mercredi, décembre 10, 2025

[Actu] En Argentine, le financement des 3 Scorpene se heurte au verrou de Cherbourg

L’annonce de l’intention argentine d’acquérir trois sous-marins Scorpène, et de rechercher à Paris le financement nécessaire, remet en lumière un dossier particulièrement complexe, à la croisée de contraintes budgétaires, de capacités industrielles limitées et d’arbitrages diplomatiques sensibles. Avec un montant envisagé d’environ 2,3 Md€, et la perspective d’un recours à un crédit‑export français, le ministère de l’Économie et des Finances se retrouve au cœur du dispositif.

Mais, désormais, au‑delà de la seule question du financement, le verrou principal identifié est industriel et calendaire : le site de Cherbourg est engagé par les programmes nationaux et export jusqu’en 2035, ce qui entre en collision avec la fenêtre de livraison visée (2032–2036) et impose des décisions rapides quant à la localisation de la production et à l’ampleur du transfert de technologie.

À Cherbourg la saturation contraint les Scorpène argentins et bouscule le calendrier

Dans la configuration actuelle, les capacités du site de Cherbourg sont considérées comme saturées jusqu’en 2035, ce qui laisse très peu de marge pour absorber d’éventuelles commandes supplémentaires. La charge de travail additionne, en effet, à la fois les constructions pour la Marine nationale et les programmes export, comprimant d’autant la flexibilité industrielle.

Dans ce contexte, envisager un assemblage intégral en France des trois Scorpène destinés à la Marine argentine se heurte de plein fouet aux limites physiques de l’outil de Cherbourg. Le débat s’est donc déplacé : il ne s’agit plus seulement de trouver un schéma financier, mais bien de répartir au mieux une ressource industrielle rare, de hiérarchiser les programmes et de faire émerger des options crédibles pour tenir un calendrier particulièrement serré.

Le créneau de livraison souhaité par Buenos Aires, compris entre 2032 et 2036, vient ainsi entrer en conflit direct avec cette saturation, en particulier sur la période 2032–2034. Articuler les jalons industriels français avec les objectifs argentins suppose soit un décalage des échéances, soit une solution de production partiellement ou totalement délocalisée. Faute de créneaux disponibles, insérer des opérations critiques – usinage de coque, intégration des systèmes, essais – en parallèle d’autres séries reviendrait à multiplier les risques de retards et à créer des goulots d’étranglement en chaîne. La question n’est donc pas seulement de décider « où construire », mais bien « quand, et avec quelle capacité réellement mobilisable », au regard des contraintes déjà pesant sur Cherbourg.

Sous-marin scorpene
Sous-marin type Scorpene

La lettre d’intention (LoI) signée ne modifie en rien cet état des lieux : elle n’engage ni les capacités industrielles, ni les modalités de paiement, et ne prémunit pas contre de futurs décalages si la planification industrielle et financière n’est pas verrouillée en amont. Comme le souligne Zona Militar, le crédit‑export garanti par l’État français constitue l’outil classique pour ce type de programme, mais il exige une décision politique pleine et entière, une structuration bancaire adaptée, ainsi que des conditions précises. Tant que ces paramètres restent ouverts, la montée en puissance industrielle demeure, de facto, incertaine.

Cette faible latitude de manœuvre tient aussi à la coexistence de programmes nationaux de tout premier rang, au premier chef les sous‑marins nucléaires d’attaque de la classe Suffren et les sous‑marins nucléaires lanceurs d’engins de troisième génération (SNLE 3G). Ces programmes de souveraineté monopolisent les équipes, les outillages et les créneaux critiques d’intégration. Dans ces conditions, ouvrir sans délai des capacités supplémentaires pour l’export, sans affecter les cadences des programmes nationaux, apparaît particulièrement délicat. Cette réalité pousse mécaniquement à explorer des trajectoires industrielles alternatives si l’objectif de livraison 2032–2036 doit conserver une crédibilité opérationnelle. 

Entre Tandanor et PROSUB l’Argentine hésite entre souveraineté industrielle et accélération au Brésil

L’option visant à faire monter en puissance le chantier Tandanor, afin d’y assurer une construction locale des Scorpène, impliquerait des investissements lourds, une montée en compétence progressive et environ une décennie avant d’atteindre une pleine maîtrise de la construction de sous‑marins. Comme le rappelle Infobae, transformer ce chantier en un site capable de produire des coques, d’intégrer l’ensemble des systèmes et de qualifier les procédés critiques exige une programmation pluriannuelle rigoureuse. Un tel pari renchérit le coût global, prolonge la dépendance initiale à l’assistance étrangère et repousse mécaniquement la première livraison.

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