Les industriels allemands remettent en question le calendrier du programme de chars franco-allemand MGCS

Lancé en 2017, le programme Main Ground Combat System, ou MGCS, est aujourd’hui l’un des piliers, mais également l’un des seuls survivants, des efforts menés par Paris et Berlin afin de créer une dynamique européenne autour des industries et armées françaises et allemandes pour accroitre l’autonomie stratégique du vieux continent. A cette époque, la France et l’Allemagne partageaient un besoin identique, à savoir le remplacement des chars de combat Leclerc et Leopard 2 entrés en service à a fin des années 80 et au début des années 90, avec pour échéance 2035. Depuis, bien que moins médiatisé que l’autre volet phare de cette coopération, le programme SCAF qui doit pour sa part remplacer les Rafale français et Typhoon allemands et espagnols à horizon 2040, le programme MGCS traversa de nombreux et importants remous.

Ainsi, à la fin de l’année 2019, les autorités allemandes décidèrent d’intégrer le second groupe national impliqué dans la conception de véhicules blindés lourds, le rheinant Rheinmetall, au programme jusque là attribué au français Nexter et à l’allemand Krauss-Maffei Wegmann, au travers d’une co-entreprise strictement équilibrée reflétant le partage industriel de MGCS. Il fallut dès lors réorganiser totalement le partage industriel autour du programme, de sorte à donner à chaque acteur majeur (KMW, Nexter et Rheinmetall) un tiers de l’activité industrielle, tout en respectant le partage de charge également reparti entre la France et l’Allemagne. Jusqu’à aujourd’hui, si des accords ont été annoncés il y a quelques mois pour permettre la poursuite du programme, ce déblocage est davantage le fait d’un « report » des points de frictions, comme la conception du blindage ou du canon principal du char de combat, qu’à un arbitrage, puisque ces dossiers ont été postponés avec objectif de sélectionner l’offre industrielle la plus performante, le principe de Best Athlete qui avait jusqu’ici posé plus de problèmes qu’engendrer de solutions au sein du programme SCAF.

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Le KF51 Panther, conçu par Rheinmetall, constitue un réelle menace pour le programme MGCS, tout autant que le Leopard 2A7

En 2022, deux nouvelles menaces, bien plus significatives, apparurent presque conjointement. En premier lieu, l’agression russe contre l’Ukraine a considérablement bouleversé la texture du marché du char de combat, en particulier en Europe. Sous l’influence de la nouvelle perception de la menace qu’a représenté la réapparition de la guerre en Europe, ainsi que des transferts d’armes, et notamment de chars de combat venant des pays européens pour aider les défenseurs ukrainiens, la demande en matière de chars de combat a bondi en quelques mois, se tournant vers les modèles immédiatement disponibles, comme le K2 Black Panther sud-coréen, le M1A2 Abrams américain, et surtout le Leopard 2A7 qui a enregistré plusieurs commandes majeures pour la seule année 2022, autant que pour les 15 années années précédentes. Dans le même temps, en juin 2022, Rheinmetall présenta, à l’occasion du salon EuroSatory, un nouveau char de combat développé en fonds propres, le KF51 Panther, tout en dévoilant une stratégie commerciale ouvertement hostile au programme MGCS. En quelques mois, le contexte qui donna naissance au programme MGCS fut ainsi boulversé, au point que désormais, les industriels allemands, au delà de Rheinmetall, estiment publiquement que le calendrier actuellement visé, n’est plus du tout pertinent.


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10 Commentaires

  1. Si le K2PL est un char moderne et peu cher, pourquoi ne pas se tourner vers ce modèle ?
    Nous n’avons plus que 200 chars…ça c’est grave.
    Je ne crois plus au programme MGCS .L’ Allemagne ne pense qu’à ses propres investissements.
    On est incapables financièrement de relancer une production française.
    Achetons donc ce char ! Où est le problème ????

    • Ce que nous apprend la compétition norvégienne, c’est que le K2 sort a peu près au même prix final que le Leopard 2A7+. Du coup il n’y a guère d’intérêt à se tourner vers la Pologne qui va construire sous licence un char sud-coréen aux performances sensiblement identiques au Leclerc, face aux autres alternatives (EMBT, Panther, Leo2A7V)

  2. Tout à fait d’accord avec M. Vanhulle
    L’impéritie et l’incompétence pro-européenne de nos pseudo-élites politiques et militaires ne nous laissent plus le choix , pour combler ce gouffre béant, que de l’acquisition sur étagère comme pour les drones, les fusils d’assaut…etc

    Bref aucun échec du passé n’a été « pédagogique »

    Et ensuite, après avoir renoncé enfin devant le réel à nous faire mener par le bout du nez par notre nouvel « ami » allemand , compte tenu de toutes nos compétences et de nos savoir-faire, nous pourrons relancer un programme de char national, un « super Leclerc » que de vrais amis aideront à financer.. les accords secrets de défense , cela sert aussi à cela….

  3. Ce qui est curieux, c’est la dimension purement commerciale de cet avertissement. La question n’y est pas de savoir à quoi ressemblera un char gagnant en 2035, mais combien on pourra en vendre aux autres armées.

    Je pensais qu’au contraire, faire programme commun avait pour but de resynchroniser les besoins des deux pays, et de garantir des débouchés à un programme pour qu’il puisse être ambitieux. C’est-à-dire qu’on ne cherchait pas à faire un char pour le vendre, mais qu’on s’engageait à acheter pour pouvoir faire un char.

    • Developper un char comme MGCS coutera entre 8 et 10 Md€. La France et l’Allemagne, ensemble, en achètera 600 ou 700. Cela veut dire que le prix de chaque char sera surcouché de 15 m€ miminum dans ce contexte. Cela n’a pas d’intérêt. En outre, sans export, il est impossible de conserver les savoir-faire sur 40 ans, le temps d’arriver à la génération suivante. Donc oui, ‘export et crucial. Si e UK a perdu cette capacité industrielle, c’est précisément faute d’avoir exporter le challenger 2.

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