La Marine israélienne n’a jamais été une priorité pour l’Etat-Major de l’Etat hébreux. Aujourd’hui, sa flotte hauturière se limite à 3 corvettes de 1000 tonnes Sa’ar 5 acquises auprés des Etats-Unis il y a plus de 26 ans, et surtout 6 sous-marins Dolphin et Dolphin 2, versions agrandies des Type 209 de l’Allemand HDW, acquis en deux lots, l’un en 1999 (3 Dolphin) et l’autre entre 2012 et 2019 (3 Dolphin 2). Tel-Aviv faisait en effet confiance à sa force aérienne, à ses batteries côtières, et à sa flotte de patrouilleurs lance-missiles pour protéger l’accès à ses ports, par ailleurs loin d’être potentiellement menacés par les acteurs de Méditerranée orientale à cette époque.
Mais la découverte d’un immense champs gazier au large de ses côtes, dans ce qui s’apparente à sa zone économique exclusive, au début des années 2010, a profondément changé la donne pour l’Etat Hébreux. Non seulement ce gisement permet-il aujourd’hui de couvrir 60% de la consommation de gaz naturel du pays, mais il permet en outre à Jerusalem d’exporter le précieux carburant vers ses voisins jordaniens et Egyptiens. Dans le même temps, l’Egypte, mais également Chypre et le Liban, ont également découverts des gisements similaires.
De fait, les tensions régionales ont rapidement crues autour de cette manne économique, avec dans le cas d’Israel, la crainte de voir ses infrastructures off-shore attaquées par le Hezbollah libanais, mais également par des attaques de précision syriennes ou iraniennes. Son projet de gazoduc vers l’Europe en coopération avec la Grèce est, quand à lui, potentiellement menacé par les revendications turques en Méditerranée Orientale, celles-là même à l’origine des tensions entre Ankara et Athènes.
Il n’y a rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que la Marine Israélienne ait pris en peu de temps une grande importance sur l’échiquier militaire hébreux, et se voient doter de nouveaux moyens bien plus performants. C’était le cas du nouveau programme de sous-marins Dolphin annoncé en 2019, dont le premier exemplaire sera livré en 2027. C’est aujourd’hui le cas avec le programme de corvette Sa’ar 6, dont la première unité, l’INS Magen, a été réceptionnée par la Marine Israélienne au port de Eilat le 2 décembre. Les 3 autres unités de la classe seront, quand à elles, livrées d’ici 2022. Les 4 Corvettes construites en Allemagne auront couté 430 m€ à Jerusalem, hors armement et équipements, dont un Tier est pris en charge par l’Etat Allemand, comme ce fut le cas pour le programme Dolphin 2 et le prochain programme Dolphin (3).
Longue de 90 mètres pour un tonnage en charge de 1.900 tonnes, la corvette INS Magen ne présente pas, de prime abord, de caractéristiques nautiques extraordinaires. Dérivées des corvettes allemandes K130 Braunschweig, les Sa’ar 6 en reprennent l’allure générale, et le système propulsif. En matière d’équipement et d’armement, en revanche, la petite corvette israélienne ne peut tout simplement être comparée à aucun navire de ce tonnage. En effet, au delà du canon de 76mm, déjà imposant pour le navire, elle emporte jusqu’à 16 missiles anti-navires Gabriel V d’une portée de 200 km et conçus spécifiquement pour opérer prêts des cotes, ainsi que 32 missiles anti-aériens à longue portée Barak-8 conçus en coopération avec l’Inde pour abattre avions, hélicoptères, drones et missiles jusqu’à 100 km de distance et 16 km d’altitude.
A cet arsenal déjà plus que massif, s’ajoutent 20 lanceurs verticaux pour le système anti-missiles C-Dome, version navale du système Iron Dome, conçu pour intercepter et repousser les attaques saturantes par missiles, roquettes et drones qui pourraient viser le navire, ou les infrastructures qu’il protège. Il dispose également de 2 lance-torpilles double de 324 mm pour la lutte anti-sous-marine, et 2 canons légers automatiques Typhoon pour sa protection rapprochée. Enfin, la corvette peut mettre en oeuvre un hélicoptère naval MH-60 SeaHawk. Les capteurs et systèmes de guerre électronique embarqués à bord sont pour la plupart couverts par le sceau du secret, et seul le radar principal EL/M-2248 MF-STAR de l’israélien IAI Elta, un radar à antennes AESA planes, capable de détecter un aéronef à 250 km et un missile en trajectoire rasante à 25 km et travaillant en bande UHF haute, a été dévoilé.
Cette débauche d’équipements et de puissance de feu ne s’est pas faite sans contrainte. En particulier, les Sa’ar 6 ont une faible autonomie à la mer, donnée à 4000 km, soit prés de la moitié de celle des K130 dont elles sont dérivées. Mais dans le cas d’israël, qui n’a nullement vocation à envoyer des moyens militaires, seuls ou en coalition, à grande distance de ses propres ports d’attache, cette faible autonomie ne représente pas un handicap majeur. D’autre part, l’importante concentration de systèmes d’arme dans une petite coque nuira nécessairement à la tenue du navire par forte mer. Mais là encore, on peut douter qu’une agression sur les plate-formes gazières israéliennes n’interviennent en pleine tempête. Enfin, le navire aura une faible capacité pour encaisser les coups, pour les mêmes raisons. Mais reconnaissons qu’il sera plutôt difficile de le toucher, et que la plupart des navires de 2000 tonnes ont une capacité à résister à une frappe relativement limitée.
De toute évidence, les corvettes Sa’ar 6 ont été conçues pour une utilisation parfaitement encadrée dans un contexte bien défini. Leurs faiblesses importantes ne portent, de fait, nullement préjudice aux missions qui leurs seront confiées. En revanche, elles offriront à la Marine israélienne un gain capacitaire comparable à l’entrée en service de plusieurs frégates, des navires autrement plus lourds et onéreux. On comprend, dès lors, pourquoi la Grèce à été séduite par le modèle, en annonçant son intention de construire, en coopération avec Israël, son propre modèle dérivé des Sa’ar 6, la classe Themistocles, appelé à opérer dans le même environnement et sur le même théâtre d’opération que les navires israéliens.