Le RETEX mer Rouge plaide pour un renforcement immédiat de la défense antiaérienne des frégates françaises

- Publicité -

De nombreux spécialistes navals ont, à plusieurs reprises, appelé à renforcer les défenses anti-aériennes des frégates françaises de premier rang, et plus généralement, des navires de la Marine nationale.

En effet, traditionnellement, la Marine française a privilégié le nombre de coques à leur armement, dans un contexte, il est vrai, de tensions géopolitiques moindres, et de vaches maigres budgétaires.

Toutefois, la dernière intervention du ministre des Armées, le 26 mars, faisant notamment référence à la consommation de missiles Aster par les frégates déployées en mer Rouge, trace une perspective difficile à ignorer, tant par le ministère que par l’Amirauté.

- Publicité -

22 missiles Aster tirés en 4 mois par deux frégates françaises

Sébastien Lecornu a indiqué, lors de ce point presse, que les deux frégates, déployées en mer Rouge à partir de la fin du mois de novembre 2024, d’abord la frégate FREMM Languedoc de la classe Aquitaine, jusqu’à la fin du mois de janvier, et relevée depuis, par la Frégate de FREMM de défense Aérienne Alsace, de la classe éponyme, ont lancé, sur cette durée, 22 missiles Aster contre les drones et missiles Houthis, pour se protéger, et protéger les navires commerciaux escortés.

Fregates françaises classe f Alsace
L’Alsace est la premirèe frégate française a avoir réalisée une interception de missiles balsitiques au combat.

Or, ce nombre représente presque la moitié du nombre total de missiles antiaériens Aster 15 et 30 à bord de ces deux frégates, 16 pour la Languedoc, 32 pour l’Alsace, alors que l’on peut difficilement avancer que le théâtre sur lequel elles ont évolué, était particulièrement intense (toutes proportions gardées), ni que les missiles et drones lancés par les Houthis, nécessitaient une consommation supérieure de munitions.

Ce Retex montre également que, dorénavant, même les théâtres de moindre intensité technologique, les Houthis n’étant pas des réputés pour leurs armes de haute technologie, en dépit du soutien iranien, exposent les navires français à des menaces aériennes et balistiques majeures, nécessitant de disposer de capacités renforcées dans ce domaine.

- Publicité -

Le format insuffisant à 16 Aster des frégates de la classe Aquitaine et Amiral Ronarc’h de la Marine nationale

Ce besoin de renforcement des défenses antiaériennes concerne, plus spécifiquement, deux classes de frégates représentant l’essentiel de la flotte de surface de premier rang, de la Marine nationale, les frégates FREMM de la classe Aquitaine avec six navires, et les cinq futures frégates FDI de la classe Amiral Ronarc’h.

En effet, l’une comme l’autre ne disposent, dans ce domaine, que de deux systèmes de lancement vertical SYLVER 50, pouvant accueillir, au total, 16 missiles anti-aériens Aster 15, d’une portée de 50 km, et Aster 30, pouvant dépasser les 100 km et disposant de capacités antibalistiques basses couches, ainsi que d’un canon de 76 mm.

canon 76mm FREMM
Le canon de 76mm de l’Alsace s’est révélé efficace contre les drones Houthis.

L’engagement des navires français en mer Rouge montre que sur un théâtre de moyenne intensité, une frégate de premier rang doit être en mesure de lancer au moins 11 missiles antiaériens sur un mois, y compris en employant, lorsque c’est possible, son canon de 76 mm, voire son hélicoptère embarqué, pour intercepter des drones d’attaque.

- Publicité -

Bien évidemment, la marge restante, soit 5 missiles, semble bien trop faible pour un navire de plus de 700 m€, transportant une centaine de marins français, et devant escorter des navires commerciaux.

Les options pour le renforcement rapide des capacités antiaériennes et antimissiles des frégates françaises

Pour répondre à ce défi que l’on peut qualifier d’immédiat, plusieurs options sont accessibles pour la Marine nationale, et le ministère des Armées, avec une empreinte budgétaire, somme toute, limitée.

L’ajout de deux VLS Sylver 50 pour les FDI de la classe Amiral Ronarc’h

La première de ces alternatives serait d’installer, dès à présent, deux VLS SYLVER 50 supplémentaires sur les 5 FDI de la classe Amiral Ronarc’h, comme c’est le cas, par ailleurs, des trois frégates FDI destinées à la Marine hellénique.

FDI grecques
Les FDi grecques emporteront 4 Sylver 50 pour 32 missiles antiaériens.

Ces frégates disposent, en effet, des espaces réservés pour accueillir ces VLS, qui doubleraient le nombre de missiles Aster 15 et 30 embarqués, soit 32 missiles, à l’identique des frégates de défense antiaérienne de la classe Alsace.

Les navires étant déjà équipés du très performant radar AESA Sea Fire 500 de Thales, elles deviendraient de très efficaces escorteurs antiaériens et antibalistiques, en plus d’être le très performant escorteur anti-sous-marins qu’elles promettent d’être.

À noter que les deux frégates de défense aériennes de la classe Horizon, les frégates Forbin et Chevalier Paul, disposent, elles aussi, de deux emplacements Sylver réservés, leur permettant, au besoin, de passer à 8 Sylver, soit 64 missiles Aster. En revanche, l’ajout de Sylver sur les FREMM des classes Aquitaine et Alsace, ne peut être envisagé sans une transformation majeure, donc longue et onéreuse, du navire.

Le système CIWS RapidFire pour les FREMM, Horizon et FDI

La seconde alternative, concernant l’ensemble de la flotte de frégates de premier rang de la Marine nationale, consisterait en l’installation d’un système de défense anti-aérienne et anti-missile rapprochée, ou CIWS, sur chaque navire.

Rapid Fire nexter Thales
Le Rapid Fire de Nexter et Thales, procure un dépense rapprochée efficace contre les missiles de croisière et les drones.

Dans ce domaine, Thales et Nexter ont codévelopé une solution très prometteuse, le système Rapid Fire, une tourelle automatique armée du canon 40 CTC à munitions télescopées, offrant une protection efficaces dans un rayon de 4 km au navire contre les aéronefs, missiles et les drones.

Ce système conférerait aux frégates françaises une sécurité ultime, si elles devaient épuiser leurs missiles stockés, pour contrer à une menace, au moins le temps d’évacuer la zone d’engagement.

Cette tourelle arme déjà le nouveau bâtiment de ravitaillement de la Flotte Jacques Chevallier, et équipera à l’avenir, outre ses deux sisterships, les patrouilleurs hauturiers et les six grands bâtiments de guerre des mines de la Marine nationale.

Relativement légère, elle pourrait trouver sa place sur le roof arrière des FDI, en lieu et place du RAM installé sur les frégates helléniques, et, au même endroit, pour les FREMM et Horizon, moyennant une réorganisation des systèmes et, peut-être, un renforcement de la zone.

Le Système Lanceur Modulaire Polyvalent et le missile Mistral 3

Le troisième et dernier système susceptible d’apporter une réponse, à court terme, au besoin de renforcement de la puissance de feu antiaérienne des frégates françaises, est le nouveau Lanceur Modulaire Polyvalent, présenté il y a quelques mois par Naval group.

Lanceur Polyvalent Modulaire Naval group
Le LMP de Naval Group, accueille 4 modules pouvant recevoir chacun 4 missiles Mistral 3.

Comme son nom l’indique, ce lanceur peut recevoir plusieurs modules, 4 en l’occurrence, chaque module pouvant être armé de dix roquettes de 70 mm, de leurres, de deux charges de profondeurs, de deux missiles Akeron MP, ou de quatre missiles antiaériens Mistral 3.

En d’autres termes, le LMP permettrait à une frégate de disposer, au besoin, d’un supplément de 16 missiles sol-air à très courte portée Mistral 3 prêts au tir, un missile que l’on sait particulièrement efficace contre les missiles de croisière ou les drones.

Couplé à un CIWS comme le RapidFire, le LMP permettrait non seulement d’augmenter considérablement les capacités d’autoprotection des navires, mais aussi de créer un second rideau défensif pour les navires escortés, un Mistral 3 ayant une portée pouvant atteindre 7 km.

Conclusion

Le renforcement rapide des moyens de défense antiaérienne, antimissile et antidrone, des frégates de premier rang de la Marine nationale, ne peut désormais plus être ignoré, alors que la consommation de missiles Aster en mer Rouge, a montré à quel point leur armement, dans ce domaine, était aussi insuffisant, que les munitions sont performantes.

FREMM Alsace Aster Planification et plans militaires | Analyses Défense | Articles gratuits
Un format à 32 Aster, comme les FREMM DA de la classe Alsace, s’impose probablement pour les FDI.

Plusieurs mesures, relativement économiques et rapides à mettre en œuvre, peuvent être appliquées, d’autant plus efficacement que les frégates FDI sont encore en chantier.

Il serait, à présent, absurde, quel que soit le point de vue considéré, de livrer ces frégates à la Marine nationale, avec seulement 2 Sylver 50, et 16 missiles Aster, et non, comme les frégates grecques, avec 32 missiles.

Toutefois, si l’augmentation du nombre de Sylver s’impose, elle n’exclut pas la nécessité de doter ces frégates, comme l’ensemble des frégates en service au sein de la Marine nationale, d’un système CIWS pour assurer une protection ultime, voire d’un renforcement de défense, proposé par le nouveau LMP de Naval Group.

Les économies que l’on pense pouvoir faire aujourd’hui, à ce sujet, risquent fort de se payer, très bientôt, avec un navire gravement endommagé, voire coulé, et de nombreuses vies perdues.

Article du 27 mars en version intégrale jusqu’au 5 Mai 2024

- Publicité -

Pour Aller plus loin

12 Commentaires

  1. Merci pour la synthèse !
    Quid des MICA VL également ? Peut-être moins coûteux pour plus de vecteurs.
    Par ailleurs, il me semble que MBDA travaille sur une solution simplifiée pour les lanceurs Sylver, en ce qui concerne la compatibilité des différents missiles du catalogue (déjà évoqué dans vos articles et confirmé par une de mes sources sûre).

    • En effet, mais cela suppose de mettre de nouvelles armoires de tir, d’adapter le système de combat etc.. C’est bien plus long, et plus lourd, que d’ajouter deux Sylver. Après, il n’y a pas vraiment d’intérêt aujourd’hui à mettre du Mica VL NG plutôt que de l’Aster 15. L’écart de prix est minime, et pas de gain de performances. Cela aurait de l’intérêt si le MICA VL pouvait être multipacké sur du Sylver. Mais ça, c’est encore plus long et cher, puisque cela suppose de redessiner les SYLVER, conçus à l’économie.

      • Justement, quel serait l’ampleur des travaux sur le système SYLVER si on souhaite multipacker des MICA NG ?

        En effet, comme déjà indiqué dans au moins 2 articles sur ce site, amener le Système SYLVER à une modularité proche de celle du Mk-41 américain aurait un intérêt.

        Au vu des performances annoncés du MICA NG dans la version air-air, il pourrait être un concurrent sérieux pour le RIM-162 ESSM. Sauf que ce dernier est par défaut « quadpacké » (4 missiles par cellule de tir). Et qu’il enchaine les victoire à l’export de ce fait.

        Quand au LMP, c’est une solution intéressante mais limitée à la portée (et l’altitude maximale) du missile Mistral SATCP. Et donc surtout efficace contre les drones légers et autre minidrones. Contre les drones lourds et les différents missiles, il faut du missile anti-aérien plus lourd comme l’actuel MICA VL minimum.

        • Cela nécessiterait de redessiner les VLS presque entièrement, tout au moins, les conteneurs eux-mêmes, et les connexions aux armoires. Cela aurait évidemment de nombreux atouts, mais c’est un vrai chantier, probablement de plusieurs années. Dans cet article, il est plus question de quickwin, pouvant être déployés sur un calendrier beaucoup plus court, et pour des couts plus réduits.

          • Effectivement, les délais seront surement trop long pour le conflit actuel en Mer Rouge. Vous serait-il possible d’en parler plus précisément dans un prochain article ?

          • Je n’ai pas précisément plus d’infos que cela, à ce sujet. Mais si des informations venaient à sortir sur le sujet, je n’y manquerai pas. Ceci dit, rien n’indique que cela soit dans les tuyaux aujourd’hui.

  2. Quelle est l’intérêt d’équiper un bâtiment en LMP si c’est pour lui laisser à demeure 4 modules mistral ?
    Le jour ou les autres besoins (leurres, MMP, roquettes de 70 mm, charges de profondeurs )se feront sentir , combien de dizaines de minutes seront nécessaires pour remplacer un module ?
    Y aura t’il des espaces de stockage de modules de réserve prévus ?
    Les lanceurs mistral doubles ou sadral ne sont ils pas équivalents au LMP pour l’antiaérien ?
    Ne serait il pas temps de faire une commande grouppée de 50 Rapid Fire livrables sur 5 à 7 ans pour faire des économies d’échelle ? 8 sur pétroliers ravitailleurs , 2 sur PA, 13 sur frégates, 10 sur patrouilleurs , 2 à l’ile Longue …

    • Précisément, la modularité du LMP permet d’en adapter sa charge à la menace immédiate. Vous avez besoin de durcir le CIWS, vous pouvez aller jusqu’à 16 Mistral. Vous anticipez des drones navals ? Vous pouvez mettre un module Akeron et un module de roquettes de 70 mm, ainsi qu’un module lance-fumigènes. C’est assez brillant comme système.
      Les Rapid Fire sont déjà prévus pour les trois BRF (pétroliers ravitailleurs), les dix patrouilleurs hauturiers et les six GBGM (guerre des mines). Il est vrai qu’en ajouter aux quinze frégates de premier rang, aux trois PHA et au PAN, serait certainement bienvenue.

    • Un Oto-Melara de 76 mm et un Rapid Fire, ce n’est pas la même empreinte au sol, ni la meme profondeur. On ne peut pas comparer les deux. Par contre, en effet, le Strales et l’obus DART sont très efficace. En revanche, il souffre d’une limite de tir, qui ne peut évoluer que par l’augmentation du nombre de pièces.

  3. De même le MISTRAL 3 peut être utilisé contre les petits navire vu qu’il a neutraliser un char AMX-30 au cours d’un test il y a plus de une décennie, donc pas besoin d’AKERON ou de roquettes de 70mm pour le LMP mais que du MISTRAL 3 en quantité massive.

    • Jamais entendu parler d’un tir de Mistral contre un AMX-30. Et je vois mal comment ce missile pourrait percer un char, vue sa tête militaire conçue pour lancer des billes de tungstène pour créer un cône de destruction. C’est l’équivalent d’une volée de 12,7, et ca ne peut pas percer un char. Il peut être employé contre des véhicules non blindés, éventuellement contre des navires, mais son autodirecteur n’est pas vraiment fait pour, sur un tir tendu en mer formée. Je ne parierai pas dessus. L’Akheron, lui, commence par prendre de l’altitude, ce qui lui confère une vision bien plus claire de la cible.

RESEAUX SOCIAUX

Derniers Articles