Nous arrivons à la conclusion de cette série d’articles consacrés aux enjeux, risques et opportunités qui encadrent la conception de la prochaine Loi de Programmation Militaire. Ces derniers jours, par la voix du Ministre des Armées Sebastien Lecornu, certaines pistes ont été dévoilées quant aux objectifs prioritaires de cette LPM, comme le doublement de la réserve opérationnel (Hypothèse 1 de l’article « L »Armée de terre à la croisée des chemins »), et comme la réorganisation de l’effort industriel afin de renforcer l’autonomie stratégique du pays. Il est évident que la plus grande inconnue, à ce jour, demeure l’organisation, le financement et l’ampleur de cet effort, sujets qui donneront lieux à de nombreux débats et commentaires dans les semaines et mois à venir. Toutefois, au delà de cet effort global soutenu dans le temps, il existe, au sein des armées françaises, des opportunités technologiques qui permettraient d’accroitre sensiblement les capacités d’engagement dans un contexte de haute intensité, avec des couts et des délais réduits compatibles avec les objectifs et les moyens à courts termes dont elles disposeront probablement.
Dans cet article, nous étudierons 5 des ces opportunités qualifiées de quickwin, en tentant d’en évaluer l’efficacité par l’intermédiaire d’un indicateur unique, le Coefficient Multiplicateur Opérationnel ou CMO, synthèse des bénéfices opérationnels attendus vis-à-vis des investissements requis : un système de protection hard-kill pour le char Leclerc, un système CIWS pour les navires français, un Rafale de guerre électronique, un drone de combat sous-marin, ainsi que l’évolution du système de lancement vertical de missile SYLVER.
Système de protection Hard-Kill pour char Leclerc CMO x3
Qu’on le veuille ou non, il est plus que probable que l’Armée de Terre ne disposera, dans les 15 années à venir, que d’un nombre limité de chars de combat. Dans le meilleur des cas, comme évoqué précédemment, elle pourra espérer aligner 270 de ces blindés, soit une dotation presque 3 fois inférieures par division que les Armées polonaises ou américaines. En l’absence de programme intérimaire, ou d’acquisition sur étagère d’un modèle étranger, il n’existe aucune alternative évidente à cette faiblesse dimensionnante en matière d’engagement de haute intensité, comme l’ont largement démontrés les combats en Ukraine. Pour autant, à l’instar de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne faisant face aux mêmes contraintes, l’Armée de terre pourrait se tourner vers une solution technologique efficace pour compenser cette faiblesse, les systèmes de protection actifs Hard-kill, comme les célèbres Trophy et Iron Fist israéliens, ou ADS et TAPS allemands. Ce système permet en effet d’intercepter avec une très grande efficacité les menaces directes qui visent le char, comme les roquettes et missiles anti-chars, ainsi que les obus à faible vitesse initiale comme les obus à charge creuse. Ainsi, lors de leur premier déploiement de combat en 2011 dans les territoires occupés de Palestine, les chars Merkava israéliens équipés du système Trophy n’enregistrèrent aucune perte au combat, alors même que leurs APS avaient interceptés des dizaines de roquettes et de missiles antichars qui auraient gravement endommagés ou détruits les blindés visés.
Les APS actuels comme le Trophy ou l’Iron Fist, ne permettent cependant pas d’intercepter toutes les menaces. Ainsi, les missiles à trajectoire plongeante, les munitions vagabondes, les obus d’artillerie lourde et les obus flèches tirés par un autre char, restent hors de portée de ces APS, tout au moins dans leur version actuelle. Toutefois, le plus important conflit de haute intensité de ces 30 dernières années, la guerre en Ukraine, a permis de montrer qu’une majorité de chars et de véhicules de combat d’infanterie, qu’ils soient russes ou ukrainiens, ont été détruits par des missiles antichars et des roquettes en tir tendu, ceux-là même contre lesquels les APS Hard Kill sont les plus efficaces. En outre, les nouvelles versions des APS Hard-kill offrent des capacités de protection contre les menaces plongeantes comme le missile antichar Javelin ou les munitions vagabondes. A ce titre, le prototype KF51 Panther de Rheinmetall est doté d’un APS Hard-kill Active Defence System contre les tirs tendus et les menaces cinétiques (y compris les obus flèches), ainsi que du système hard-kill Top Attack Protection System (TAPS) pour les menaces plongeantes. Ainsi équipé, le char voit sa survivabilité croitre considérablement.
Le système Trophy israélien actuel offre un gain de survivabilité minimum de 2, puisqu’au moins un char sur deux en Ukraine a été détruit par des munitions contre lesquels le Trophy aurait été efficace. Par ailleurs, l’installation du Trophy sur un blindé existant est facturé 4 m$ en moyenne, tant pour le Leopard 2A7 que pour le Challenger 3. Dans le cas du Leclerc, le Coefficient Multiplicateur Opérationnel ou CMO, serait donc de 2 (gain de survivabilité) x 12(prix unitaire du char en m$) /(12 (prix unitaire du char en m$)+4(prix du Trophy installé), soit un coefficient multiplicateur de 1,5, 1 char équipé du Trophy équivaut donc 1,5 chars qui n’en seraient pas dotés. En revanche, cette vision ne vaut que pour ce qui concerne la différence entre un char neuf équipé du Trophy et un char neuf qui n’en serait pas doté. Dans le cas des Armées françaises, les chars ayant déjà été construits et financés, il n’est pas question de financer deux fois le même char. En d’autres termes, équiper les 200 chars Leclerc français destinés à la conversion MLU de systèmes Hard-Kill, donnerait une flotte de combat équivalente de 400 chars (+200 chars / survivabilité x2) pour le prix de 66 chars supplémentaires (200×4/12), soit un CMO de 200/66.66 = 3.
Système de protection antimissile pour navires de combat CIWS – CMO x4
Les systèmes de protection rapprochée des navires de combat, ou CIWS, constituent le pendant naval des systèmes hard-Kill des blindés. Il peut s’agir de systèmes de missiles à très courte portée comme le SeaRam, de systèmes d’artillerie légère automatique comme le Phalanx, ou de systèmes mixtes comme le Pantsir naval russe. Ces systèmes ont pour fonction d’intercepter les menaces qui auraient franchi les défenses à longue et moyenne portée des navires de combat, en particulier pour contrer les missiles anti-navires. Toutes les grandes marines de la planète équipent leurs bâtiments de surface combattant majeurs de ce type de protection, des Etats-Unis à la Chine, de la Russie à la Grèce. A ce titre, les 3 FDI grecques commandées à Naval Group différent de la version française en deux aspects : l’ajout de 2 systèmes Sylver 50 pour recevoir 16 missiles anti-aériens Aster 30 supplémentaires, et d’un système CIWS SeaRam sur le roof arrière. Car en effet, à ce jour, les bâtiments de la Marine Nationale ne disposent pas de systèmes CIWS.
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[…] Plusieurs faiblesses critiques frappant les armées françaises ont été à plusieurs reprises détaillés sur Meta-Défense. Dans le cadre de la préparation de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, il semble, selon les informations ayant filtrées dans le domaine public, que plusieurs d’entre elles sont désormais prises en compte, avec des solutions envisagées à relativement court terme. C’est notamment le cas de la capacité de destruction des défenses anti-aériennes adverses et de guerre électronique pour le Rafale, le Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air et de l’Espace ayant annoncé, lors de son audition par la commission défense de l’Assemblée nationale, que cette capacité, initialement prévue dans le cadre du SCAF, devait être accélérée dans le cadre de la prochaine LPM. C’est également le cas du Système de Lancement VERtical SYLVER armant les frégates de la Marine Nationale, Naval Group ayant annoncé que les travaux ont été engagés pour offrir une plus grande souplesse au système de sorte à pouvoir emporter différents missiles si besoin. Quant au Chef d’etat-major de l’Armée de Terre, il a annonce, dans le même contexte que son homologue de l’AAE, que l’objectif était désormais d’équiper les blindés comme le Griffon et le Jaguar, d’un système de protection actif hard-Kill, alors que dans ce domaine, Thales et Nexter ont annoncé l’année dernière le développement du système PROMETHEUS. […]
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