vendredi, septembre 5, 2025

1100 Md€ d’ici 2032 : les industriels américains de Défense s’adaptent pour ne pas rater le marché européen en mutation !

Au sortir de la rencontre des ministres de la Défense de l’OTAN du 5 juin, une idée semble s’imposer comme une évidence dans le débat stratégique européen : face à l’évolution de la menace, à l’attrition capacitaire accélérée par l’aide à l’Ukraine, et à la prise de distance progressive des États-Unis vis-à-vis du théâtre européen, une augmentation massive des budgets de défense s’impose désormais comme un passage obligé.

Face à cette nécessité qui ne peut plus, à présent, être ignorée des dirigeants européens, et aux menaces explicites de Donald Trump de retrait du bouclier stratégique américain pour les pays qui ne paieraient pas “leur dû”, un consensus budgétaire émerge autour d’un objectif à 3,5 % du PIB, voire 5 % pour certains États.

De la Norvège à la Bulgarie, de la Finlande à l’Allemagne, en passant par les Pays-Bas ou l’Italie, les annonces se sont enchainées, ces derniers jours, dessinant une trajectoire de réarmement sans précédent depuis la guerre froide. Seule l’Espagne tente encore de faire entendre une voix divergente, mais son isolement croissant rend cette posture difficilement tenable à moyen terme.

Au-delà de la dimension militaire, c’est surtout le marché industriel ainsi ouvert qui attire les regards. Avec plus de 1 100 Md€ d’investissements industriels prévus pour ses armées entre 2026 et 2032, l’Europe devient l’un des premiers marchés mondiaux pour l’armement, à hauteur de 75 % du volume américain sur la même période. Pour les industriels du secteur, cette perspective constitue une opportunité historique — et, pour les puissances extérieures, un enjeu stratégique majeur.

Mais à mesure que les partenariats se multiplient, souvent sous forme de coentreprises entre industriels européens et groupes étrangers, une question centrale émerge : cette dynamique sert-elle réellement l’autonomie stratégique européenne ? Ou assiste-t-on à une recomposition industrielle qui, sous couvert de production locale, pourrait aggraver une dépendance technologique déjà bien ancrée ?

Vers un consensus autour de la hausse des budgets de défense pour les armées européennes

Depuis le sommet de l’OTAN de Bruxelles en juin 2025, un constat s’impose peu à peu comme une évidence stratégique sur le Vieux Continent : face aux menaces grandissantes, à l’épuisement des stocks, aux exigences de réassurance et aux impératifs de souveraineté, une augmentation massive et coordonnée des budgets de défense devient inéluctable. Cette dynamique, amorcée dès 2022 après l’agression russe contre l’Ukraine, s’est accélérée ces derniers mois, sous l’influence de Donald Trump et de ses menaces, jusqu’à constituer désormais le principal axe de convergence politique entre les capitales européennes.

F-35 Norvégien
les forces aériennes européennes s’appuient à plus de 65% sur des avions de combat américains, concernant sa flotte de chasse.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à travers toute l’Europe, les annonces d’objectifs budgétaires ambitieux s’accumulent. La Norvège, la Finlande, le Danemark et la Bulgarie visent 5 % ou 3,5 % de leur PIB dédié à la défense d’ici 2032, une trajectoire encore récemment jugée irréaliste, y compris dans les cercles stratégiques les plus offensifs. La République tchèque, les Pays-Bas, l’Italie, la Roumanie, la Belgique et même le Royaume-Uni ont tous rejoint ce mouvement, avec des cibles comprises entre 3,5 % et 5 %, assorties de calendriers volontaristes.

L’Allemagne, historiquement prudente en la matière, a elle aussi laissé entendre par la voix de son ministre Boris Pistorius une possible adhésion à cette norme, marquant une rupture spectaculaire avec ses orientations passées. En France, le cap des 2 % est désormais dépassé, et l’objectif de 3,5 % est implicitement évoqué dans les scénarios de programmation à l’horizon 2032-35 à l’étude, en dépit des difficultés budgétaires.

Dans ce contexte, la seule dissonance notable provient de Madrid. Le gouvernement espagnol persiste à défendre une ligne plus modérée, refusant d’entériner l’objectif de 3,5 % du PIB, et mettant en avant la nécessité d’un équilibre budgétaire national. Pourtant, cette posture devient chaque jour plus difficile à tenir, à mesure que l’ensemble de ses voisins s’engagent sur la voie de la remilitarisation. En effet, que ce soit au nord avec la Norvège, à l’ouest avec le Portugal, ou au sud avec les membres de l’OTAN déployés en Méditerranée, l’alignement sur les nouveaux standards financiers devient la norme, et impose de facto une pression politique, économique et stratégique croissante sur Madrid.

À y regarder de plus près, la position espagnole pourrait rapidement devenir intenable. D’une part, l’Espagne est structurellement insérée dans les dynamiques industrielles et opérationnelles de l’OTAN, avec des participations dans plusieurs programmes européens ou transatlantiques, comme l’A400M ou les sous-marins S-80. Le pays accueille également une base navale américaine de premier plan en Méditerranée, Rota, que Washington n’hésitera pas à retirer si Madrid persistait, grevant considérablement l’économie de l’ensemble de la région.

La dissuasion, la projection maritime, le renseignement spatial, la cybersécurité ou encore les chaînes logistiques critiques sont, dans leur grande majorité, dépendants d’une intégration étroite aux standards et aux réseaux otaniens. Quitter cette matrice reviendrait à un désarmement stratégique unilatéral, dans un contexte de plus en plus dangereux.

Pedro Sanchez
Le PM espaagnol a rejeté l’objectif de 3,5% de l’OTAN pour 2032. Mais le chef d’état pourrait se retrouver très isolé, au sein de l’OTAN et de l’UE, par cette position.

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5 Commentaires

  1. Je suis toujours étonné le la justesse et de la précisions des arguments développés ici sur la souveraineté européenne en trompe l’oeil dans le domaine de l’armement, souveraineté artificielle que je ressens plus globalement en prenant connaissance des marchés de la BITDE.
    L’esprit « marchand » séculaire inhérent à la culture germanique, est l’un des principaux facteurs présidant à leur politique industrielle adoubée par leur démocratie et le gouvernement.
    Tant que la chute n’est pas imminente (perte de sils considèrent avoir le temps.

  2. Article très intéressant, merci. Je crois malheureusement que la France est tout à fait singulière en Europe et on le doit à la volonté farouche du Général De Gaule et à l’oppinion qu’il se faisait de la souveraineté nationale. Les allemands perçoivent leur souveraineté à l’aune de leur permorfance industrielle export. Le marché de la défense constitue une opportunité à ne pas loupé, et c’est tout. D’ailleurs ils se positionnent sur les segments hors concurrence américaine c’est à dire là où ils maximisent leurs marges et leurs chances de gagner. Et tant pis s’ils sapent la souveraineté européenne qui est le cadet de leurs soucis et tant mieux s’ils peuvent piquer des parts de marché à leurs petits Kammarden français en particulier. Marché automobile, abandon du nucléaire, gaz russe, ouverture des frontières aux flux migratoires, etc.. Le moins que nous puissions leur dire c’est qu’ils ont la vue courte, mais ils représentent la normalité. En termes de souveraineté, le cas d’exeption dans cette Europe, c’est la France. La grande question pour moi c’est qu’est-ce qu’on fait encore dans des projets comme le SCAF ?! Comme présenté dans une de vos articles récent, nous aurions plus intérêt à porter notre regard vers l’Inde et le moyen Orient et à jouer cavalier seul vis à vis de l’Europe, comme nous avons su le faire avec le programme Rafale.

    • Tout a fait d’accord , meme si la france , les uk et les autres auront disparu dans le classement du PIB dans les années 2050, l’allemagne sera pas loin de la 10eme place,donc un gros recul par rapport a aujourd’hui , les peuples européens prisonniers de leur histoire n’auront jamais vraiment compris l’interet d une europe unie

  3. Mille merci pour cet article passionnant , oui, effectivement c’est aujourd’hui et plus que jamais que nous devons faire les bons choix et choisir les meilleurs partenaires ou à défaut faire les efforts nécessaires dans une période budgétaire difficile.
    Parfois il y a des desseins plus grands que nous qui nécessitent des sacrifices et beaucoup d’efforts .
    On peut se demander ce que dirait le grand homme de la période que nous vivons ; nous en avons tous une petite idée..

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