Les récentes visites d’une délégation de MBDA à Athènes depuis le 15 novembre (programme Frégate de Défense et d’Intervention grecques) portaient notamment sur la modernisation des missiles anti-navires subsoniques MM40 Exocet Block 3 au standard Block 3C doublée par l’acquisition de nouveaux exemplaires afin d’assurer l’équipement des 19 patrouilleurs rapides lance-missiles de la flotte grecque. Le devis financier d’un tel programme n’est pas encore connu. Il représente un enjeu d’importance pour Athènes dont l’objectif est de maintenir la parité militaire avec Ankara.
La flotte de surface turque sera forte de 32 unités dont 16 frégates neuves ou modernisées au début des années 2030. Les 19 patrouilleurs rapides lance-missiles se composent des classes Kılıç (9), Yildiz (2), Doğan (4) et Rüzgar (4). Aucun nouveau programme n’a encore été mis sur cale pour succéder aux plus anciennes classes (Doğan (4) et Rüzgar (4) qui ne sont plus sous l’âge.
La flotte de surface grecque est forte de 32 unités dont 13 frégates des classe Elli (9) – classe hollandaise Kortenaer (7) plus une sous-classe (2) – et Hydra (4) qui sont âgées, en moyenne, de 22,75 ans pour la classe Hydra (4) et 38,3 ans pour les Elli (9). S’ajoutent à ces frégates les 19 patrouilleurs rapides lance-missiles.
Les plus récents d’entre d’eux sont de la classe Roussen (7). Ils sont pourvus de missiles anti-navires subsoniques MM40 Exocet Block 3 disposés en deux lanceurs quadruples sur chaque bâtiment.
Les plus anciens patrouilleurs rapides lance-missiles appartiennent aux classes Laskos (4), Votsis (3) et Kavaloudis (5) ou respectivement La Combattante III, La Combattante IIIa et La Combattante IIIb (Construction Mécanique de Normandie). Ils sont tous pourvus du missile anti-navire subsoniques RGM-84 Harpoon Block IA (130 km de portée).
L’obsolescence de cette dernière munition obligeait d’ores et déjà la Royal Navy (RGM-84 Harpoon Block IC (220 km de portée) à programmer son retrait à la fin de l’année 2018 avant de se raviser et de repousser l’échéance à 2020 dans un ultime effort afin de trouver une solution intérimaire dans l’attente du FC/ASW devant entrer en service en 2030.
La marine grecque n’échappe pas à cette problématique qui est double car l’état-major de la Marine de guerre hellénique souhaite autant pouvoir remplacer les missiles anti-navires de 12 de ses 19 patrouilleurs rapides lance-missiles que de réduire le risque géopolitique : Athènes ne veut pas dépendre d’un seul fournisseur de missiles anti-navires. Les frégates des classes Elli (9) et Hydra (4) sont d’ores et déjà équipées du RGM-84 Harpoon Block 1A qu’il s’agira de remplacer pour les Hydra dans le cadre de l’actuel programme de rénovation à mi-vie et pour les Elli qui survivront jusqu’à leur remplacement.
Dans cette optique, la manœuvre d’ensemble vise à substituer aux RGM-84 Harpoon Block IA des classes Laskos (4), Votsis (3) et Kavaloudis (5) des MM40 Exocet Block 3C et de porter à ce standard les MM40 Block 3 des Roussen (7). Seules deux unités de la classe Roussen se distinguent en portant des MM40 Exocet Block 2 (5,64 mètres de long, masse de 825 kg dont une charge militaire de 165 kg unitaire, vitesse de 980 km.h-1) : ce sont les Daniolos (2006) et Krystallidis (2006). Il s’agira de moderniser ces munitions en les portant également au standard Block 3C.
Le MM40 Exocet Block 3 fut développé à l’initiative de MBDA sur ses fonds propres dès 2004 avant que la DGA et la Marine nationale n’abondent le projet et qu’ils ne deviennent un programme à part entière. Les premières livraisons débutaient en 2012 et se poursuivent depuis. D’autres pays commandèrent la nouvelle évolution du MM40 Exocet au profit de leur marine, à savoir les Émirats Arabes Unis, le Qatar, le Sultanat d’Oman, le Maroc, l’Algérie, la Grèce et le Pérou.
Le missile anti-navire subsonique MM40 Exocet Block 3 (5,64 mètres de long, 825 kg dont une charge militaire fragmentée de 165 kg) bénéficie d’un accroissement de sa portée maximale par rapport au Block 2. La propulsion par ergol solide a été entièrement externalisée au sein d’un booster qui assure la phase de propulsion de la munition hors du lanceur et pendant sa première phase de vol. L’espace libéré à l’intérieur de la munition est occupé par un réacteur TRI-40 MicroTurbo, permettant au missile d’atteindre 178 km de portée contre seulement 72 km pour le MM40 Exocet Block 2.
Le système de guidage de la munition comprend toujours une centrale inertielle de navigation couplée à un radar altimétrique lui permettant d’évoluer au ras des flots. Un radar en bande J assure le guidage terminal par des traitements adaptatifs permettant de distinguer les cibles en mer et les cibles côtières. Le Block 3 intègre dorénavant un récepteur GPS.
Les conséquences quant aux capacités anti-navires du missile sont que celui-ci peut suivre désormais des trajectoires pré-programmées dans les trois dimensions et lors d’un tir en salve chacune des munitions peut être affectée à une cible différente tout en suivant une autre route qu’eux. Même la trajectoire finale de la munition peut être pré-programmée afin de pouvoir attaquer par l’azimut le moins prévisible le secteur le moins défendu du bâtiment-cible. Ce recours au GPS offre également la faculté au missile de frapper des cibles côtières avec une capacité limitée puisqu’il n’est pas pourvu d’un mode de suivi de terrain.
C’est ce qui a séduit la Marine de guerre hellénique car le bâtiment porteur peut, par exemple, masquer sa présence derrière une île tout en lançant une salve de ces missiles grâce aux solutions de tir fournies par l’entremise d’une autre plateforme.
Le MM40 Block 3C bénéficie d’une portée légèrement améliorée qui dépasse les 180 km pour atteindre les 200 km. Le système de navigation est entièrement numérisé et bénéficie de l’ajout d’un chercheur actif de radiofréquences afin de parfaire le guidage terminal du missile. Le « C » pour Coherent signifie que le traitement adossé au radar travaillant en bande J est permet d’extirper du bruit environnant de la cible les informations cohérentes utiles pour discriminer le bâtiment ou la cible côtière visée. La munition est également une nouvelle fois mieux durcie face aux contre-mesures électroniques et aux systèmes de brouillage les plus avancés. Par ailleurs, l’emploi de nouvelles formes d’ondes permet d’apporter une capacité à reconnaître la cible au missile.
Aussi, la Marine de guerre hellénique recherche de possible synergies entre les MM40 Block 3 et 3C et les missiles de croisière SCALP-EG dont l’armée de l’air grecque ( Polemikí Aeroporía) s’était portée acquéreure à hauteur de 90 exemplaires. Les SCALP-EG sont propulsés par des réacteurs TRI-60 quand les MM40 Exocet Block 3C le sont par des TRI-40.
Les premiers exemplaires du MM40 Exocet Block 3C devraient être livrés à la Marine nationale dans le courant de l’année 2021. Si les noms des premiers bâtiments équipés ne sont pas connus, il serait logique qu’ils arment les FREMM n°7 et 8, à savoir les frégates Alsace et Lorraine qui seront réceptionnées en 2021 et 2022 par la Marine nationale. La loi de programmation militaire (2019 – 2025) comprend une commande de 35 exemplaires tandis qu’une prochaine pour 20 missiles supplémentaires est attendue au début des années 2020, ce qui ne permettrait que d’équiper six frégates avec une dotation complète ou bien 13 frégates avec une salve réduite à 4 missiles.
Ce futur programme grec de modernisation de ses MM40 Exocet Block 2 et 3 pour les porter au standard Block 3C et d’acquisition de munitions supplémentaires ne concernera pas seulement les 19 patrouilleurs rapides lance-missiles mais aussi les deux premières frégates de défense et d’intervention dont la commande est prochainement attendue. En cas d’exécution complète du programme projeté, la Marine de guerre hellénique deviendrait le deuxième plus grand utilisateur du missile Exocet en Europe après la France, ce qui revient à questionner les ambitions grecs quant à l’acquisition du ticket pour accéder aux futures munitions prévues dans le cadre du programme Futur Missile Anti-navire / Futur Missile de Croisière (FMAN/FMC ou Futur Cruise / Anti-Ship Weapon (FC/ASW) qui remplacement tous les Exocet (sauf le SM39 Block 2 ?) ainsi que les SCALP-EG.
Par Ioannis NIKITAS (Defense review) et Thibault LAMIDEL