matière de lutte anti-sous-marine.
L’industrie navale portugaise profiterait de la fourniture de nouveaux plans de charge au profit des bureaux d’études dont la dernière classe étudiée fut le programme NPO-2000 (1997 – 2010). L’activité d’usinage et d’assemblage serait soutenue par diverses commandes étatiques dans le cadre d’une hypothétique commande de corvettes, de manière à préparer un futur programme de frégates devant être lancé au début des années 2020. Le programme de patrouilleurs hauturiers ne couvre, en effet, pas l’ensemble les besoins industriels.