Depuis l’entame du retrait des forces russes autour et au nord de Kyiv, les témoignages et preuves de nombreuses exactions menées par les soldats russes contre la population civile se sont rapidement multipliés. Si le temps reste encore aujourd’hui à l’enquête, il semble désormais que celles-ci n’ont pas été le fait de militaires isolés, mais bien d’une action coordonnée menée avec l’aval du commandement russe. Dans le même temps, les attaques directes contre les populations civiles, en dehors de toute cible militaire, ont également sensiblement augmenté ces dernières semaines, notamment dans et autour du Donbass. Si le débat s’articule aujourd’hui principalement autour des responsabilités concernant ces exactions, voire des possibilités, très improbables, qu’il puisse s’agir de mise en scène de la part des ukrainiens, les raisons ayant engendré de tels comportements restent au mieux survolées, en avançant que ce déchaînement de violence serait la conséquence des méthodes d’encadrement et de bizutage très violentes au sein des armées russes, une explication bien peu convaincante.
En effet, si tel était le cas, et s’il s’agissait là de la seule explication, les exactions russes auraient débuté dés le début du conflit. Or, de toute évidence, pendant les 3 premières semaines de la guerre, les armées russes faisaient preuve d’une certaine retenue contre les populations civiles : si elles ne se souciaient guère des pertes civiles en zone d’engagement, comme à Irpin, Hostomel, Kharkiv ou Mariopol, il n’est pas apparu de rapports concordants et répétés faisant état d’exactions massives contre les populations civiles en zone controlée. Ainsi, les habitants de Kherson ont à plusieurs reprises montré leur opposition à l’invasion russe, sans devoir faire face à une répression massive, tout du moins jusqu’à la 4ème semaine des combats. Certes, les combats aidant, les militaires des deux camps tendent à se radicaliser, et l’augmentation du niveau de violence contre les civils est, en quelque sorte, un mal bien connu des armées en campagne. Pour autant, les massacres comme ceux observés à Bouccha, dépassent de loin ce niveau prévisible de ce type de dérive, en particulier contre des civils désarmés et de toute évidence ne représentant aucune menace immédiate ou différée contre les forces. Il est donc nécessaire d’envisager d’autres hypothèses pour expliquer ce basculement dans l’horreur du comportement des armées russes, ou tout du moins de certaines unités, en zone occupée, et de déterminer à quel point, et le cas échant, pourquoi, le Commandement Russe a organisé de telles exactions.
Pour répondre à cette question, il est utile de revenir au comportement des armées russes lors des deux premières semaines du conflit. A ce moment, la communication ukrainienne faisait état de nombreux prisonniers de guerre, et montrait de jeunes soldats souvent démoralisés, en partie soulagés, et bien traités par les ukrainiens, qui leur donnaient même la possibilité d’appeler leur épouse ou leur mère pour les rassurer. Il a même été rapporté des cas de défection de militaires russes vers les forces ukrainiennes, avec une procédure bien huilée pour permettre de se rendre en toute sécurité, y compris en apportant des materiels lourds. Même en prenant en considération le filtre représenté par la propagande ukrainienne, il semblait bel et bien que le moral au sein des armées russes était particulièrement bas, et que nombre de soldats manquaient de combativité et de motivation. Ce faible moral avait d’ailleurs été mis en avant comme une des raisons expliquant les mauvaises performances des forces russes face à des forces ukrainiennes qui, à l’inverse, affichaient un moral très solide.
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