En raison des conséquences de la fluctuation des taux de change entre le dollar et l’euro, les commandes à mener pour le programme d’acquisition des F-35A par Amsterdam ont généré des surcoûts. Ils obligent à retarder de cinq ans le lancement du programme de remplacement des bâtiments du programme Luchtverdedigings- en CommandoFregat (LCF ou Frégates de Défense Aérienne en français) de la Marine Royale des Pays-Bas (Koninklijke Marine). Il devait être lancé en 2021 pour une admission au service actif de la première des nouvelles frégates en 2029.
Les actuelles frégates de défense aérienne de la classe De Zeven Provinciën (programme LCF) sont les Zr.Ms. (Zijner Majesteits ou Sa Majesté) De Zeven Provinciën (2002), Zr.Ms. Tromp (2003), Zr.Ms. De Ruyter (2004) et Zr.Ms. Evertsen (2005). Le système de défense aérienne (radars Active phased array radar (APAR), S1850 SMART-L et systèmes associés) de ces frégates fut conçu en partenariat avec l’Allemagne dans le cadre du programme Luchtverdedigings- en CommandoFregat (LCF) à partir duquel fut mis au point les frégates F124 pour la Deutsche Marine.
Ces bâtiments de 144,24 mètres de long, pour un déplacement à pleine charge de 6050 tonnes, fort d’une autonomie de 4000 nautiques à 18 nœuds, peuvent marcher jusqu’à 30 nœuds.
Ils possèdent une pièce d’artillerie principale OTO-Melara de 127 mm/54 et un système de lancement vertical composés de cinq lanceurs octuples américains Mk 41. Ils ensilotent 32 missiles anti-aériens RIM-66 Standard Missile-2 IIIA MR (SM-2 IIIA MR) d’environ 75 km de portée dans quatre des cinq lanceurs. Plus 32 missiles anti-aériens RIM-162 Evolved Sea Sparrow Missile (ESSM), environ 50 km de portée, à raison de quatre missiles par silo (« quad-pack« ) dans le cinquième lanceur.
La chaîne de télévision d’information financière hollandaise RTL Z dévoile ce jeudi 21 novembre qu’en raison de l’actuelle position haute du dollar par rapport à l’euro, les réserves de devises provisionnées par le ministère hollandais de la défense sont insuffisantes. Elles ne permettent pas de compenser cet écart plus important que prévu. Par voie de conséquence un surcoût de 250 millions d’euros doit être abondé par le ministère de la défense hollandais afin de pouvoir honorer les commandes à passer dans le cadre de l’acquisition des 37 F-35A commandés en 2014 pour 4500 millions d’euros (2014) plus les 9 F-35A supplémentaires (~ 1000 millions d’euros) ajoutés à la programmation en 2019.
Ces 1000 millions plus 250 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires à affecter au programme d’acquisition de 37 plus 9 F-35A obligent à modifier la programmation militaire du Royaume des Pays-Bas telle qu’elle avait été arrêtée et présentée le Defence White Paper 2018 dévoilé en mars 2018. L’annexe n°4 de ce document contient un calendrier synthétique de tous les programmes d’armement devant être lancés.
Trois programmes intéressent l’avenir des frégates de défense aérienne de la flotte hollandaise à savoir :
- Replacement
of air defense and command frigates (incl. Studies)
- pour un coût jugé supérieur à 2500 millions d’euros,
- Acquisition and integration of Evolved Sea Sparrow Missile (ESSM) Block II
- soit 250 à 1000 millions d’euros,
- Replacement of Standard Missile 2 Block IIIA (SM2-IIIA)
- soit 250 à 1000 millions d’euros,
- Midlife
update (MLU) of air defence and command frigates
- soit 100 à 250 millions d’euros,
- Replacement
of the guns of air defence and command frigates
- soit 100 à 250 millions d’euros.
Le complet renouvellement des capacités de défense aérienne de la flotte batave atteint un volume financier compris dans une fourchette allant de 3200 à plus de 5000 millions d’euros. La répartition de cet effort dans le temps peut se présenter comme suit avec trois grands programmes : rénovation à mi-vie (mid-life update) de l’actuelle classe De Zeven Provinciën (LCF) ; remplacement et modernisation de toute la dotation en missiles de ces frégates puis lancement d’un programme de remplacement.
Néanmoins, ce panorama ne saurait être complet sans le dernier programme mis en branle et intéressant ces frégates de défense aérienne. C’est après mars 2018 qu’a été ajouté à la programmation militaire hollandaise la volonté de contribuer aux capacités de lutte contre les missiles balistiques de théâtre et à portée intermédiaire de l’OTAN. En ce sens, le radar de veille aérienne S1850 SMART-L fut modernisé. Le logiciel est mis à jour et l’ensemble du système d’arme devient entièrement numérique. En outre, l’antenne est dorénavant constituée par des modules d’émission/réception (TRX-L) la transformant en senseur AESA. Il reste à lancer le programme permettant la mise en œuvre du RIM-161 Standard Missile 3 (SM-3). Cela suppose aussi d’installer un sixième lanceur Mk 41 sur la plage avant, la réserve ayant était prévue.
Décaler de cinq années le lancement du programme de remplacement des quatre frégates de la classe De Zeven Provinciën brusque la programmation et la Koninklijke Marine. La première de ces quatre frégates ne quittera pas le service après 27 années passées à la mer mais bien 33 ans. La rénovation à mi-vie devra fatalement en tenir compte afin de conférer suffisamment de potentiels à ces frégates pour enquiller ces cinq années supplémentaires.
Par contre, il est possible de supputer un effet bénéfique à cette décision. Elle dégage un espace de manœuvre permettant de lancer la phase d’exécution budgétaire de tous les programmes liés – renouvellement des missiles, des pièces d’artillerie, rénovation à mi-vie – dont l’addition des coûts (700 à 2500 millions d’euros) reste significative.
Ces 2500 millions d’euros (Replacement of air defense and command frigates (incl. studies))reportés dans le temps, paradoxalement, recèlent le potentiel de libérer les marges de manœuvre nécessaires à l’acquisition de missiles SM-3 et pour mener les travaux liés à leur intégration. Des coûts supplémentaires apparaîtront comme probablement des travaux de modernisation à mener pour le radar APAR afin qu’il demeure au niveau de l’évolution des menaces, en particulier les engins hypersoniques, les missiles anti-navires supersoniques manœuvrant.
Ce retard, outre l’accélération des programmes restants, aura peut être comme effet, aussi, d’accélérer la prise de décision quant au programme de remplacement des sous-marins de la classe Walrus mais également d’offrir les ressources nécessaires à une avancée décisive pour avancer sur la succession des M-fregat belges (Leopold 1 (2007) et Louise-Marie (2008), initialement admises au service actif dans la Koninklijke Marine en 1991, et hollandaises (Zr.Ms. Van Amstel (1993) et Zr.Ms. Van Speijk (1995), toutes issues de la même classe Karel Doorman. Amsterdam a en charge ce programme pour lequel Damen a proposé la frégate Omega. Paradoxalement, une fois encore, le renouvellement et la modernisation des capacités navales bénéficieraient du desserrement du goulot d’étranglement budgétaire.
Enfin, ce décalage du programme de remplacement des frégates de la classe De Zeven Provinciën rapproche le calendrier hollandais de ceux de la France, de l’Italie et du Royaume-Uni, sans oublier l’Allemagne, quant au remplacement des frégates issues du programme Principal Anti Air Missile System (PAAMS), c’est-à-dire, et respectivement, les frégates du programme Horizon et les destroyers Type 45. Il s’ouvre donc un champ des possibles vis-à-vis des programmes PESCO concernant, notamment, les futures capacités de défense aérienne.