Pourquoi le sous-marin russe Belgorod et la torpille nucléaire 2M39 Poseidon ne changent rien ?

A l’occasion de la campagne pour l’élection présidentielle russe de 2018, le président sortant Vladimir Poutine fit naitre une certaine stupeur en occident en présentant publiquement plusieurs programmes militaires « révolutionnaires », sensés donner un avantage décisif aux armées russes pour la décennie à venir.

Parmi ces programmes, le missiles ICBM RS-28 SARMAT et le planeur hypersonique Avangard doivent entrer en service au cours de cette année, alors que le missile hypersonique aéroporté Kinzhal équipe déjà certains Mig-31K modifiés depuis 2019. Le missile de croisière à propulsion nucléaire Burevestnik est, quant à lui, plus ou moins tombé dans l’oubli.

Quant à la torpille lourde à propulsion nucléaire dronisée 2M39 Kanyon, également désignée Poseidon ou Status-6, elle devrait prochainement rejoindre le service actif, alors que le sous-marin Belgorod, qui doit la mettre en oeuvre, a été livré à la Marine Russe au printemps 2022.

Longue de 24 mètres pour un diamètre de 2 mètres, la torpille Kanyon est en réalité un drone autonome propulsé par un réacteur nucléaire miniaturisé, lui permettant d’atteindre des vitesses très élevées de l’ordre de 100 noeuds, et doté d’une autonomie supérieure à 6000 km, soit assez pour traverser l’Atlantique de part en part, à des profondeurs pouvant atteindre 1000 mètres.

En outre, la Kanyon emporte une charge nucléaire de 100 kilotonnes équivalente à celle mise en oeuvre par les systèmes de rentrée atmosphérique individuels MIRV, avec une capacité de destruction stratégique.

Le scénario d’utilisation de cette arme repose sur un pré-déploiement par le sous-marin nucléaire lance-missile modifié Belgorod ou par le Khabarovsk modifié à cet effet, permettant à la torpille de frapper des installations portuaires ou littorales de l’adversaire, comme le port militaire de Norfolk.

De part sa structure, une telle explosion entrainerait de très importants dégâts sur la flotte à quai, la destruction des infrastructures militaires et civiles littorales, et la contamination d’une vaste zone littorale obligeant à l’évacuation définitive de cet espace.

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La torpille nucléaire océanique autonome Status-6 Poseidon russe est alimentée par un réacteur nucléaire miniaturisé

Pour transporter la Kanyon, la Marine russe a spécialement modifié le sous-marin lance-missile de croisière Belgorod. La construction du navire fut entamée en 1992, avant d’être abandonnée quelques années plus tard par manque de crédits.

En 2012, l’Etat-Major naval russe relança la construction du sous-marin, sur des plans modifiés vis-à-vis des navires du projet 949AM Antey (Oscar 2 dans la désignation OTAN), pour amener sa longueur de 154 à 184 mètres, et son deplacement en plongée de 20.000 tonnes à 30.000 tonnes, en faisant le plus imposant sous-marin en service dans le monde après la mise en reserve du dernier Typhoon russe.

Ainsi, le nouveau navire pourra mettre en oeuvre jusqu’à 6 torpilles Kanyon, tout en profitant de la discrétion renforcée des Antey, bien supérieure à celle des sous-marins russes plus anciens.

De fait, selon la communication russe, souvent reprise en occident, l’arrivée du couple Belgorod/Kanyon devrait profondément bouleverser les équilibres stratégiques en Atlantique, faisant peser une menace directe sur les ports américains, d’autant qu’avec sa vitesse, sa profondeur et son autonomie, la Kanyon serait impossible à intercepter.

Nous avons là toutes les caractéristiques de ce que les allemands aimaient designer sous le terme de Wunderwaffen, ou arme miracle. Toutefois, la réalité est, quant à elle, bien différente…

En effet, l’utilisation de la Kanyon, ou son simple déploiement à proximité des cotes américaines à bord du Belgorod, constitueraient un casus belli inacceptable pour les Etats-Unis, équivalent au déploiement de missiles SS-4 sur l’ile de Cuba en 1962, ce d’autant que le sous-marin fera l’objet de toutes les attentions de la part de l’US Navy et des flottes alliées, et que la Kanyon, par sa conception, n’est très probablement pas discrète acoustiquement parlant.

En d’autres termes, il est très peu probable que le couple Belgorod/Kanyon puisse franchir le périmètre de protection acoustique qui ceinture la cote orientale des Etats-Unis et du Canada. Reste la possibilité de lancer les torpilles à grande distance, pour profiter de son autonomie, en pariant sur sa vitesse pour sa protection.

Certes, aucune torpille occidentale ne dépasse aujourd’hui les 60 noeuds, rendant l’interception de la Kanyon difficile. Difficile, mais pas impossible.

Pour rappel, à la fin des années 80, la marine soviétique disposait déjà de sous-marins nucléaires, les Alpha, capables de pointe de vitesse supérieures à celles de torpilles occidentales. La solution était, alors, d’attaquer la cible par l’avant, et non par l’arrière, ce qui permettait en outre à la torpille de détonner à proximité des tubes lance-torpilles du sous-marin.

Même sans impact, l’onde de choc pouvait alors déclencher l’explosion des torpilles dans leurs tubes, et donc la perte du sous-marin qui, en évoluant à 35 noeuds comme les Alpha, serait alors aveugle et sourd, et donc incapable d’éviter la menace.

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L’ICBM SARMAT pourra mettre en oeuvre le planeur de rentré atmosphérique hypersonique Avangard

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