L’US Navy s’inquiète du trop faible nombre de missiles à bord de ses destroyers…

L’US Navy met en œuvre, aujourd’hui, la plus importante flotte de croiseurs et destroyers de la planète, et la mieux armée. Elle aligne, ainsi, 84 croiseurs et destroyers, des navires de 9 000 à 10 000 tonnes armés de 90 à 96 silos de lancement verticaux, soit plus de la moitié de l’ensemble des silos verticaux dans le monde.

Alors que les spécialistes européens se plaignent régulièrement de voir leurs navires armés de seulement 16 ou 32 silos, on pouvait penser que l’US Navy était relativement confiante, dans la puissance de feu disponible de ses navires d’escorte.

Pourtant, c’est bien elle qui vient d’accélérer le développement d’un canon à micro-onde conçu pour protéger ses destroyers à l’avenir, craignant que ses navires soient sous-armés pour répondre à ce type de menace, face à l’arrivée des drones d’attaque navals, et des missiles balistiques antinavires, comme ceux mis en œuvre par les Houthis en mer Rouge.

96 silos verticaux à bord des destroyers Arleigh Burke de l’US Navy

Bien souvent, l’US Navy a été en avance sur ses homologues européennes, dans le domaine des technologies de combat naval. Ce fut notamment le cas dans le domaine de la défense antiaérienne, avec l’arrivée simultanée du radar SPY-1, du missile SM-2 et du système AEGIS, conçus pour répondre aux attaques de saturation pouvant être lancées par l’aviation navale soviétique contre les flottes de l’OTAN, durant la guerre froide.

US Navy SM-2 Arleigh Burke destroyer
Les destroyers Arleigh Burke dispose de 90 à 96 silos verticaux

Pour la première fois, un croiseur, la classe Ticonderoga, plus tard un destroyer, la classe Arleigh Burke, étaient en capacité de traiter simultanément de nombreuses cibles aériennes, sans devoir dédier un radar de pointage à une cible unique.

Au fil des années, cette technologie s’est répandue, en Europe et ailleurs. Toutefois, l’US Navy a longtemps conservé les navires les plus performants dans le domaine antiaérien, associant des coques imposantes, des technologies efficaces, et une « profondeur de magasin », le nombre de missiles embarqués, inégalée, à l’exception des Kirov russes dotés de systèmes plus nombreux, mais antiques.

Tout au moins, jusqu’à l’arrivée des destroyers lourds des classes Kongo japonaises, Sejong the Great sud-coréennes et Type 055 chinoises, qui font aujourd’hui jeu égal, avec ses navires.

Ainsi, aujourd’hui, les nouveaux destroyers de la classe Arleigh Burke Flight III de l’US Navy, un navire de 155 mètres et d’un tonnage de presque 10 000 tonnes, emportent 96 silos verticaux chargés de missiles antiaériens à longue portée SM-2, de missiles antibalistiques SM-3, de missiles antiaériens à courte et moyenne portée ESSM (par quatre par silo), de missiles polyvalents SM-6 et de missiles de croisière Tomahawk.

À cela s’ajoutent un canon de 127 mm, un système CIWS SeaRAM et un Phalanx, ainsi que deux tubes lance-torpilles triples, en faisant incontestablement l’un des navires les mieux armés du moment, même s’il ne trône plus seul, au sommet de la hiérarchie. Pourtant, l’expérience Houthis en mer Rouge, tend à bousculer cette certitude, au sein de l’US Navy.

La consommation des missiles contre les drones et missiles Houthis inquiète l’US Navy

En dépit de cet arsenal qui fait pâlir d’envie tous les navires européens, l’US Navy estime, désormais, qu’elle pourrait rapidement faire face à de sérieux problèmes, mis en évidence par les retours d’expérience des engagements en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, face aux missiles et drones Houthis. Ses derniers pourraient ne pas avoir assez de munitions.

drone Houthis
Les drones Houthis ne sont pas des cibles difficiles à intercepter. Mais ils font concommer beaucoup de munitions aux escorteurs occidentaux.

En effet, celle-ci produit d’importants efforts, pour pallier ce qu’elle considère comme une profondeur de magasin trop limitée de ses destroyers, face à une menace qui évolue rapidement, d’un côté, vers les drones d’attaque, et de l’autre, vers les missiles antinavires balistiques.

Ses destroyers, comme les escorteurs alliés déployés en mer Rouge pour protéger le trafic naval commercial, doivent, en effet, très souvent employer leurs précieux missiles SM-2 ou ESSM, pour intercepter ces drones et missiles Houthis.

Or, si le taux d’échange économique reste positif ou neutre, lorsqu’il s’agit d’intercepter un missile de croisière ou un missile balistique antinavire, limitant de fait, dans la durée, la menace adverse, ce n’est pas le cas des drones, beaucoup plus économiques à produire.

De fait, malgré des moyens beaucoup plus faibles, les Houthis parviennent, avec l’aide de l’Iran, à produire beaucoup de ces drones, qui vident autant le magasin de ses destroyers, que les missiles plus onéreux, au point qu’ils doivent réduire la durée de leur mission, pour recharger leurs silos, tout en engendrant des surcouts importants au budget de l’US Navy, comme pour les marines alliées, sans que cela épuise, au même niveau, les moyens Houthis.

SM-6
L’US Navy a communiqué sur l’interception reussie de missiles balstiques antinavires Houthis à l’aide de missiles Sm-6

Surtout, ce constat implique qu’arrivera probablement un moment, où l’adversaire sera en mesure d’envoyer simultanément un grand nombre de ces drones, pour saturer les défenses et vider le magasin du destroyer.

Même si cette tentative échouait, le navire serait alors à la merci d’une attaque employant des moyens plus lourds, plus onéreux, et beaucoup plus destructeurs, comme les missiles de croisière et missiles balistique antinavires, pour en venir à bout.

Un canon à micro-onde pour 2026 pour traiter la menace des drones

La solution la plus simple, et la plus rapide, pour répondre à ce type de menace, serait de renforcer l’artillerie navale des navires. Toutefois, la Marine américaine n’est pas très efficace dans la simplicité. Elle s’est donc engagée dans le développement de plusieurs armes à énergie dirigée, des laser à haute énergie, d’une part, des canons à micro-onde, de l’autre.

Bien plus complexes, et infiniment plus onéreux à concevoir, ces systèmes ont, toutefois, des atouts exclusifs. Ainsi, l’un comme l’autre, ne nécessitent aucune notion de munition : tant que le navire peut produire de l’énergie électrique en quantité suffisante, il est en mesure d’alimenter ces systèmes, et donc, théoriquement, de faire feu.

canon à micro-onde Leonidas Epirus
La société Leonidas avait proposé à l’US Navy une version de son canon à micro-ondes Leonidas à bord de ses unités navales.

Ils constituent, également, une solution face aux attaques de saturation. Le laser peut ainsi traiter rapidement de nombreuses cibles, alors que le canon à micro-onde, pour sa part, peut éliminer tous les systèmes électroniques présents dans un espace aérien visé.

Si le programme visant à équiper les navires de l’US Navy d’un laser à haute énergie est bien connu, celui visant à y placer un canon à micro-onde est, pour sa part, plus confidentiel. Pourtant, dans son budget 2025 en cours de négociation, l’US Navy prévoit précisément de financer le développement d’une solution de ce type, qui doit entamer une campagne d’essai dès 2026.

Les missiles balistiques antinavires, une menace difficile à maitriser, qui va rapidement se globaliser

Comme rapporté par le site américain The War Zone, l’effort produit par l’US Navy dans ces deux domaines, vise avant tout à traiter la menace posée par la prolifération des drones, et plus spécialement, des drones d’attaque et munitions rôdeuses, employés massivement au Yémen.

Toutefois, une nouvelle inquiétude est venue s’ajouter, ces dernières semaines, dans sa planification technologique. En effet, l’utilisation régulière de missiles balistiques antinavires, par les rebelles Houthis, constitue un enjeu de taille pour les navires d’escorte occidentaux, dont seul un petit nombre est en mesure d’assurer une protection face à cette nouvelle menace.

frégate alsace Aster 30 missiles balstiques Houthis
Il y a quelques jours, la frégate antiaérienne française Alsace a intercepté simultanément 3 mssiles balistiques antinavires Houthis à l’aide de missiles Aster 30.

En outre, si les drones d’attaque et les missiles antinavires, y compris balistiques, ont atteint le Yémen, un pays pourtant particulièrement pauvre, grâce au soutien de l’Iran, on peut s’attendre à ce que ces technologies et doctrines se répandent rapidement, comme ce sera le cas, incontestablement, des drones d’attaque de surface mis en œuvre en Ukraine.

En effet, l’Iran, mais aussi la Russie et la Corée du Nord, ont certainement tout intérêt à multiplier les points de contestation similaires, en particulier contre les marines occidentales, pour accroitre leur dispersion, leurs risques et leur consommation de munitions, de sorte à faire baisser la pression qu’elles font peser contre ces pays.

Conclusion

De toute évidence, l’US Navy anticipe, à sa manière, une rapide évolution dans le domaine du combat naval, engendrée par l’arrivée massive des drones d’attaque aériens et de surface, mais aussi, par la globalisation de la technologie des missiles balistiques antinavires.

Comme souvent, elle a mis la barre très haut, en visant directement à se doter d’armes à énergie dirigée, laser à haute énergie et canon à micro-onde, dans le but de leur déléguer en grande partie la destruction de ces drones au potentiel de saturation élevé, pour concentrer l’usage son magasin de missiles difficilement extensible, contre des cibles à plus haut potentiel, comme les missiles de croisière et balistiques antinavires.

FDI amiral Ronarc'h
Plus que jamais, le retex en mer Rouge interroge sur la pertinence d’armer les frégates de la classe Amiral Ronarch françaises de seulement 2 VLS Sylver 50 pour 16 mssiles Aster 15/30.

Si le choix des armées à énergie dirigée par l’US Navy, plutôt que de l’artillerie navale, peut être soumis à débat, le constat de la transformation de la menace, nécessitant une transformation radicale des capacités d’interception des navires d’escorte, est difficilement contestable, tout comme son calendrier, mis en évidence par l’urgence des programmes américains.

Il sera certainement indispensable aux marines européennes de suivre la même voie, si pas technologique, en tout cas doctrinale, pour ne pas se retrouver, tout simplement, exclues de nombreux théâtres d’intervention navale, par manque de puissance de feu adaptée, en systèmes lowcosts contre les drones, mais aussi en missiles à hautes performances contre les missiles balistiques, pour répondre à la réalité de la menace.

Article du 2 avril en version intégrale jusqu’au 11 mai 2024

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