L’industrie de défense russe adapte son offre export à ses contraintes

Le CEO de Rosoboronexport, Alexander Mikheyev, a donné des indications sur la manière dont l’industrie de défense russe entendait se réorganiser afin de retrouver ses parts de marché à l’exportation d’ici à 2030, sans venir menacer la production à destination des armées russes. Pour cela, elle va massivement miser sur les partenariats internationaux.

Si en Europe, et en France en particulier, le terme Économie de guerre est souvent galvaudé, ce n’est pas le cas en Russie. En effet, depuis un an maintenant, et la prise de conscience par le Kremlin de la réalité de la guerre en Ukraine comme du soutien occidental à Kyiv, les autorités russes ont produit un effort sans précédant pour transformer l’économie russe pour soutenir les forces engagées en Ukraine.

La réorganisation de l’industrie de defense russe en 2022

C’est ainsi qu’en quelques mois seulement, l’ensemble des usines d’armement russe a été réorganisé pour augmenter considérablement la production industrielle de défense du pays, et ainsi compenser les pertes considérables enregistrées face aux armées ukrainiennes.

Dans le même temps, Moscou suspendit toutes les productions d’équipements destinées à l’exportation au sein de ses usines, tant les besoins des armées russes prévalaient.

Cette décision priva non seulement l’État russe de précieuses ressources et devises, alors même qu’il en avait le plus besoin après la fermeture du marché européen à ses exportations de gaz, mais elle dégrada aussi l’image de l’industrie de défense russe auprès de ses clients, y compris parmi les plus fidèles.

industrie de défense russe
L’industrie de défense russe s’est considérablement transformée en quelques mois seulement, pour répondre aux contraintes de la guerre en Ukraine.

Ainsi, ces derniers mois, l’Inde, traditionnel client des industries de defense russes, semblait systématiquement vouloir éviter de se tourner vers ces matériels pour moderniser ses armées, amplifiant en cela son basculement lent, mais sensible, vers l’occident.

Il était donc indispensable pour Moscou et pour Rosoboronexport, la filiale du géant Rostec en charge des exportations de la plupart des équipements militaires russes, de trouver une solution rapide pour ne pas se couper davantage du marché international, alors que la guerre en Ukraine, et donc ses contraintes, sont appelées à durer.

Rosoboronexport mise sur les partenariats industriels pour relancer les exportations d’armement russe

C’est très certainement dans ce contexte qu’il convient d’analyser la déclaration d’Alexander Mikheyev, le CEO de Rosoboronexport, à l’occasion d’une récente conférence de presse.

Pour l’industriel russe, les partenariats technologiques, qui jusque-là étaient souvent exceptionnels et réservés à certains clients, devraient représenter 40 % des exportations russes en matière d’équipements de défense d’ici à 2030.

En procédant ainsi, la Russie pourrait recoller avec le marché export, sans venir dégrader les capacités de production nationales à destination des armées russes elles-mêmes.

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Partenaire historique privilégié de l’Inde, l’industrie de défense russe ne semble plus avoir les faveurs de New Delhi ces derniers mois.

Il apparait, par ailleurs, que ce type de partenariat répond à une évolution sensible de la demande internationale, les clients souhaitant le plus souvent developper, à l’occasion de ces contrats, leurs propres tissus industriels défense.

Enfin, l’augmentation considérable de l’effort de defense russe, permet aux industriels du pays d’entamer de nombreux programmes de recherche et de développement, et donc de raccourcir le cycle générationnel des équipements produits.

Une stratégie adaptée à la demande et au nouveau contexte industriel russe

Moscou ne craint guère, aujourd’hui, de se couper de sa base client en autorisant des transferts de technologies clés, car dans le même temps, sa propre industrie de defense développe, le plus souvent, l’équipement de la génération suivante, avec un cycle de vie raccourcie.

De fait, à moins de disposer d’une base industrielle et scientifique particulièrement performante (comme c’est le cas de l’Inde), les risques de faire émerger un nouvel acteur du marché de la défense, en autorisant ces partenariats technologiques, est moindre, maintenant que les cycles générationnels sont raccourcis.

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Loin d’être figée dans la production de matériels existants, l’industrie de défense russe se montre capable de réactivité et d’innovation ces derniers mois.

Quoi qu’il en soit, et contrairement à un sentiment répandu en Europe notamment, les déclarations de Rosoboronexport au sujet de l’avenir des exportations militaires russes, montrent que le kremlin, et l’industrie de défense du pays, s’organisent au contraire avec méthode et ambition, pour s’adapter aux contraintes imposées par la nouvelle réalité qui s’est dessinée depuis le 24 février 2022.

Par ailleurs, en dépit de son évidente perte de vitesse depuis le début du conflit, l’industrie de défense russe entend toujours jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale dans les années à venir, et a engagé les mutations nécessaires pour y parvenir.

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