La Marine néerlandaise aura des frégates de défense aérienne redoutables dès 2034.

La Marine néerlandaise a présenté, il y a peu, les premières caractéristiques concernant les futures frégates de défense aériennes qui remplaceront, au début de la prochaine décennies, les quatre frégates de la classe De Zeven Provinciën.

Particulièrement bien armées et équipées, ces navires promettent de se révéler des escorteurs très effectifs, tout en prenant compte des enseignements récents dans ce domaine, notamment au sujet de la menace des drones en mer Rouge. Tout comme le seront, d’ailleurs, les futurs navires d’assaut amphibies néerlandais, présentés à cette même occasion.

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La reconstruction des Armées néerlandaises menées tambours battants depuis 2017

La plupart des pays européens ont pris conscience de la réalité de la menace que représentait l’évolution des capacités militaires russes, associée au durcissement du régime de Moscou, à partir de février 2022, et l’entame de l’Opération Spéciale Militaire russe contre l’Ukraine, telle que cyniquement présentée par le Kremlin.

F-35A forces aériennes néerlandaises
Initialement portant sur 37 avions, la commande de F-35A pour les forces aériennes néerlandaises a été amenée à 52 avions de chasse depuis, pour repondre à l’augmentation de la pression opérationelle.

Ce n’a pas été le cas de La Haye. En effet, dès 2017, suite au traumatisme du vol MH17 abattu par un missile Buk russe au-dessus de l’Ukraine, les autorités néerlandaises ont entrepris d’accroitre significativement leur effort de défense.

Celui-ci est ainsi passé de 1,16% du PIB et 9 Md€ en 2017, à presque 23 Md€ pour plus de 2 % du PIB en 2024, en visant les 31 Md€ et presque 2,5 % du PIB, en 2030, loin devant l’ensemble des autres pays d’Europe occidentale, dans ce domaine.

Dans un premier temps, ces ressources ont été employées pour financer certains programmes clés, comme le remplacement des F-16 par des F-35A américain, passant au passage d’un objectif de flotte de 37 appareils initialement visée, à 52 avions américains désormais.

Dans le domaine naval, La Haye s’est engagée, dès 2019, dans le développement conjoint, avec la Belgique, de 12 grands navires de guerre des mines, six par pays, pour remplacer les chasseurs de mines Tripartite.

Chasseur de mines tripartite marine nationale
Bâtiment de Surface, Chasseur de Mines Tripartites, CMT, Croix du Sud M646, Manoeuvrier, Mission Gap 09

Confié au Belge OCA, associé au français Naval Group, ce programme a été rejoint, depuis, par la France, dans une redite du très réussi programme Tripartie ayant permis la construction de 35 chasseurs de mines de 1981 à 1989, 10 pour la France et la Belgique, et 15 pour les Pays-Bas.

Concomitamment, la Haye et Bruxelles lancèrent la conception et la construction d’une nouvelle classe de frégates de lutte anti-sous-marine, dont deux exemplaires seront livrées à chaque Marines. Confiée au Néerlandais Damen, la construction des navires débutera en 2025, pour des livraisons entre 2028 et 2030.

Depuis, les annonces du ministère de la Défense néerlandais se sont multipliées, dans tous les domaines, avec des missiles de croisière américains, des hélicoptères Caracal français, ou encore des blindés suédois. La dernière annonce date a fait grand bruit, lorsque La Haye a choisi Naval Group pour concevoir et construire les quatre sous-marins qui remplaceront les Walrus actuellement en service.

Les futures frégates de défense aérienne néerlandaises présentées aux parlementaires

Le remplacement des quatre frégates de défense antiaérienne de la classe De Zeven Provinciën, a également été lancé. Entrés en service de 2002 à 2005, ces navires devront quitter la ligne lors de la prochaine décennie, et doivent donc être conçus dès à présent.

Marine néerlandaise frégate De seven provincien
Les nouvelles frégates neérlandaises remplaceront à partir de 2034, les frégates de la classe De Zeven provincien entrés en service de 2002 à 2005.

Les caractéristiques générales de ces nouveaux navires, ont été présentées aux parlementaires néerlandais, il y a peu, permettant de se faire une idée des performances attendues de ces frégates.

Le fait est, si, avec 40 silos verticaux pour 32 SM-2 et 32 ESSM, ainsi que 8 missiles Harpoon, un canon de 127 mm et 2 CIWS de 30 mm Goalkeeper, les frégates de défense antiaérienne de la classe De Zeven Provinciën, des navires de 144 mètres et 6000 tonnes, n’avaient déjà que peu à envier aux autres grandes frégates et destroyers européens, les nouveaux navires seront un cran au-dessus. Et, quel cran !

Selon les visuels présentés et les commentaires des officiels de la Koninklijke Marine, la Marine Royale Néerlandaise, ces frégates emporteront, en effet, le double de silos verticaux, soit 10 systèmes VLS pour 80 silos, les mettant à un niveau proche des destroyers américains de la classe A. Burke, avec 96 silos.

Ces silos pourront mettre en œuvre des missiles surface-air de différents types, ainsi que les missiles de croisière Tomahawk et les nouveaux missiles antinavires commandés par La Haye.

frégate de défense aérienne pays-bas
concept présenté concernant les futures frégates de défense aérienne de la Marine néerlandaise.

Elles conserveront le canon de 127 mm, mais celui-ci sera abondé par un second canon de 76 mm. Les CIWS Goalkeeper, eux, seront remplacés par un système RIM-116 RAM, ainsi qu’au moins deux CIWS de 40 mm. De toute évidence, la Marine néerlandaise partage l’analyse publiée, il y a peu, sur ce site, concernant l’intérêt de se doter de CIWS de plus gros calibre, et de les associer à des missiles à courte portée.

En termes de senseurs, les nouvelles frégates recevront le couple formé par le radar 3D SMART-L et le radar de guidage APAR 2, dans leurs versions évoluées respectives. Conçus l’un et l’autre par Thales Netherlands, ces systèmes se sont montrés très efficaces à bord de nombreuses frégates européennes, dont les quatre De Zeven Provinciën devant être remplacées.

Les autres aspects des nouvelles frégates néerlandaises, qui mériteraient le statut de destroyers antiaériens, comme la longueur, le tonnage, l’équipage, les capacités et senseurs secondaires, et le prix, n’ont pas été divulgués pour l’heure. Il serait toutefois très surprenant que ces navires fassent moins de 150 mètres et 8 000 tonnes, probablement plus.

De nouveaux navires d’assaut aéro-amphibies pour la Marine néerlandaise

Simultanément à la présentation des premières caractéristiques des futures frégates de défense aérienne, la Koninklijke Marine a également dévoilé aux parlementaires néerlandais, les caractéristiques initiales des futurs bâtiments d’assaut aéro-amphibie, qui devront remplacer le LHD de la classe Rotterdam et celui de la classe Johan de Witt.

LHD leger de la marine néerlandaise
les futurs LHD de la Marine néerlandaise pourraient non seulement rempalcer les deux LPD actuels, mais aussi les quatres OPV en service.

Notons qu’il est aussi possible que ces LHD soient sélectionnés pour remplacer les quatre patrouilleurs de haute mer de la classe Holland, employés massivement outre-mer. Cette possibilité influence notamment l’équipage particulièrement réduit du navire, donné pour n’être que de 60 à 70 membres.

Plus conceptuelle que concernant les frégates, la présentation de ces navires a mis l’accent sur leur utilisation, en particulier sur la possibilité qu’ils auront, de mettre en œuvre des drones à aile fixe, à l’aide d’un pont d’envol droit de 150 mètres, en plus des hélicoptères d’assaut et d’attaque.

La doctrine d’assaut amphibie a également été détaillée. Pour la Koninklijke Marine, il n’est plus question, aujourd’hui, d’imaginer des assauts amphibies massifs, avec des rotations rapides de la batellerie pour soutenir l’action. Les barges de débarquement devront, alors, être plus compacts et plus rapides, pour soutenir l’action des hélicoptères, dans ce qui s’apparente bien davantage à des actions commando ponctuelles, qu’à un assaut amphibie.

En revanche, contrairement à la Royal Navy, avec qui la coopération était envisagé dans ce programme, la Marine néerlandaise n’envisage pas de doter ses LHD d’un armement renforcé, en dehors d’un CIWS RAM et d’un canon à l’avant du navire. La sécurité du, ou des navires, reposera donc sur la présence de navires d’escorte, comme c’est le cas, par exemple, des LHD de la classer Mistral, de la Marine nationale française.

Pourquoi la France a-t-elle intérêt à rejoindre le programme de frégates antiaériennes néerlandaises ?

Si la vision développée par la Koninklijke Marine, concernant le transfert de la fonction OPV vers des porte-hélicoptères d’assaut de petites dimensions, mériterait un regard attentif de la Marine nationale, particulièrement exposée dans ce domaine, c’est surtout le programme de frégates antiaériennes néerlandaises, qui aurait un intérêt immédiat, pour la Marine nationale, les industriels français, et la France.

frégate Alsace
Bien qu’elle ait démontré son efficacité en mer Rouge, la frégate Alsace, comme son sistership, la Lorraine, souffre d’un magasin de missiles Aster trop limité, à 32 missiles.

Rappelons, en premier lieu, que la Marine Nationale soutient, depuis de nombreuses années, qu’un format à 6 frégates antiaériennes, et non quatre comme prévu par la LPM 2024-2030, était nécessaire pour remplir pleinement son contrat opérationnel.

En outre, elle dispose effectivement de deux frégates antiaérienne lourde, les Forbin et Chevalier Paul, armés de 48 missiles Aster, mais les deux FREMM DA de la classe Alsace, n’emportent que 32 missiles Aster, ce qui peut rapidement s’avérer trop peu, dans un contexte de haute intensité, même si le navire a montré toute son efficacité en mer Rouge.

Dans ce contexte, se rattacher au programme néerlandais, pourrait avoir un intérêt évident pour la Marine nationale, qui disposerait enfin des 6 frégates antiaériennes, deux lourds à 80 missiles, deux moyennes à 48 missiles, et deux légères, à 32 missiles, permettant de s’adapter à un vaste panel de scénarios.

Les intérêts industriels seraient aussi très importants. Le premier d’entre-eux, serait évidemment de sécuriser le programme de sous-marins Backsword Barracuda de Naval Group pour la Koninklijke Marine, que l’on sait encore fragile politiquement, face à l’ire de Damen.

En outre, en rejoignant le programme pour deux frégates, Paris pourrait inciter La Haye à choisir la gamme de missiles MBDA, Aster 15/30 et MICA VL NG ou CAMM, plutôt que les SM-2, SM-6 et ESSM américains. Enfin, il serait possible d’envisager l’installation du radar SeaFire et du CIWS RapidFire à bord des navires.

Frégate Alsace missile Aster
Le missile Aster a montré une très grande efficacité contre les missiles de croisière, les drones et les missiles balistiques Houthis en mer Rouge.

Non seulement, dans une telle hypothèse, les équilibres industriels face aux investissements nationaux, seraient conservés, tout en réduisant l’enveloppe globale de R&D au niveau européen, mais un tel accord serait largement en faveur de l’européanisation des approvisionnements des armées européennes, plutôt que de s’en remettre aux systèmes d’arme américains.

Notons enfin que les chances de trouver des débouchés export pour ces grands navires antiaériens, sont faibles. Ainsi, ni les frégates Horizons franco-italiennes, ni les Type 45 britanniques, et pas davantage les Sejong le Grand sud-coréens ou les Arleigh Burke américains, n’ont jamais été exportés.

Conclusion

On le voit, l’évolution et la modernisation de la Marine néerlandaise, sont intéressantes à plus d’un titre, y compris pour la France et la Marine nationale. Ces nouveaux navires promettent, en effet, de répondre de manière satisfaisante à l’évolution rapide des besoins de protection contre l’ensemble des menaces aériennes, missiles, aéronefs et drones.

Un rapprochement volontaire de la France vers ce programme, renforcerait la coopération industrielle et militaire entre les deux pays, tout en effectuant des économies significatives en matière de R&D, en sécurisant un programme stratégique, et en traitant une faiblesse bien connue de la Marine nationale dans ce domaine.

Même si cela peut apparaitre contre-intuitif de prime abord, une telle coopération qu’il faut, parfois, accepter de perdre un peu pour, au final, gagner beaucoup, et dans de nombreux domaines.

Article du 11 avril en version intégrale jusqu’au 25 mai

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