samedi, septembre 6, 2025

Pourquoi la Grèce passe-t-elle à côté d’une opportunité unique pour garantir sa sécurité face à la Turquie ?

En 2021, la Grèce et la France signaient un partenariat de défense très ambitieux, visant à accroitre l’interopérabilité et l’efficacité collective des forces armées des deux pays. Il s’agissait, pour Athènes et Paris, de contenir les appétits croissants de la Turquie de R.T Erdogan, en particulier en mer Égée, à la suite de déclarations et de démonstrations de forces répétées et hostiles, des armées et des autorités turques.

Les deux pays s’étaient alors entendus autour d’une coopération étendue, spécialement, dans le domaine industriel, après qu’Athènes faisait l’acquisition de 18 Rafale et de trois frégates FDI. Cependant, depuis la signature de ces deux contrats, la dynamique entre la France et la Grèce semble s’être essoufflée, pour ne pas dire, s’être arrêtée, les armées grecques s’étant, majoritairement, tournées vers des solutions d’équipements américaines, pour se moderniser, ces trois dernières années.

Alors qu’Athènes vient d’annoncer la prochaine libération d’une enveloppe d’investissements de 27 Md$ pour moderniser ses armées, il semble que l’accord historique de défense liant les deux pays, soit à présent de l’histoire ancienne. En effet, depuis quelques mois, une affaire concernant la livraison de missiles Meteor à la Turquie, dans le cadre de la vente de 40 Eurofighter Typhoon, est venue dégrader les relations franco-grecques.

Pourtant, à bien y regarder, jamais la situation sécuritaire de la Grèce n’a été aussi détériorée qu’aujourd’hui, et jamais le pays a eu plus besoin d’un allié puissant, militairement, et fiable politiquement, pour participer à sa sécurité.

En persévérant dans cette voie, Athènes pourrait bien passer à côté d’une opportunité unique, dans son histoire, afin de garantir sa propre sécurité, ainsi que l’intégrité de son territoire, face à une Turquie dont la puissance militaire et économique ne fera que creuser l’écart avec elle, dans les années à venir…

La Grèce face à la menace turque aujourd’hui

Si, en Europe, tous les regards se portent, depuis plusieurs mois, sur la Russie, et sur le désengagement potentiel des États-Unis du théâtre européen, la Grèce, elle, n’a d’yeux que pour le développement des moyens militaires turcs. En effet, si les deux pays sont, fondamentalement, alliés au sein de l’OTAN, ils nourrissent des ressentiments forts l’un pour l’autre, qui trouvent leur origine sur les partitions de la Thrace orientale et de la mer Égée, suite à la défaite de la Turquie, lors de la Première Guerre mondiale.

Mirage 2000-5 forces aériennes hellénqiues
Les forces aériennes grecques sont équipées d’avions de combat français et américains depuis la fin des années 1970.

Le fait est, l’essentiel de ces deux espaces maritimes et terrestres, ont été rattachés à la Grèce, limitant considérablement la zone économique exclusive turque le long de ses côtes. Dès lors, les deux pays sont en situation de pré-guerre permanente, depuis plusieurs décennies.

Jusqu’à présent, le point culminant de cette confrontation larvée, fut la conquête d’une partie de l’ile de Chypre par les armées turques, en juillet 1974. Toutefois, depuis 2000 et l’arrivée de R.T Erdogan au pouvoir, à Ankara, la Turquie s’est engagée dans un très important effort pour moderniser ses armées, ainsi que pour se doter d’une industrie de défense visant l’autonomie stratégique.

De fait, les armées turques, qui avaient déjà un très important avantage numérique sur les forces helléniques, se retrouvent, à présent, à parité technologique avec leurs homologues grecques, alors que les options de coercition économiques et technologiques des pays occidentaux, pour entraver le bon fonctionnement de ses équipements militaires, se sont très sensiblement affaiblis, au fil des années, et des progrès de l’industrie de défense turque.

Ce d’autant que l’écart de PIB, entre les deux pays, s’est considérablement creusé ces 50 dernières années. Alors que la Grèce affichait un PIB de 56 Md$ en 1980, contre 68 Md$ pour la Turquie, celui-ci n’atteint aujourd’hui que 220 Md$ pour la Grèce en 2023, contre 1,120 Md$, pour la Turquie, et que la population turque de 85 millions d’habitants, est huit fois plus supérieure que celle de la Grèce, de 10,5 millions d’habitants.

La coopération entre Paris et Athènes en matière de défense ces dernières années

Face à de tels déséquilibres, la seule alternative, pour Athènes, serait de se rapprocher de certains de ses alliés proches, pour dissuader Ankara de pousser son avantage économique et surtout militaire, afin de reprendre possession de la mer Égée et de la Thrace orientale, les deux sujets ayant été clairement identifiés comme des objectifs stratégiques par le président R.T Erdogan, et ce, dès son arrivée au pouvoir, en 2000.

Orus Reis frégate
Ankara a déployé à plusieurs reprises le navire d’exploration minière Orus Reis dans la ZEE grecque, en 2020 et 2021, la Turquie estimant que la partage des eaux de la Mer Egée, post première guerre mondiale, lui était beaucoup trop defavorable.

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17 Commentaires

  1. Bonjour, merci pour l’articles et les commentaires des uns et des autres !
    J’ai plutôt tendance à rejoindre les doutes de Philippe quant à la crédibilité de l’offre de dissuasion conventionnelle française.
    Mais surtout, personne ne semble avoir réagi concernant la pertinence / le réalisme d’une dissuasion nucléaire étendue dans ce cas. Pense-t-on vraiment que :
    1. La France serait prête à négocier une forme de sanctuarisation par sa dissuasion nucléaire d’un pays ayant un tel niveau de tension avec un voisin plus puissant ? Cela semble hautement risqué.
    2. Si un tel accord était conclu, un président français donnerait l’ordre de vaporiser une paire de bases aériennes Turques en cas d’attaque contre les forces grècques ? La France se retrouverait instantanément au banc des nations !
    Personne ne songe sérieusement me semble-t-il que la Turquie risque à court terme d’envahir purement et simplement la Grèce, de menacer son existence en tant que nation, et de justifier ainsi un recours à l’arme nucléaire.
    Le scénario le plus probable est celui d’une guerre limitée façon Haut Karabakh déclenchée pour réduire le potentiel militaire grec face aux intérêts turcs dans la région. Et dans ce scénario c’est bien le potentiel de dissuasion conventionnelle de l’allié suposé qui comptera. Il faudra rapidement envoyer des frégates, des AWACS, des rafales et des SAMP/T. Mais sans doutes pas des armes nucléaires que le niveau de la confrontation ne justifierait pas.
    Curieux d’avoir votre retour sur cette modeste analyse.

    • bonsoir, à mon humble avis, qui ne vaut en rien sur de possibles accords non signés, je ne pense pas qu’une riposte nuclaire serait faite ! cela reste du domaine de la menace. si la france venait à intervenir dans un conflit grecques contre turques il y aurait envoi du groupe aeronaval français pour remetre de l’ordre au niveau maritime, déjà et tenir à distance les turques des côtes greques. vous mettez 2/3 SNA en maraude , il y aura rapidement un retour au bercail des 209 turques et les frégates meko, même rénovées feraient bien de s’éloigner du groupe aéronaval. quand aux bases turques quelques dizaines de MDCN tirés judicieusement les mettrait hors jeu pour quelques temps. maintenant c’est de la pure fiction, mais il arrive que la réalité rattrape la fiction. puisse cela rester un film …

  2. Pas complétement d’accord
    La position et l’évolution des Grecs est rationelle même si les Isr/Us nous « savonent la planche' »bien sûr par interêt commercial ( et malice ..expo Le Bourget).Nous ne savons pas ce qu’ils feront « in fine ».

    Le Grecs ont toujours choisi leurs alliances en fonction de leur méfiance ( justifiée) envers les Turcs (a fortiori avec l’irredentisme ottoman d’ Erdo ).Ces alliances sont assez « sinueuses »
    Vers 2010 , anti Israelien (Eglise orthodoxe , Chretiens d’Orient arabes) ils sont proche des Russes (S300 aussi à Chypre) car les Turcs sont l’enfant cheri des US..Les Turcs étaient proches militairement avant 2010 des Isr.
    Vers 2015 ils s’éloignent des Russes et deviennent proche de la Fr (Pression US contre leurs accords russes, desillusion sur le materiel russe..) tout en se rapprochant des US
    Apres les boulversements majeurs au MO, disparition des Russes, écroulement de Assad, éloignement de l’Iran il y a un affrontement larvé désormais entre les Turcs et l’axe US /Isr et AS (les caids désormais du quartier) et cela renforce la cooperation militaire strategique et econolmique (Gaz) en place avec les Isr depuis qq années (Armée de l’air., Marine)Une alliance desormais plus credible (car les Isr n’ont pas hesité à taper les Turcs pour de bon alors qu’ils étaient encore proche des US)et que la Fr s’est considerablement affaiblie, on ne le perçoit pas assez
    Un président en sursis contesté dans un pays endetté et en repli sur ses problèmes(incapable ou pas desireux de contrer des putschs en Afrique..) ,une politique étrangère illisible ,victime du « en même temps », « balladé « par le Maroc puis par l’Algerie et qui recemment au Liban (Cessez le feu pour protéger le Liban) montre sa vacuité face aux attaques Isr sur les restes du HB (des centaines depuis le « cessez le feu »!) Pour « figurer sur la photo » , notre President avait pourtant indiqué que Netanyaou ne serait pas inquièté..pas glorieux
    Quand un député Fr à l’Assemblée déclare qu’il ne voit pas pourquoi il faudrait mourir pour Vilnius (entre le penser et le dire..)…
    Ce n’est pas la girouette qui tourne mais le vent qui change de direction disait Edgar Faure un vieux cacique de la 4ème

  3. Η Ελλάδα με τα περιορισμένα οικονομικά για εξοπλισμούς, πρέπει να να μοιράζει την πίτα σε ΗΠΑ, Γαλλία, Ισραήλ και Ευρωπαϊκή Ένωση , γιατί όπως σωστά αναφέρεται, το κυρίαρχο πρόβλημα της δεν είναι η Ρωσική αποτροπή αλλά η επεκτατική πολιτική της Τουρκίας σε Αιγαίο και Ανατολική Μεσόγειο.
    Σε ότι αφορά τους ναυτικούς εξοπλισμούς της Ελλάδας, δύσκολα μπορεί να αγνοηθεί η Ιταλική προσφορά 2 φρεγατών, ναυπήγησης του 2013 για 600000000 καί με προοπτική περαιτέρω αγορών από την αποδέσμευση της κλάσης.
    Τα Ελληνικά ναυπηγεία χρειάζονται υψηλού κόστους επενδύσεις για να υλοποιήσουν την Γαλλική πρόταση για ναυπήγηση 3 FDI στην Ελλάδα.

    • voici la version française du texte de Nikos
      La Grèce, avec ses finances limitées pour l’armement, doit distribuer le gâteau aux États-Unis, à la France, à Israël et à l’Union européenne, car, comme on l’a dit à juste titre, son problème dominant n’est pas la dissuasion russe mais la politique expansionniste de la Turquie en mer Égée et en Méditerranée orientale.
      En ce qui concerne l’armement naval de la Grèce, il est difficile d’ignorer l’offre italienne de 2 frégates, construites en 2013 pour 600000000 et avec la perspective de nouveaux achats dès la sortie de la classe.
      Les chantiers navals grecs ont besoin d’investissements coûteux pour mettre en œuvre la proposition française de construire 3 IDE en Grèce.

    • Je suis d’accord. Mais ce n’est pas tant le sujet de l’article.
      La question que la Grèce doit se poser, c’est à qui doit-elle s’associer pour garantir sa sécurité. L’Italie, ou Israël, n’interviendront jamais pour protéger Athènes ou la mer Égée. Jamais.
      En outre, les Bergamini sont moins chers que les FDI, mais elles sont aussi beaucoup moins efficaces, spécialement dans le domaine de la lutte anti-sous-marine. Elles ont été conçues pour la vitesse, avec une hélice à pas variable. La lutte asm exige de la discrétion, et une hélice à pas fixe. Ça va moins vite, mais c’est beaucoup plus silencieux.
      Elles ne dureront pas longtemps face aux sous-marins turcs…
      Surtout, je ne comprends pas pourquoi Athènes n’est pas en train de faire la danse de la séduction à Paris, pour signer un accord de dissuasion étendue à son territoire. Ca n’a aucun sens. C’est le moment ou jamais, et c’est la seule fois où la Grèce peut espérer avoir une dissuasion asymétrique avec la Turquie.

      • Fabrice, je vous renvoie à mon premier commentaire. Je pense que la raison est que la France ne présente pas les garanties suffisantes. En d’autres termes nous sommes jugés non crédibles. Je ne vois que cette explication rationnelle. Pour quels motifs ? Il faudrait demander au grecques mais ça risque de piquer un peu…

        • Philippe, je vous rejoint sur le fait que la crédibilité de la France peut présenter un certain nombre de failles. Cependant, aujourd’hui, personne ne l’est plus que la France, et de loin.
          Comme dit dans l’article, les USA ne s’engageront pas dans un conflit qui ne les touche pas directement, et prendront d’ailleurs parti pour le pays le plus puissant en espérant contraindre le moins puissant, tout comme dans le conflit Russo-Ukrainien. « Fort avec les faibles, faible avec les forts ».
          L’Allemagne, vu la diaspora turque en son sein et les liens étroits, économiques et industriels avec la Turquie ne s’engagera pas en cas de conflit. Quant à l’Italie, elle montre depuis des décennies un opportunisme commercial et une farouche volonté de ne jamais prendre parti.
          En termes de forces régionales crédibles, il ne reste que les Russes qui ont des liens « Je t’aime, moi non plus » historiques bien plus importants avec la Turquie qu’avec la Grèce.
          Alors certes, la France ne présente pas un package de garanties parfaites, mais c’est de loin ce qui se fait de mieux.

          • Je suis assez d’accord avec vous, David. Surtout, en dépit de ses faiblesses, la France est la seule à disposer d’une dissuasion à deux composantes crédible. Et dans le cas présent, c’est précisément ce qu’il manque à la Grèce.

          • tout à fait d’accord avec vous et de plus le trump, en cas de conflit entre les deux, ne fera que bloquer les f35 sur le tarmac. les grecques feraient bien mieux de racheter de rafales et du matériel fiable, à tous points de vue. quand au « gentil erdogan » il montre de nouveau (avec emprisonnement de son opposant direct) qu’il n’a absolument pas changé , il fait juste semblant pour avoir de l’armement européen et réussir a avoir ce qu’il ne sait pas copier (moteurs chars, réacteurs avions, etc…) ceux qui lui font confiance , par oportunisme, ne sont que des C…

  4. Il ne faut pas être grand clerc pour voir l’action de l’oncle Sam. S’il n’y a plus de colonels pour faire un coupt d’état, les moyens de pression financiers, diplomatiques, de l’otan et de positionnement diplomatique dans le conflit Greco turc sont suffisants pour faire plier les meilleures bonne volontés européennes. De plus, empêcher à tout prix au rafale l’extension de ses ventes est un impératif d’autant plus que le standard f5 semble redoutable.

  5. Tout comme les autres européens, les grèques ne sont ni fous ni irrationnels au point de prendre le risque de voir leur nation disparaitre. Malgré ses 300 têtes nucléaires, qu’est-ce qui manque à la France pour pouvoir être perçue comme un partenaire sécuritaire crédible ?

    • Tout le monde est parti sur les déclarations du président colombien, qui annonce l’achat de Gripen. Pour ma part, j’attendrai de voir si, effectivement, l’exécutif a changé d’avis au sujet de l’exportation des F414. Il faut se rappeler que ce même président avait aussi annoncé l’achat de Rafale en 2022, avant que le contrat ne soit signé et validé par les parties…
      Honnêtement, je vois mal Trump accepter de livrer le F414, après les offres très aggressives concernant le F16V.

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