Le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, M. Francisco Conde López, rappelait le 4 décembre (Redacción Ferrol, « Conde reitera que el Gobierno debe responder a la necesidad de construir un nuevo AOR », Diario de Ferrol, 5 décembre 2019) l’engagement du gouvernement de l’Espagne à ordonner la construction d’un nouveau pétrolier-ravitailleur au chantier naval de Navantia à Ferrol afin d’assurer le tuilage avec la phase d’industrialisation du programme F-110. Le ministère de la Défense de María Margarita Robles Fernández, s’opposait à cette demande le 13 novembre 2019.
L’Armada española possède deux pétroliers-ravitailleurs qui sont désignés en Espagne comme Buque de Aprovisionamiento en Combate (BAC), ce qui peut se traduire par navire ravitailleur de combat.
Le premier des deux bâtiments est le Patiño (1995) de 17 045 tonnes à pleine charge conçu conjointement avec les Pays-Bas à partir des plans espagnols du projet AP 21. Amsterdam mettait sur cale le Zr.Ms. Amsterdam (1994 – 2014). Ce dernier a été cédé à la marine du Pérou en décembre 2014 où il sert depuis comme BAP Tacna (2014).
Le deuxième bâtiment est le Cantabria (2010) de 19 500 tonnes à pleine charge. Il s’agit manifestement d’une évolution du bâtiment co-conçu pour l’Espagne et la Hollande. Navantia réussissait à placer une évolution de ce bâtiment en Australie dans le cadre du programme SEA1654. Ce dernier avait pour objectif la succession des HMAS Success (1986 – 2019), bâtiment de la classe Durance vendu par la France à l’Australie, et HMAS Sirius (2006 – 2020 ?). La redéfinition du programme SEA1654 et l’appel d’offres émis voyait Navantia l’emportait et bénéficier d’une commande en mai 2016. Les futurs HMAS Supply (2019 ?) et HMAS Stalwart (2020 ?) furent mis sur cale en 2017 et 2018 au chantier naval de Navantia au Ferrol, en Espagne.
Les deux pétrolier-ravitailleurs espagnols demeurent sous l’âge car le remplacement des Patiño (1995) et Cantabria (2010) ne s’imposerait de ce seul point de vue qu’à partir de 2025 pour le premier et 2040 pour le deuxième. La difficulté pour le Patiño réside dans son architecture à simple coque. Les navires à simple coque transportant certains produits pétroliers ont été progressivement interdits entre 1990 et 2005 par des révisions de la convention MARPOL par l’Organisation Maritime Internationale, des interdictions prises par des nations à l’exemple des États-Unis d’Amérique ou des organisations régionales comme l’Union européenne. Les pétroliers-ravitailleurs des marines de guerre sont relativement épargnés par ces engagements internationaux, néanmoins l’exercice pratique est très fragile.
Par ailleurs, le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, M. Francisco Conde López, s’appuyait le 13 novembre (Redacción Ferrol, « El comité de empresa de Navantia reitera la necesidad de un nuevo buque logístico », Diario de Ferrol, 15 novembre 2019) sur trois arguments :
Premièrement, les chantiers navals de Navantia au Ferrol auraient besoin d’abonder leur plan de charge afin de maintenir les compétences industrielles et éviter des licenciements jusqu’à la montée en puissance du programme fragata F-110. Le premier bâtiment ne devrait être mis sur cale qu’en 2020, les quatre autres frégates suivraient par une mise sur cale annuelle jusqu’en 2024.
Deuxièmement, il avance que le contrat remportait en mai 2016 pour la construction HMAS Supply (2019 ?) et HMAS Stalwart (2020 ?) finançait les études détaillées d’une version modernisée du Cantabria (2010). Abonder le plan de charge du chantier naval du Ferrol se limiterait aux coûts de construction de sister-ship des bâtiments australiens puisqu’il n’est pas nécessaire de procéder à de nouvelles études détaillées.
Troisièmement, Conde soutient que les Patiño (1995) et Cantabria (2010) ne seraient pas des pétroliers à double coque comme l’exige, notamment, la législation de l’Union européenne, ce qui leur interdirait à l’accès à un certain nombre de ports européens et donc leur faculté à remplir leur mission opérationnelle.
Ce dernier fait est incontestable pour le Patiño mais le Cantabria est bel et bien réputé être un pétrolier à double-coque, au moins pour les tronçons de la coque comprenant les cuves. Le ministre Conde revenait à une proposition plus modeste et réaliste en demander la tenue de l’engagement gouvernemental à commander un seul nouveau bâtiment logistique afin de soutenir le plan de charge du Ferrol. Face au refus de la ministre de la Défense d’accéder à sa demande, Conde en appel directement au président du gouvernement, Pedro Sánchez Pérez-Castejón.
Le coût d’une telle mesure serait compris entre les 238 millions d’euros du Cantabria (2010) mais moindre que les 304,13 millions d’euros d’un pétrolier-ravitailleur australien de la classe Supply car cette dernière somme intègre les études détaillées et d’autres coûts annexes.
Toutefois, la mesure réclamée par le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, M. Francisco Conde López serait très probablement bénéfique à court terme quelque puisse être la situation des chantiers navals de Ferrol (Navantia). Mais serait-il pertinent pour le gouvernement espagnol d’user de la commande publique pour seulement éviter une situation difficile pour les ouvriers de ce site industriel alors que d’autres mesures ou incitations pourraient être employées ?
Commander un sister-ship de la classe Supply revient à s’appuyer sur les plans d’une famille de bâtiments logistiques dont les plans initiaux furent développés dans les années 1990. Navantia s’est allié avec la société britannique BMT pour participer à l’appel d’offres émis par le ministère britannique de la Défense au profit du programme Fleed Solid Support Ships dont deux à trois unités devraient être commandées au profit de la Royal Fleet Auxiliary. L’appel d’offres a été suspendu fin octobre ou début novembre 2019. Il devrait être relancé en 2020 s’il fallait se référer au calendrier du programme Type 31 qui avait aussi connu l’abandon d’un premier appel d’offres. Le remplacement du Patiño (1995) est inévitable et il est vrai très contraint vis-à-vis de différentes législations. À long terme, la commande publique espagnole aurait peut être un effet plus décisif en permettant la commande d’un bâtiment répondrait au cahier des charges du programme Fleed Solid Support Ships afin de favoriser la candidature de Navantia au Royaume-Uni et ainsi permettre l’émergence d’un nouveau bâtiment au catalogue de la société.