Les relations entre l’Europe, et en particulier la France, et la Turquie, ont été pour le moins tumultueuses ces dernières années. Entre l’intervention turque dans le nord de la Syrie contre les alliés Kurdes de la France et des Etats-Unis, le soutien militaire apporté par Ankara au régime de Tripoli en Libye, et les tensions en Méditerranée Orientale, en Mer Egée et autour de Chypre, les points de friction entre Ankara et Paris n’ont pas manqué, et les relations entre les deux pays, comme entre les deux chefs d’Etat, étaient devenues très difficiles. Dans le même temps, la décision turque d’acquérir le système anti-aérien à longue portée russe S-400, en rupture avec la stratégie et l’interopérabilité de l’OTAN, avait provoqué l’ire de Washington, entrainant l’exclusion de la Turquie du programme F-35 et même de sévères sanctions sur les exportations d’armes américaines vers Ankara. Même la demande turque visant à acquérir des kits de modernisation ainsi que de nouveaux appareils pour moderniser sa flotte de F-16 fut refusée par le Congrès américain, alors que les sanctions européennes entrainaient l’arrêt de plusieurs programmes clés de l’industrie de défense, comme le char Altai.
Toutefois, si l’attitude du Président Erdogan avec son homologue Russe Vladimir Poutine a souvent été ambiguë, le soutien d’Ankara à l’Ukraine et à son effort de défense a très probablement été le plus volontaire du camps occidental, au point de créer en retour des tensions, feutrées mais sensibles, avec Moscou. Depuis le début du conflit, ce soutien s’est encore accru, avec la livraison de drones TB2 Bayraktar devenus l’icône de la résistance en Ukraine, et en allant même jusqu’à fermer les détroits à la marine Russe, empêchant les transferts de navires de ou vers la Mer Noire. En outre, l’implication turque dans la posture défensive de l’OTAN a été, depuis le 24 février, exempt de tout reproche, alors que le Président Erdogan a joué autant que possible la carte de médiateur pour tenter de trouver une issue à cette guerre. Est-ce un changement de posture de la part du président turc, ou l’expression d’une perception plus complexe qu’il n’y parait de la position de la Turquie au sein de l’alliance et du bloc occidental sur ce théâtre ? C’est encore difficile à déterminer, mais il est incontestable que le visage présenté par Ankara depuis le début du conflit peut amener les occidentaux à réviser leurs jugements.
La première annonce spectaculaire dans ce domaine eut lieu la semaine dernière, lorsque la Turquie, la Grèce et la France, les 3 pays en tension il y a tout juste quelques mois, annonçaient une initiative commune visant à tenter d’évacuer la population civile de la ville martyre de Marioupol dans le Donbass. Si l’initiative a, de toute évidence, fait long feu, elle marquait toutefois un changement de posture radical de Paris, Athènes et Ankara, au point d’envisager des actions commune sur la scène internationale en situation de crise. Dès lors, les déclarations du Président Erdogan faites à la Presse en fin de semaine dernière au sujet d’une possible reprise des négociations avec Rome et Paris au sujet de la possible acquisition de systèmes anti-aériens et anti-missiles SAMP/T, doivent être considérées avec la plus grande attention, d’autant que les autorités italiennes ont confirmé la reprise des pour-parlers à ce sujet. Selon R.T Erdogan, les contacts ont déjà été pris avec l’Italie et la France à ce sujet, et pourraient avancer une fois passées les élections présidentielles françaises, conscient qu’aucune annonce à ce sujet ne pourra être faite avant que le prochain président français ne soit élu.
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