Avec la guerre en Ukraine, et le retour des tensions nucléaires dans le Pacifique entre les États-Unis et la Chine, les menaces stratégiques ont fait leur grand retour sur la scène mondiale, depuis quelques années, après avoir presque disparu des esprits pendant plus de 20 ans.
Plus que jamais, les nations occidentales dotées d’une dissuasion, et en particulier les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, ont entrepris de moderniser, voire d’étendre leur dissuasion, avec des programmes comme le bombardier B-21 et le Rafale F5, les sous-marins Columbia, Dreadnought et SNLE 3G, ou le missile ICBM Sentinel.
Il en va, bien évidemment, de même côté chinois et russe, avec l’arrivée de nouveaux missiles comme le RS-28 Satan 2, le DF-41 et l’Oreshnik, de nouveaux sous-marins avec les Boreï et le Type 09VI, et celle, annoncée, mais encore imprécise, de nouveaux bombardiers, avec le H-20 et le PAK-DA.
Toutefois, ces dernières années, sont également apparues de nouvelles menaces, appartenant, elles aussi, à la sphère stratégique, mais dont l’utilisation serait susceptible de demeurer sous le seuil nucléaire. Ces menaces, parfois pas si nouvelles que ça, représentent à présent un enjeu sécuritaire et stratégique, ainsi qu’un nouvel espace de conflit, en particulier en Europe, alors qu’aucun de ses pays n’est effectivement prêt à y faire face.
Sommaire
Des frappes stratégiques de la Seconde Guerre mondiale à la dissuasion nucléaire de la guerre froide, l’évolution des menaces stratégiques ces 90 dernières années
La notion de frappe stratégique, qui consiste à viser des moyens non militaires de l’adversaire pour obtenir un avantage majeur sur le plan militaire ou politique, est relativement récente.
Du Blitz aux bombardements stratégiques alliés contre l’Axe
Si, pendant la Première Guerre mondiale, certaines missions de bombardement à longue portée, ancêtres des frappes stratégiques, ont été menées notamment par l’Allemagne, contre des villes françaises, d’abord à l’aide de dirigeables Zeppelin, puis des premiers véritables bombardiers, le premier exemple de frappe stratégique, conçue en tant que tel, a été le blitz allemand contre les villes britanniques, de septembre 1940 à mai 1941.
Le chancelier allemand, Adolf Hitler, et le chef de la Luftwaffe, Hermann Göring, ont lancé une série de bombardements stratégiques sur plusieurs villes anglaises, avec pour objectif de faire plier la résistance d’un Winston Churchill faisant face à une population éprouvée et démoralisée par ces destructions successives.
En dépit des 43,000 morts et 90,000 blessés graves que ces bombardements firent au sein de la population britannique, le Blitz fut un cuisant échec pour la Luftwaffe. Non seulement la résistance britannique n’était pas érodée, mais l’opinion publique faisait plus que jamais bloc avec son premier ministre, face à l’Allemagne nazie. Pire, la Luftwaffe perdit presque 900 avions lors de ces missions, ainsi que leurs inestimables équipages, sans qu’elle puisse jamais vraiment se remettre de ces pertes, après cela.
L’échec du Blitz n’empêcha pas britanniques et américains de recourir à la même stratégie, contre l’Allemagne, mais aussi contre le Japon, l’Italie et certains pays occupés, de jour (pour les américains) et de nuit (pour les britanniques), jusqu’à la toute fin du conflit mondial. La Royal Air force et l’US Air Force avaient alors deux commandants fervents défenseurs de cette stratégie, en la personne de l’Air Marshal Arthur Harris, surnommé Bomber Harris, et du général Curtiss LeMay.
Si ces campagnes de bombardement, aussi massives que couteuses, en aéronefs comme en vies humaines, jouèrent un rôle dans l’affaiblissement des capacités industrielles de l’axe, jamais, elles ne parvinrent à arrêter la production d’avions, de chars, de canons ou de sous-marins, ni à faire fléchir la résistance des belligérants, en dépit des 600,000 tués en Allemagne, 500,00 au Japon et 100,000 en Italie.
La campagne de bombardement des grandes villes japonaises, du mois d’avril au début du mois de juin 1945, ne fit pas, non plus, vaciller la résistance nippones. Toutefois, les deux bombes nucléaires américaines sur Hiroshima, le 6 aout, puis sur Nagasaki, trois jours plus tard, amenèrent Tokyo à capituler sans condition, dans un contexte stratégique, il est vrai, très dégradé, avec la Mandchourie subissant l’attaque des divisions soviétiques, et les armées impériales laissées exsangues après la bataille d’Okinawa.
De Hiroshima à la destruction mutuelle assurée, et l’équilibre des dissuasions
En quelques jours seulement, l’arme nucléaire venait de redéfinir la notion de frappe stratégique, capable d’obtenir la reddition d’une grande puissance militaire n’en étant pas dotée.
À ce moment-là, les États-Unis avaient la certitude que l’Union Soviétique ne pourrait pas se doter de la bombe à fission avant les années 70. Ainsi, Washington démantela rapidement une grande partie de son arsenal militaire conventionnel, afin de ne se doter que de bombardiers stratégiques, certains qu’ils étaient, alors, d’avoir l’arme suprême, leur donnant une puissance inégalée pour les trois décennies à venir.
Quatre ans plus tard, seulement, l’Union soviétique faisait exploser sa première bombe A. S’ouvrit alors une nouvelle réalité, en matière de frappes stratégiques, Washington comme Moscou disposant tous deux de la capacité de détruire plusieurs fois l’adversaire. Dès lors, le pinacle de la frappe stratégique était ramené à une posture de non-emploi, avec l’apparition du concept de dissuasion, et de celui de destruction mutuelle assurée.
Depuis, si des frappes de type stratégique conventionnelle ont parfois été employées, notamment par les États-Unis au Vietnam, cette composante de l’arsenal militaire fut le plus souvent assimilée à la seule dissuasion nucléaire.
4 menaces stratégiques sous le seuil nucléaire contre lesquelles les européens sont peu ou pas préparés
Si la frappe stratégique avait été presque absente ces 50 dernières années, elle a refait son apparition avec le conflit en Ukraine, en particulier avec l’utilisation de drones d’attaque à longue portée, employés par la Russie, mais aussi par l’Ukraine, tout en restant sous le seuil nucléaire, même lorsque des infrastructures industrielles critiques russes ont été touchées.
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