Les clichés récents du chasseur furtif J-50, les révélations autour du char moyen T-100 ou encore la présentation du système antibalistique HQ-29 traduisent une réalité difficile à ignorer : la Chine ne se contente plus de combler ses retards, elle cherche désormais à imposer son propre rythme à la compétition technologique défense mondiale. Pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis et leurs alliés se trouvent confrontés à un compétiteur capable de contester, dans presque tous les domaines, le leadership technologique qui fondait jusqu’ici leur suprématie opérationnelle.
Cette bascule rappelle un précédent historique : en 1967, le défilé soviétique de Domodedovo avait stupéfié les observateurs occidentaux en révélant le MiG-25, aux cotés du T-64 ou encore du BMP-1 récemment entrés en service. Washington, qui pensait alors avoir assuré une avance définitive grâce à la « century series » de chasseurs et à ses bombardiers stratégiques, découvrait brutalement que l’URSS pouvait rivaliser sur le terrain de la haute technologie militaire. Ce choc stratégique conduira à une réorientation majeure des programmes américains dans les années 1970.
Or, près de soixante ans plus tard, Pékin semble rejouer cette partition. À travers ses nouveaux systèmes terrestres, aériens, navals, spatiaux et antimissiles, l’APL affiche une ambition globale et cohérente : prendre la main sur le tempo technologique de défense, et contraindre Washington à réagir sur son propre calendrier. Reste à savoir si, comme en 1967, les États-Unis sauront transformer ce choc en renaissance, ou si l’ampleur de leurs fragilités actuelles ouvrira la voie à une bascule durable du leadership stratégique vers la Chine ?
Sommaire
Une « surprise stratégique » née à Domodedovo en 1967
Pour comprendre la portée des images du J-50 chinois, il faut revenir à un précédent historique : la « surprise de Domodedovo », en juillet 1967. Ce jour-là, lors du grand défilé aérien organisé près de Moscou, les délégations occidentales découvrirent stupéfaites une série d’aéronefs et de systèmes soviétiques qui semblaient placer l’URSS au même niveau, voire en avance, dans plusieurs domaines technologiques clés. Le MiG-25 Foxbat, les chars T-64, les véhcules de combat d’infanterie BMP, les sous-marins nucléaires d’attaque Viktor ou encore les frégates Krivak signalaient brutalement que l’Union soviétique venait de défier Washington sur son propre terrain : la haute technologie militaire.

Cette quasi-surprise stratégique fut d’autant plus brutale que les États-Unis s’étaient convaincus, au sortir de la guerre de Corée, d’avoir repris définitivement l’avantage technologique. Le MiG-15 avait été surclassé par les F-86 Sabre, et l’Amérique crut que son modèle de développement, reposant sur une « century series » de chasseurs (F-100, F-101, F-102, F-104, F-105) et sur des programmes massifs comme le bombardier B-B-58 Hustler, suffisait à préserver son avance.
Or, nombre de ces appareils s’avérèrent coûteux, fragiles et mal adaptés aux réalités du combat moderne. Le F-105, par exemple, conçu pour la pénétration nucléaire à haute vitesse, se révéla vulnérable au Vietnam face à la DCA et aux MiG-21 ; le F-104, pensé comme intercepteur de haute altitude, souffrit d’accidents catastrophiques en Europe, alors que ses résultats opérationnels en Asie du Sud_est furent si catastrophiques, qu’ils fut retiré du théâtre après une seule année.
Cette inefficacité traduisait plusieurs biais profonds : une conception américano-centrée de la puissance aérienne, qui projetait les besoins américains sans tenir compte de l’innovation adverse ; un manque d’anticipation doctrinale, malgré des alertes répétées des services de renseignement ; enfin, une succession de courses technologiques mal orientées, où des programmes clés étaient suspendus ou arrêtés en cours de route. Les ressources militaires, captées par la guerre du Vietnam contre un adversaire semi-symétrique, furent détournées de la préparation de l’avenir.
Dans ce contexte, le défilé de Domodedovo prit des allures de gifle stratégique. L’Union soviétique montrait qu’elle pouvait surprendre les États-Unis en alignant des systèmes d’armes innovants, robustes et industrialisés, capables de remettre en cause l’équilibre de puissance. Pour Washington, ce fut le signal d’une réorientation massive : l’US Air Force lança rapidement les programmes F-15 et F-16, tandis que l’US Navy initiait le F-14 puis le F/A-18 Hornet, les croiseurs AEGIS Ticonderoga et les frégates Knox. Quant à l’US Army, elle lança le programme BIG 5, qui allait marquer la fin du XXème siècle avec le char M1 Abrams, le M2 Bradley, les hélicoptères Black Hawk et Apache, ainsi que le système Patriot.
Pékin 2025 : un « Domodedovo 2.0 » pour les Etats-Unis et l’Occident ?
Si Domodedovo 1967 avait brutalement révélé le décalage de planification occidental, Pékin 2025 en propose une version contemporaine : non pas la « découverte » d’un système isolé, mais la mise en scène d’un écosystème technologique complet, cohérent, et déjà en voie d’industrialisation. La parade du 3 septembre 2025 en fournit la meilleure illustration, avec une succession d’annonces qui couvrent tous les milieux.

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