[Actu] Que cachent vraiment les chiffres du Gripen E en Colombie ?
Le dossier colombien des Gripen E pour remplacer les Kfir en fin de vie, oppose une annonce présidentielle initiale de 1,9 milliard de dollars pour une première tranche et des montants publics ultérieurs compris entre environ 3,1 et 4,4 milliards, ce qui suggère un coût unitaire apparent de 182 à 250 millions par appareil. Cet écart massif alimente désormais une enquête et des accusations d’opacité et de conflits d’intérêts.
La question est de savoir si celui-ci provient d’un changement de périmètre intégrant cellules, moteurs, munitions, simulateurs, rechanges et infrastructures, ou s’il traduit des dérives de gouvernance. La dépendance au moteur F414 et aux armements d’origine américaine, soumis au Règlement américain International Traffic in Arms Regulations, dit ITAR, ainsi qu’à d’autres équipements importés, pèse directement sur la faisabilité opérationnelle et le calendrier de mise en service.
Sommaire
De la fin des Kfir à l’ambition Gripen E, une modernisation rythmée par un calendrier politique et industriel
La modernisation engagée par Bogotá constitue l’effort le plus ambitieux de son aviation depuis des décennies, avec le remplacement des Kfir par une flotte de dix‑sept Gripen E et F. Le programme repose sur une montée en puissance progressive, un financement étalé et un calendrier qui prévoit les livraisons prévues entre 2027 et 2032. Cette temporalité longue explique la visibilité politique de l’opération autant que sa sensibilité budgétaire, car chaque tranche doit être adossée à des autorisations d’exportation et à un écosystème de soutien crédible. Dans cette configuration, l’alignement entre discours public et matérialité contractuelle devient un enjeu stratégique autant qu’un sujet d’opinion.
La décision est arrivée au terme d’une séquence marquée par plusieurs pistes avortées. Après des tentatives autour du Rafale et du F‑16V, l’offre suédoise s’est imposée dans l’espace public, à la faveur d’un compromis financier et de promesses de transferts. À ce titre, la piste Rafale s’est évanouie et l’option F‑16V n’a pas convaincu, tandis que le montage proposé par Stockholm a pris l’avantage politique. L’arbitrage a donc relevé d’une trajectoire financière et diplomatique, plus que d’une simple comparaison technique, ce qui conditionne la perception actuelle du surcoût et nourrit les questionnements.
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La prolongation d’entretien des Kfir jusqu’au 30 juillet 2026 fige une contrainte dure. Au‑delà de cette date, la posture de chasse reposera sur l’arrivée des Gripen et sur l’intégralité de leurs briques techniques. Un retard de livraison, ou une livraison partielle sans simulateurs, rechanges ou munitions, ouvrirait un trou capacitaire immédiat. La police du ciel, l’interception et l’appui aux opérations intérieures en seraient affectés. Cette échéance confère au calendrier industriel une dimension sécuritaire, car une montée en puissance ralentie se traduirait mécaniquement par une baisse de disponibilité et par une exposition accrue aux aléas extérieurs.
La communication politique a précédé, à plusieurs reprises, le verrouillage contractuel. Les annonces ambitieuses, parfois sans périmètre détaillé et sans ventilation publique des composantes, ont créé un effet de contraste entre promesse et réalité. Dans ce contexte, chaque précision manquante sur moteurs, armements ou simulateurs alimente la suspicion d’un écart entre affichage et contenu. La prudence affichée par l’industriel et la mémoire d’épisodes antérieurs d’annonce prématurée ont renforcé ce sentiment. La séquence confirme qu’une stratégie de communication ne remplace pas la cohérence d’un dispositif contractuel abouti.
Par ailleurs, les frictions diplomatiques récentes avec Washington et Jérusalem pèsent sur l’obtention des autorisations sensibles et l’accès à certains équipements. La dépendance juridique aux licences américaines pour le moteur F414, ainsi que l’usage de pods de désignation d’origine israélienne, créent une chaîne d’exigences non maîtrisées depuis Bogotá. Chaque heurt public ou crispation bilatérale peut se traduire par des semaines perdues sur les licences, ce qui rejaillit immédiatement sur les délais de livraison, la qualité des premières tranches et la crédibilité de la trajectoire opérationnelle.
En Colombie, l’écart de prix déclenche enquête et polémique sur la transparence
Le cœur du scandale tient à la divergence entre l’annonce initiale de 1,9 milliard de dollars pour dix‑huit appareils et des montants publics plus élevés, proches de 3,1 milliards d’euros et jusqu’à 4,4 milliards de dollars selon les données disponibles. Le média roumain DefenseRomaniarapporte que le parquet a évoqué une enveloppe supérieure à 16 000 milliards de pesos, environ 3,1 milliards d’euros, quand d’autres informations publiques font état d’un total de 4,4 milliards de dollars pour dix‑sept appareils et prestations associées. L’absence de ventilation officielle renforce l’impression d’un écart non expliqué.
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Les rumeurs d’un moteur Rolls-Royce EJ230 (dérivé plus puissant du moteur de l’Eurofighter) pour le Gripen-E continuent de tourner, notamment au Canada. Une 100aine d’avions en jeu, ce qui justifierait l’investissement.
Ça ne résoudrait pas toutes les dépendances US de l’avion mais ça serait un sacré caillou en moins.
Et la puissance du moteur permettrait plus d’emport, une limite du -E soulignée par Bruno Aviation.
je n’y crois que moyennement, question de délais. En outre, sincèrement, le Gripen a les pattes beaucoup trop courtes pour le Canada. ce serait une erreur monumentale, surtout si c’est pour prendre de la distance vis-à-vis des Etats-Unis, alors que 50 % de l’armement du Gripen est américain.