Face à la Chine, le Pentagone ne peut désormais plus que parier sur la technologie et la mobilisation de ses alliés

Surclassé par les capacités industrielles chinoises, le Pentagone sait désormais qu’il ne peut plus compter que sur un éventuel avantage technologique, mais surtout sur le soutien de ses alliés pour relever le défini sino-russe.

Chaque année, l’industrie navale chinoise lance une dizaine de destroyers et frégates, 8 destroyers anti-aériens Type 052DL de 7500 tonnes et 2 nouvelles frégates anti-sous-marines Type 054B pour l’année 2023. Dans le même temps, les États-Unis ne lanceront, cette même année, que deux destroyers Arleigh Burke, l’USS Lenah Sutcliffe Higbee (DDG-123) de type Flight IIa, et l’USS Jack H. Lucas (DDG-125), première unité de la nouvelle version Flight III.

Aujourd’hui, du fait de son antériorité avec 84 destroyers et croiseurs, ainsi que 11 porte-avions, 48 sous-marins nucléaires d’attaque et 30 grands navires de débarquement, l’US Navy conserve l’ascendant numérique sur la flotte chinoise, qui n’aligne que 45 destroyers modernes, 32 frégates ASM Type 054A, 3 porte-avions une fois le Fujian en service, 50 sous-marins d’attaque dont seulement 6 SNA de la classe Sang, et d’uniquement onze grands navires amphibies.

Pour autant, la trajectoire industrielle chinoise lui permettra, d’ici à 2030, de dépasser l’US Navy dans le domaine des grandes unités de surface combattantes, avec une centaine de destroyers Type 055 et Type 052D/L, et une soixantaine de frégates ASM Type 054A/B, contre 80 Arleigh Burke et entre 8 et 10 frégates de la classe Constellation coté américain, le point de bascule se situant entre 2026 et 2027.

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Les chantiers navals américains ne produisent aujourd’hui qu’un cinquième de la production chinoise en matière de grandes unités de surface combattantes (Destroyers et Frégates). Entre 2026 et 2027, la Marine chinoise surpassera en nombre l’US Navy dans ce domaine.

Si l’US Navy disposera toujours de l’ascendant dans le domaine des porte-avions (11 contre 5), des grandes unités amphibies (30 contre 16 à 18), et surtout dans celui des sous-marins, avec plus de 50 sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire américains contre 8 à 10 chinois, mais épaulés par une cinquantaine de submersibles à propulsion conventionnelle.

En revanche, une fois ramené au seul théâtre Pacifique, le rapport de force est très différent, puisqu’il concentre la presque totalité de la flotte chinoise, pour 50 à 60% de la flotte US qui doit également marquer sa présence dans l’Atlantique, en Méditerranée ou encore dans le Golfe Persique et dans l’Océan Indien.

Cette dynamique défavorable est désormais largement exploitée par Pékin, qui multiplie ces derniers mois les démonstrations de force navales, par exemple en traversant la ligne médiane du détroit de Taïwan de manière presque quotidienne, de sorte à user les moyens et la vigilance des forces taïwanaises, mais également en venant défier les navires et aéronefs américains et alliés ne respectant pas les annexions de fait maritimes et territoriales chinoises en Mer de Chine ou autour de Taïwan.

À ce titre, si la déclaration en 2021 de l’amiral Davidson, alors commandant des forces américaines en indo-pacifique, selon laquelle il était probable que la Chine entreprendrait la reprise de Taïwan d’ici à 2027, avait alors fait grand bruit et soulevé beaucoup d’interrogations, cette échéance est désormais partagée par un nombre croissant de spécialistes du sujet, sur la base de la bascule du rapport de force d’une part, et des contraintes politiques et économiques entourant le mandat du président Xi Jinping de l’autre.

Conscient des conséquences qu’un tel déséquilibre des forces ne manquerait pas d’engendrer, notamment au sujet de Taïwan, le Pentagone s’attache, depuis plusieurs années maintenant, à trouver d’autres moyens pour tenter de rééquilibrer ce rapport de force, et ainsi préserver le statu quo.

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La marine chinoise aligne autant de sous-marins que l’US Navy, mais cette flotte est aujourd’hui majoritairement composée de navires à propulsion conventionnelle comme le Type 039. Toutefois, dans l’hypothèse d’une posture purement défensive derrière le premier rideau d’iles de la mer de Chine, ces bâtiments s’avèreraient des adversaires redoutables contre les SNA américains, d’autant que l’APL aligne une importante flottille de corvettes ASM Type 056A pour les épauler.

Toutefois, les opportunités sont peu nombreuses pour les stratèges américains, qui savent ne pouvoir s’appuyer sur une hausse massive des budgets, d’une part, et qui, de l’autre, sont conscients des limites auxquelles se heurtent les capacités industrielles américaines, notamment dans le domaine naval.

De fait, c’est sans grande surprise que le Pentagone s’attache désormais à accroitre le plus rapidement possible son ascendant technologique face à la Chine, en multipliant non seulement les investissements et les programmes en ce sens, mais également en accélérant la mise en service de ces équipements et capacités innovantes, souvent liées à la nouvelle doctrine Joint All-Domain Command and Control, ou JADCC.

Pivot de la transformation globale des forces US, la doctrine JADCC est censée précisément convertir les capacités supérieures des forces américaines en matière de technologies, de communication et d’entraînement des forces, en avantages opérationnels suffisamment perceptibles pour rétablir le rapport de force en leur faveur, et donc de s’avérer suffisamment dissuasif pour Pékin pour ne pas entreprendre d’action offensive contre Taïwan.

C’est ainsi que, ces dernières années, certains programmes de rupture dans le domaine des armes hypersoniques, des armes à énergie dirigée ou des drones, ainsi que d’autres particulièrement démonstratifs, comme les deux programmes Next génération Air Dominance de l’US Air Force pour remplacer les F-22, et de l’US Navy pour le remplacement des F/A-18 E/F Super Hornet, ont été menés avec sérieux, réalisme et célérité par les armées américaines, à l’opposé de la façon dont de nombreux programmes ont été menés de manière souvent catastrophique dans les années 2000 et 2010.

La seconde alternative mise en œuvre par les États-Unis repose sur le renforcement des liens politiques, mais surtout militaires avec ses alliés traditionnels de ce théâtre d’opération, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud, Singapour ou les Philippines, ainsi que d’importants efforts pour tenter de se rapprocher d’acteurs clés du théâtre indo-pacifique comme l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie ou la Thaïlande, qui font l’objet de toutes les attentions du Département d’État comme du Pentagone depuis plusieurs années.

Le Pentagone ne peut désormais plus que parier sur la technologie et la mobilisation de ses alliés
Rencontre entre Lloyd Austin et Lee Jong-Sup, 31 janvier 2023 -Copyright Jeon Heon-Kyun / AFP

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