[Dossier] Contre‑IA: comment l’APL entend retourner l’avantage technologique occidental

Un exercice à Zhurihe illustre la logique opérationnelle qui irrigue la doctrine de l’Armée populaire de libération (APL) : des batteries factices et des « figurants professionnels » ont amené une force adverse à tirer sur des fantômes et à révéler ses propres positions, montrant que la guerre de demain ne vise pas seulement les capteurs ou les hommes, mais les modèles qui interprètent leurs signaux. Cette dynamique ne relève pas de l’anecdote, puisqu’elle s’inscrit dans une conception intégrée de la lutte contre l’intelligence artificielle adverse, qui se déploie simultanément sur les données, les algorithmes et la puissance de calcul.

L’enjeu dépasse ainsi la seule guerre électronique. Les revêtements et leurres multispectraux trompent l’ISR, la pollution de données et les attaques adversariales retournent les modèles, tandis que la saturation électromagnétique épuise les ressources de calcul. Si les forces occidentales n’intègrent pas de manière systématique ces effets dans leur entraînement et dans l’entraînement de leurs modèles, une « deception gap » pourrait inverser des avantages technologiques apparents. Le défi consiste à durcir toute la chaîne de valeur de l’IA, généraliser le red‑teaming et adapter la formation ainsi que l’OPFOR pour restaurer la résilience opérationnelle.

La contre‑IA de l’Armée populaire de libération reconfigure le centre de gravité en visant données, algorithmes et calcul

La doctrine de « contre‑IA » de l’APL ne se présente pas comme un catalogue de techniques, puisqu’elle articule une triade cohérente visant simultanément les données, les algorithmes et la puissance de calcul. Cette approche, mise en avant par des publications militaires chinoises, place les pipelines adverses au cœur de la manœuvre, afin de les pousser à « chasser des fantômes » au lieu de confirmer et engager les véritables menaces. Dans un article de Defense One, cette architecture de combat est décrite comme visant à « briser l’intelligence » en frappant les trois maillons de manière synchronisée, plutôt qu’en isolant le capteur, l’opérateur ou la liaison.

Cette grille de lecture change la nature du centre de gravité. L’IA adverse devient un ensemble cible, avec un travail assigné pour frapper chaque partie de la chaîne. Les écrits insistent sur une logique algorithmique, en testant le processus de décision des modèles, en brouillant les signaux qui guident des essaims de drones, ou en manœuvrant de manière inattendue pour déstabiliser les régularités privilégiées par les systèmes d’apprentissage. L’objectif consiste à pousser l’IA à préférer des voies stériles, en la conduisant vers des impasses de charge de calcul où s’allongent latences et boucles OODA.

contre-ia robot canin APL
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Cette ambition s’appuie aussi sur une boîte à outils soft‑kill explicitée dès 2024 par des chercheurs chinois, listant pollution de données, inversion, insertion de portes dérobées et attaques adversariales. La logique est assumée, puisqu’elle vise à manipuler le comportement des modèles, plutôt qu’à simplement détruire l’infrastructure. Côté occidental, l’intuition n’est pas nouvelle. Dès 2018, le site C4ISRNET consacrait un article à ce sujet, dans lequel le lieutenant‑général Edward Cardon posait la question d’une stratégie de contre‑IA, en soulignant qu’une IA peut être trompée par de minimes altérations visuelles.

Dans le même temps, l’effort chinois s’inscrit dans une trajectoire politique structurée. La reprise en main par le Parti communiste chinois des domaines clés, dont l’IA, l’espace et le quantique, vise une cohérence de moyens et d’effets pour gagner la compétition technologique et militaire. Cette « verticalisation » stratégique éclaire la détermination à traiter le « contre‑IA » comme un modèle intégré, et non comme un bricolage opportuniste, comme l’illustre la reprise en main de l’IA par le PCC (Parti Communiste Chinois). 

Leurres multispectraux et faux positifs industrialisés saturent l’ISR et couvrent les moyens réels

L’APL associe des revêtements, des émetteurs et des paillettes multibandes pour remodeler les signatures radar, infrarouge et visuelles des véhicules. L’objectif est simple, puisque l’IA de renseignement, surveillance et reconnaissance (ISR) se trouve alors incitée à classer un profil imité à la place de la plateforme réelle. Les solutions ne sont pas théoriques. Les descriptions disponibles montrent des systèmes capables d’aller jusqu’à simuler la vibration moteur pour mimer l’empreinte fine d’un autre engin, de sorte que les classifieurs assistés par IA confondent plateforme et leurre en toutes bandes.

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