3 Rafale par mois : Dassault Aviation anticipe-t-il de nouvelles commandes à venir ?

De 2000 à 2023, Dassault Aviation a livré 164 chasseurs Rafale aux forces aériennes françaises, ainsi que 102 appareils à l’exportation, soit une moyenne de 11,2 chasseurs par an, sans jamais passer sous le plancher de 11 appareils produits chaque année, indispensable pour maintenir la chaine de production active.

C’est donc une véritable révolution capacitaire qui se prépare à Mérignac, pour la chaine d’assemblage du Rafale, comme pour l’ensemble de sa chaine de sous-traitance. Le PDG de Dassault Aviation a, en effet, annoncé que la production du fleuron de l’aéronautique militaire française, allait passer, d’ici à la fin de l’année 2024, à trois appareils par mois.

Loin des positions défensives qui visaient à préserver la ligne de production, l’avionneur français passe, par cette décision, à un niveau de production connu des seules super-puissances américaines ou chinoises pour un modèle unique, et anticipe, par là même, de nouvelles commandes à venir, afin d’amortir les investissements nécessaires, pour lui donner corps.

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Produire 3 Rafale par mois d’ici à la fin 2024 : un effort monumental pour la Team Rafale

Le défi est de taille pour Dassault Aviation, et surtout pour l’ensemble des 500 entreprises appartenant à la Team Rafale. En effet, à la suite de la crise Covid, ainsi qu’aux conséquences de l’inflation ayant entrainé certains mouvements sociaux dans la chaine de sous-traitance du chasseur français, seuls 13 ont été effectivement livrés en 2023, sur les 15 qui étaient prévus.

Rafale quatar
La Quatar a été le second client à l’exportation du Rafale. Il a commandé, en 2015, 24 chasseurs, suivis deux ans plus tard, d’une option pour 12 chasseurs supplémentaires.

En d’autres termes, par cette annonce, Eric Trappier veut qu’en une année seulement, la production de Rafale neufs, soit triplée. Alors que beaucoup d’interrogations avaient porté sur la capacité de la chaine d’assemblage de Mérignac, pour augmenter la production au-delà de deux appareils par mois, le PDG du groupe avait indiqué, il y a quelques mois, que celle-ci pouvait croitre jusqu’à quatre, et même cinq chasseurs par mois.

Le point bloquant, concernant l’augmentation des cadences de livraison, n’est donc pas à chercher à Mérignac, mais dans cette chaine de sous-traitance, au rôle clé pour la fabrication du chasseur.

En effet, si Dassault, Thales ou Safran, les trois grands groupes qui participent au programme, n’ont pas de difficulté pour augmenter leurs cadences, et financer leur croissance, ce n’est pas le cas de l’ensemble des ETI et PME/PMI qui constitue le gros de la Supply Chain.

Celles-ci font face à d’importants déboires pour obtenir les financements requis pour se préparer à augmenter les cadences, mais aussi pour recruter le personnel nécessaire, souvent le former, alors que pendant vingt ans, les cadences de livraison du Rafale évoluaient entre 11 et 16 appareils par an.

Rafale M armé d'un missile ASMPA nucléaire au catapultage
Une partie des Rafale M de la Marine Nationale devra être retirée du service au debut de la prochaine decennie, après trente années de service éprouvantes sur porte-avions.

De fait, avant de s’engager à augmenter les cadences de construction et de livraison du Rafale, Eric Trappier a dû, préalablement, s’assurer que l’ensemble de sa Supply Chain sera effectivement prête à soutenir de telles cadences, y compris en résolvant leurs difficultés propres, dans un contexte particulièrement difficile.

Dassault Aviation anticipe de nouvelles commandes dans les mois et années à venir

Si l’augmentation des cadences de production, annoncée par le PDG de Dassault Aviation, permettra de répondre aux urgences capacitaires liées aux tensions internationales immédiates, elle représente, aussi, un pari sur l’avenir, pour l’avionneur français et l’ensemble de la Team Rafale.

En effet, avec un carnet de commande d’environ 164 appareils, passer à 36 chasseurs par an, plutôt que 24, amène l’apurement de ce carnet de commande à 2030, contre 2034 initialement. Or, la production du NGF du programme SCAF, ne devrait pas débuter, au mieux, avant 2035, et même probablement après.

Eric Trappier ayant montré qu’il était, avant tout, un dirigeant avisé et prudent dans ses choix, cette augmentation indique que Dassault anticipe, avec une marge de sécurité suffisante, la commande de 100 à 150 nouveaux chasseurs dans les mois et années à venir, permettant de faire la jonction avec l’entame de la production des NGF, mais aussi d’amortir les investissements requis pour augmenter les cadences de production de manière aussi significative.

Rafale M Charles de gaulle
La Marine indienne negocie l’acquisitiond e 26 Rafale M pour armer le porte-avions INS Vikrant.

La Colombie, l’inde, l’Égypte, la Serbie et l’Arabie Saoudite, sont les prospects les plus régulièrement évoqués concernant ces éventuelles commandes à venir à l’exportation. Il est aussi possible que Dassault anticipe des besoins de recapitalisation des forces aériennes françaises, que ce soit pour en étendre le format (espérons-le), remplacer les chasseurs les plus anciens comme les premiers Rafale M, ou de compenser de nouvelles ventes de chasseurs d’occasion, voire un mélange des trois.

Le Rafale F5 va donner une seconde jeunesse au chasseur français

Il est probable que l’avionneur français anticipe, aussi, les conséquences de l’arrivée du Rafale F5, prévue pour 2030, sur l’attractivité du chasseur. Si cette nouvelle version apportera d’importantes évolutions capacitaires, précipitant de plain-pied le Rafale dans la fameuse cinquième génération des avions de combat, elle marque aussi, pour la première fois, une divergence dans l’évolutivité du chasseur français.

En effet, seuls les chasseurs livrés au standard Rafale F4.2, donc produits à ce standard à partir de 2026, pourront effectivement évoluer vers ce standard F5, ceux livrés avant cette date, devant se contenter d’évolutions itératives moins significatives.

Rafale F4
Le premier Rafale F4 français a effectué, il y a quelques jours, une prise d’alerte.

De fait, si le F5 va redonner une nouvelle jeunesse au chasseur français, le standard pourrait amener certains utilisateurs historiques du Rafale, à privilégier la vente de leur flotte de chasseurs sur le marché de l’occasion, pour s’équiper de ce nouveau standard, y compris concernant les forces aériennes françaises.

Dans le contexte de tensions extrêmes sur de nombreux théâtres, il est donc indispensable, pour Dassault, de pouvoir rapidement remplacer ces appareils vendus sur le marché de l’occasion, tout en étendant le parc installé.

Toujours pas de contrat pour la conception du drone de combat français

Concomitamment à l’annonce du standard F5, lors des débats parlementaires autour de la LPM 2024-2030, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait également annoncé la conception et la livraison, au début de la prochaine décennie, d’un drone de combat dérivé du démonstrateur Neuron, pour accompagner l’appareil.

Presque un an après, le contrat pour la conception de ce drone, pourtant indispensable au chasseur français, en particulier pour se confronter aux défenses antiaériennes adverses, n’a toutefois pas été signifié à Dassault Aviation.

Rafale neuron
Le contrat pour la conception du frone de combat qui accompagnera le Rafale F5 n’a toujours pas été signifié à Dassault Aviation.

Toutefois, si le calendrier de ce programme devait être respecté, on peut aussi supposer que Dassault pourrait avoir entrepris d’apurer plus rapidement son carnet de commande Rafale, de sorte à libérer de la capacité de production au-delà de 2030, pour fabriquer le nouveau drone, qui n’aura, de l’aveu d’Eric Trappier, guère à envier à un chasseur monomoteur classique.

Dassault toujours en pleine confiance

Qu’il s’agisse d’anticiper de nouvelles commandes directes, le remplacement d’une partie de la flotte par le nouveau standard F5, ou de libérer des moyens de production pour le futur drone de combat, il ne fait aucun doute, par l’annonce de l’augmentation massive des cadences de production du Rafale, que Dassault Aviation est en pleine confiance, concernant son marché adressable dans les dix à quinze prochaines années.

Outre les commandes à venir, dont Dassault estime qu’elles sont suffisamment crédibles pour justifier d’un tel changement de cadence, avec les risques que cela constitue pour l’activité de sa ligne de production après 2030, il est aussi probable que cette capacité étendue, permettra à l’avionneur français de proposer, lors de négociations à venir, des calendriers de production attractif, pour s’imposer face à ses compétiteurs.

Article du 11 mars en version intégrale jusqu’au 12 mai 2024

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2 Commentaires

  1. Ce n’ est bien évidemment qu’ un détail qui n’ obére en rien la pertinence du propos mais je ne comprends pas le recours au féminin pour le mot anglais  » team » :  » la » team Rafale
    La francisation du mot me semble avoir conduit à l’ usage du masculin: un team
    D’ ou  » le » team Rafale..
    Peut-être une confusion avec le féminin de la traduction française : une équipe, l’ équipe…
    Mais là n’ est pas l’ essentiel qui est le financement de l’aéronautique française par des exportations récurrentes liées également à la réduction des délais de livraison

    Bien cordialement

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