Le Socle Défense, la réponse aux contraintes françaises en matière de dépenses de Défense

En novembre 2018, suite à un article de Michel Cabirol pour le site economique La Tribune, le projet Socle Défense avait brièvement attiré une certaine attention médiatique et politique, au point de faire l’objet d’un sujet dans le 20h de France 2. Alors que la Revue Stratégique et la Loi de Programmation Militaire étaient en préparation, ce projet proposait de s’appuyer sur une nouvelle architecture de financement faisant appel à l’épargne et à un modèle de leasing des équipements de défense, permettant d’accroitre les investissements de défense au delà de 2,65% de PIB, seuil défini par le Socle Défense pour permettre à la France de faire face, à partir de 2022, aux menaces que représentaient alors la montée en puissance des armées russes et chinoises, et ainsi de jouer un rôle déterminant dans les crises militaires à venir, en Europe comme dans le Pacifique. Originalité majeure du projet, le recours à un modèle de leasing, tout en s’appuyant sur les bases de ce qui deviendra par la suite la doctrine economique Défense à Valorisation Positive, permettaient d’augmenter les dépenses de défense, en particulier en matière d’équipement, sans augmenter la pression fiscale et sociale et sans creuser la dette souveraine du pays, répondant ainsi aux principales objections avancées à un investissement plus massif dans la Défense nationale.

L’actualité récente, en Ukraine évidement, mais également dans le Pacifique, a montré que les analyses sécuritaires ayant formé la base du Socle Défense avaient été pertinentes, et les annonces partout en Europe concernant une augmentation rapide des budgets de défense pour contenir la menace russe tendent également à valider la réponse alors proposée. En France, toutefois, les annonces sont jusqu’ici pour le moins prudentes dans ce domaine, et pas uniquement en raison du contexte particulier lié à la campagne électorale présidentielle. En effet, en dépit d’un effort avéré ayant permis, aux cours des 5 dernières années, de ramener le budget des armées à un niveau d’équilibre permettant de moderniser progressivement celles-ci et de mettre fin à l’hémorragie capacitaire qui les touchaient, les capacités militaires et industrielles françaises restent sous-dimensionnées pour répondre au niveau de menace présent et à venir, alors que dans le même temps, les marges de manoeuvre budgétaires du pays ont été particulièrement érodées par les effets de la crise Covid et l’augmentation de la dette souveraine du pays. Dans ce contexte, même si de nombreux aspects ont évolué depuis 2017, les paradigmes présentés par le Socle Défense peuvent représenter une alternative pertinente pour répondre aux enjeux sécuritaires auxquels fait face le pays aujourd’hui sans nuire aux équilibres budgétaires et économiques du pays.

Des besoins accentués par la guerre en Ukraine

En à peine plus de 4 semaines de combat, la guerre en Ukraine a fait voler en éclat plusieurs des piliers conceptuels sur lesquels les armées françaises, et plus globalement européennes, sont construites. En effet, une armée composée à 70% de conscrits et de réservistes, en situation de faiblesse technologique relative, mais disposant d’un avantage numérique et d’un excellent moral, est parvenue à stopper la puissante armée russe est ses 120 bataillons professionnels, ce malgré une puissance de feu et un avantage technologique incontestable. Pour beaucoup d’officiers supérieurs et généraux occidentaux, il était impossible que l’Ukraine ne puisse résister plus que quelques jours, et même aujourd’hui sur les plateaux TV et lors d’interview dans la presse écrite, beaucoup refusent de croire que l’offensive russe pourrait venir à échouer. Le fait est, l’ensemble des paradigmes sur lesquels furent conçus la puissance militaire française sont mis à mal par le déroulé de cette guerre, qu’il s’agisse des limites de la puissance aérienne, de l’avantage supposé que représente la technologie sur le champs de bataille, ou encore du rôle de la masse, y compris face à des forces professionnelles et expérimentées.

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Les Armées russes ont subi de très lourdes pertes face aux défenseurs ukrainiens en dépit de leur avantage technologique et d’une professionnalisation supérieure de ses effectifs.

Il sera dès lors très probablement indispensable pour les armées française de reconsidérer leur format, tant en terme de personnels que de materiels, ce d’autant que les armées russes ont perdu, de manière documentée, une fois et demi le nombre de chars et de véhicules de combat d’infanterie dont dispose au total l’Armée de terre française en seulement 4 semaines de combat, et environ 50% des effectifs formant la Force Opérationnelle Terrestre. Même la composante de dissuasion française a été mise sous une pression extraordinaire, avec 3 des 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins à la mer simultanément, une posture que la Marine Nationale ne peut tenir sur la durée, pas plus qu’elle ne pourra maintenir son unique porte-avions en Méditerranée occidentale aux delà de quelques semaines, quelques mois au mieux. Or, la planification budgétaire telle que définie aujourd’hui et jusqu’en 2025, ne permettra nullement de répondre à ces besoins, même en tenant compte de la hausse planifiée du budget défense français de 3 Md€ par an au cours des deux années à venir.


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2 Commentaires

  1. […] En d’autres termes, il serait nécessaire, pour répondre aux enjeux, d’augmenter le budget des armées de 20 Md€, soit d’amener l’effort de defense autour de 2,7% PIB, et de le faire suffisamment rapidement pour disposer des capacités opérationnelles requises à horizon 2030, date estimée probable pour que la reconstruction des armées russes soit effective, et pour que les forces navales et aériennes chinoises soient en mesure de s’opposer à la puissance américaine dans le Pacifique et au sujet de Taïwan. De fait, le principal enjeu de cette prochaine LPM ne sera autre que de proposer une solution permettant de faire cohabiter ces exigences critiques, et ces contraintes inamovibles. Faute de quoi, il n’y aura d’autre alternative que de regarder lentement la France s’effacer de la scène internationale, et de progressivement, comme ses voisins européens, venir se blottir sous l’aile protectrice des Etats-Unis, avec les risques que cela comporte. Reste que si l’équation est de toute évidence difficile, elle n’est pas sans solution, pour peu que l’exécutif accepte d’envisager des modèles de financement originaux. […]

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