Depuis plus d’une semaine, les forces syriennes fidèles à Bashar Al Assad, soutenues par les forces aériennes russes, ont entamé une offensive en direction de la ville d’Idlib, dans le but de reprendre le contrôle de cette ville encore aux mains des forces paramilitaires islamiques pro-turques. Mais cette offensive n’est pas du gout du président Turc R.T Erdogan, qui redoute un nouvel afflux de réfugiés. C’est la raison pour laquelle ce dernier menace désormais la Syrie et son allié russe d’une nouvelle intervention dans le nord de la Syrie, visant à mettre fin à l’offensive de Damas.
L’entente cordiale entre Ankara et Moscou semble de plus en plus difficile à maintenir en Syrie. En effet, les alliés des deux camps, les milices islamiques pro-turques d’un coté, et les forces régulières du régime de Damas, de l’autre, risquent de se retrouver en contact alors que les troupes syriennes ont entamé, depuis plus d’une semaine, une offensive vers le nord visant à récupérer la ville d’Idlib, principale ville syrienne du nord-ouest syrien, et noeud de communication stratégique pour le contrôle de tout le nord du pays. Surtout, Ankara, par la voix de son président, a prévenu Damas et Moscou d’une possible nouvelle opération militaire dans le nord de la Syrie si l’offensive syrienne ne cessait pas rapidement. En effet, les autorités turques craignent de voir une nouvelle vague de réfugiés se diriger vers son territoire, alors qu’elle accueille déjà plus de 3,6 millions d’entre eux depuis le début des conflits.
Mais au delà de l’argument des réfugiés, Ankara et Moscou se livrent en réalité un bras de fer pour le contrôle du nord de la Syrie, après l’accord ayant valeur de statu quo signé entre les deux présidents en 2017 à Sochi. Les autorités turques accusent Moscou de ne pas respecter les termes de l’accord passé, alors que de son coté, Moscou justifie les actions militaires pour stopper les attaques menées à partir du nord de la Syrie, et ayant visé les forces syriennes comme les forces russes déployées sur la base aérienne de Hmeimim. Dans les deux cas, il y a un évident effort de faire coller la narrative avec les objectifs géopolitiques de chacun, tous deux visant à mettre la main sur le nord de la Syrie. Les points de frictions entre Moscou et Ankara ne cessent de se révéler ces dernières semaines, que ce soit sur le dossier Syrien, ou le dossier Libyen, ou les deux capitales soutiennent des camps opposés. A ce titre, l’escale de la frégate russe Admiral Essen, appartenant à la flotte de la Mer Noire, dans le port chypriote de Limassol, pourtant à seulement quelques encablures du port syrien de Lattaquié, n’est certainement pas passée inaperçue dans la capitale turque.
Ankara se retrouve en réalité piégée par les conséquences de son offensive précédente, qu’elle mena à l’automne 2019 contre les Kurdes du YPG dans le nord de la Syrie. En provoquant le retrait des forces kurdes, et le désengagement de leurs alliés européens, Ankara a permis aux forces paramilitaires pro-turques de conserver le contrôle de la région autour d’Idlib. Or, alors que les Kurdes prenaient garde de ne pas provoquer Moscou, ces forces, en partie contrôlée d’Ankara, mènent régulièrement des opérations contre les forces du régime Syrien, et, semble-t-il, contre les forces russes. Dès lors, il n’y a plus de « force tampon » susceptible d’engager une désescalade dans la région, et l’intervention de Damas, et de son allié russe, était dès lors, plus que prévisible.
Reste à voir, désormais, comment les deux dirigeants décideront d’agir dans les jours à venir. Il semblerait étonnant que les forces Syriennes suspendent leur offensive en vue de récupérer Idlib, tant la ville joue un rôle stratégique dans la région. Dès lors, après les déclarations que le président Erdogan vient de tenir, il est probable que, de son coté, Ankara déclenche également une opération militaire, ayant la même destination. Ceci dit, par deux fois déjà, les président russes et trucs ont su négocier des clauses de désescalades suivant des tensions sévères, notamment lorsqu’en 2015, des F16 turcs avait abattu un Su-24 russe. Quoiqu’il en soit, il apparait de plus en plus évident que l’apparente entente russo-turque est avant tout une entente de circonstance, qui n’est probablement pas appelée à perdurer.
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