De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les insuffisances de l’effort de defense français face à la montée en puissance des menaces internationales, alors que l’encre de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, votée en juillet dernier, est à peine sèche.
Entre le spectre d’une Chine surpuissante, la renaissance de la puissance militaro-industrielle russe, les perspectives pessimistes concernant la guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient et le possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, plus que jamais depuis la fin de la crise des Euromissiles, le rôle des armées françaises, pour garantir la sécurité du pays, mais aussi de ses alliés, est aujourd’hui crucial.
La LPM 2024-2030, en reprenant le format des armées conçu en 2013 par un Livre Blanc structuré autour d’une menace dissymétrique, et en ne visant que le plancher d’investissement fixé par l’OTAN de 2 % du PIB, ne répond ni en volume, ni dans son calendrier, aux défis qui s’accumulent face aux armées françaises.
Sommaire
Pour autant, les arguments avancés pour expliquer ce manque d’ambition et de moyens, apparaissent raisonnables, avec un déficit public chronique ne parvenant pas à passer sous la barre des 3 %, une dette souveraine s’approchant des 120 % de PIB, et une économie encore chancelante avec une croissance limitée et un chômage vivace, le tout venant caper les capacités d’investissements de l’État.
Alors, est-il illusoire de vouloir amener l’effort de défense français au niveau requis pour effectivement répondre aux enjeux sécuritaires ? Comme nous le verrons dans cet article, tout dépend de la manière dont le problème est posé.
Une LPM 2024-2030 à 2 % PIB est objectivement insuffisante pour répondre aux enjeux sécuritaires à venir
Si la LPM 2024-2030 s’enorgueillit d’une hausse inégalée des dépenses de défense sur sa durée, avec un budget des armées qui passera de 43,9 Md€ en 2023 à 67 Md€ en 2030, l’effort de défense, c’est-à-dire le rapport entre ces dépenses et le produit intérieur brut du pays, demeurera relativement stable, autour de 2 %.
De fait, en de nombreux aspects, cette hausse annoncée des crédits sera en trompe-l’œil, d’autant qu’elle sera en partie érodée par les effets de l’inflation, comme ce fut d’ailleurs le cas lors de la précédente LPM.
Dans un précédent article, nous avions montré qu’il serait nécessaire, pour la France, de produire un effort de défense supérieur ou égal à 2,65 % PIB pour répondre aux enjeux du moment. Depuis sa rédaction, plusieurs facteurs sont venus aggraver les menaces, donc le calendrier des besoins pour les armées, et avec eux, les besoins d’investissements.
Répondre au besoin de recapitalisation des armées françaises
D’abord, avec un effort à 2,65 % tel qu’il a été préconisé, la recapitalisation des armées françaises, après 20 années de sous investissements critiques, se voulait relativement progressive. En effet, le pic de menaces alors évalué se situait entre 2035 et 2040, ce qui laissait une quinzaine d’années à l’effort de défense pour combler les lacunes constatées, et remplacer les matériels les plus obsolètes comme les hélicoptères Gazelle, les Patrouilleurs Hauturier, et bien d’autres.
Or, le tempo s’est considérablement accru ces derniers mois, sous l’effet conjugué d’une Chine de plus en plus sûre d’elle dans le Pacifique, d’une Russie, en pleine confiance, qui a renoué avec une puissance militaro-industrielle de premier ordre, d’un axe de fait qui s’est formé entre ces deux pays, l’Iran et la Corée du Nord, et la menace désormais très perceptible du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche à l’occasion des élections présidentielles américaines de 2024.
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Assez d »accord avec cette analyse et aussi le fait souligné que on ne peut pas augmenter les investissements , ,efficaces economiquement, sans recruter, à fortiori des gens qualifiés.Du fait de notre démographie « utile » (Bac + Scientifique /technologique) de plus en plus rare, d’un taux de chômage très bas pour ces catégories.
L’argent n’est pas un motivateur , mais par contre des revenus faibles sont des demotivateurs et souvent stigmatisant socialement.Il faut donc ameliorer l’attractivité financiere mais, à la fois, surtout ,offrir une « expérience » pour des heunes de 20 ans dont ils seront fiers.Suivons l’esxemple des US et offrons par exemple au bout de 5 ans de service des etudes serieuses payées par la collectivité sur 2/3 ans et non pas une prime ou une rente 40 ans apres
Bref transformons des techniciens en ingenieurs ,des anciens de l’ENSOA ou d’officiers mariniers en manageurs /animateurs d’equipes (ventes , production,RH ) dont nous manquons aussi.
Vos analyses budgétaires et capacitaires sont très pertinentes, en revanche une de vos marottes est assez contestable : la difficulté de l’augmentation des effectifs. Vous en faites un topos de vos analyses (excellentes par ailleurs) alors qu’elle constitue en réalité une nécessité non seulement absolue de la remontée en puissance des armées, mais qu’elle n’est pas inatteignable non plus, loin de là. En effet, vous raisonnez à périmètre de politique salariale / RH constant. Or c’est bien ce facteur qu’il convient de changer pour permettre de plus recruter / fidéliser dans cet environnement de marché de travail plus concurrentiel : augmentation des soldes (notamment MDR et SOFF), système de prime d’engagement / re signature efficace et lisible, parcours RH de seconde partie de carrière rénovés, gestion des personnels plus souples, modernisation lourde des infrastructures, rythme de missions apaisé etc. Ces mesures feront nécessairement croitre le rapport budgétaire moyen « masse salariale / personnel » mais elles sont nécessaires pour effectivement augmenter au bas mot le FOT de 30 à 40 000 personnels. Rien ne sera crédible sinon dans un modèle à 3% de PIB. L’exemple ukrainien montre bien que la masse et le volume sont des qualités primordiales. Partant, mieux vaut 4 brigades blindées actuelles que 2 brigades NG super équipées.
Enfin, la nécessaire modernisation des équipements, des entrainements, des missions, entrainera aura également un effet très positif sur le recrutement au travers du sens de l’engagement et du service des militaires (notamment SOFF et OFF).
Au final, je pense qu’il vous faut revoir ce facteur dans votre analyse pour la rendre plus crédible sur un modèle à 3%, ce qui n’exclut pas la montée en puissance complémentaire et probablement aussi nécessaire d’une garde nationale.
Bien à vous.
Merci pour ce commentaire. En fait, je considère que jamais la France ne pourra atteindre le format requis avec des effectifs professionnels, même en augmentant l’attractivité des postes. De fait, comme je l’ai souvent écrit, il me semble préférable de se concentrer sur une réduction des effectifs professionnels, et une augmentation des effectifs de la Garde Nationale, sur un modèle proche de celle des États-Unis. Or, d’un point de vue de la masse salariale, un garde national coute entre 4 et 6 fois moins cher qu’un militaire professionnel. De fait, en réduisant de 30 000 h les effectifs pro, vous pouvez, à périmètre budgétaire constant, obtenir une augmentation nette de format de 120.000 h (à x5, la moitié). Dans le modèle ici présenté, vous pouvez même vous permettre d’augmenter l’attractivité salariale de 25 %, tout en augmentant les effectifs à terme de 120k, soit une garde nationale à 200 k, et des effectifs professionnels à 180 K. Pour autant, dans une telle hypothèse, il sera indispensable de constituer de véritables unités de gardes nationaux, c’est-à-dire avec les effectifs, mais également les équipements. De mon point de vue, la Garde Nationale est incontestablement le meilleur format pour répondre aux menaces symétriques de haute intensité, mais de probabilité faible à moyenne en Europe de l’Est, là où la force professionnelle resterait dimensionnée pour contrôler la menace à haute probabilité, mais moyenne à faible intensité, périmétrique.
Ces aspects étaient étudiés dans cet article de 2021 : https://meta-defense.fr/2021/07/13/la-garde-nationale-un-format-de-predilection-pour-la-haute-intensite/
Bien cordialement,
« Évidemment, 6 Md€ de surcouts, ce n’est pas rien ».
Certes, c’est une somme ! mais en termes de budget tout est question de choix politique.
Les pertes monumentales subies par EDF à laquelle les politiques ont imposé de vendre à perte de l’électricité pour créer une concurrence artificielle sur ordre de l’Europe en est une preuve s’il en était besoin !
Les chefs militaires sont désignés par les politiques !
Je pense que cela répond à votre question au demeurant légitime.
Le général de Villiers a vécu à son détriment ce qu’il en coûtait, de bon droit, de ne pas être d’accord.
Je n’ai aucune confiance en la politique de Macron et ses équipes de bras cassés, qui disent, à chaque occasion, tout et son contraire. Macron, nous le savons bien, est le larbin des USA, des Gafam, Union européenne et autres Black-Rock, Labos et firmes de conseils. Il n’a aucune ambition pour notre Nation, si ce n’est celle de nous « assimiler » à une entité extra nationale, dont il rêve de prendre la direction à la manière de Ursula Von der Layen ! Il a déjà beaucoup nui à l’économie à la France et ce bien avant qu’il n’ait été ministre ou président. Notre défense ne le chagrine pas trop et n’est pas son objectif. Je ne comprends pas que nos chefs militaires ne se manifestent pas plus à son encontre !
Tout èa fait d’accord avec tout ça !!!