Comme l’a relayé le Korea Herald, le ministre Ahn Gyu-back a tenu à calmer le débat en affirmant que l’empreinte américaine en Corée du Sud demeurait solide et que l’alliance américano-coréenne n’était pas remise en cause. « Les termes “réduction” ou “retrait” ne sont même pas à l’ordre du jour ». Cette parole publique vise à désamorcer l’anxiété d’une opinion exposée à des scénarios de révision stratégique, alors que l’environnement régional se tend et que la Corée du Nord accélère ses capacités.
Toutefois, ce registre de normalisation n’épuise pas la question centrale. L’alliance assure aujourd’hui la protection conventionnelle et surtout stratégique de la péninsule, mais Séoul investit, parallèlement, dans une montée en puissance autonome. L’enjeu consiste à équilibrer la réassurance immédiate sans afficher une dépendance structurelle, et à planifier une trajectoire de souveraineté graduelle, dont le plafond nucléaire demeure le marqueur ultime, absent par choix politique mais omniprésent comme référence.
Dès lors, l’interrogation ne porte pas seulement sur la persistance de la présence américaine, mais sur le niveau de dépendance réelle de la Corée du Sud et sur la manière dont elle renforce ses marges d’autonomie. Car si la parole officielle se veut apaisante, des signaux venus de Washington laissent parfois entrevoir une flexibilité de posture. Il s’agit donc d’évaluer, données à l’appui, ce que l’alliance garantit, ce que l’autonomie ajoute, et ce que la menace impose.
Sommaire
De la guerre froide à l’USFK : dépendance persistante et « assurance-vie » de la Corée du sud
Au fil des décennies, la présence des Forces américaines stationnées en Corée (USFK) s’est imposée comme une garantie existentielle contre la coercition nord-coréenne. Selon le Congressional Research Service, « environ 28 500 militaires américains sont stationnés en République de Corée ». Cette présence s’adosse à un Commandement interarmées combiné (CFC) et au contrôle opérationnel (OPCON) en situation de guerre, éléments qui matérialisent la profondeur de l’intégration militaire. La dissuasion élargie complète cet édifice, en crédibilisant l’ultime niveau de protection, au-delà des seules forces conventionnelles coréennes.

Parallèlement, l’alliance s’inscrit dans une logique de partage des coûts et des risques. Les accords de contribution (Special Measures Agreements) encadrent l’effort budgétaire et l’entretien d’infrastructures majeures, tandis que la planification conjointe associe les deux états-majors. Cette architecture, héritée de la guerre froide, a été ajustée sans être dénaturée : le centre de gravité des forces américaines se concentre aujourd’hui autour de Pyeongtaek, où se situe Camp Humphreys, afin de renforcer l’efficacité logistique et la protection des capacités critiques.
Ce socle matériel et institutionnel sert de levier politique. Séoul rappelle l’ampleur des implantations pour signaler la solidité de l’engagement allié. Comme le souligne le Korea Herald, le ministre Ahn évoque l’importance des emprises, dont l’étendue, à Pyeongtaek et à Osan, illustre la profondeur de l’installation américaine. Ce rappel n’est pas neutre : il atteste de la permanence d’une alliance structurante, mais souligne aussi, en creux, l’inertie d’une dépendance stratégique assumée et désormais intégrée dans la communication publique.
Pourtant, une tension demeure entre souveraineté opérationnelle et bénéfice de l’adossement nucléaire allié. La question de l’OPCON en temps de guerre cristallise cette ambivalence : la Corée du Sud souhaite accroître son autonomie de conduite tout en pérennisant les garanties ultimes de l’alliance. Dans ce cadre, la dissuasion élargie offre un parapluie qui rassure l’opinion et libère des marges de manœuvre budgétaires, mais elle entretient aussi l’idée d’un plafond stratégique que l’autonomie nationale ne franchit pas.
Cinq piliers techniques de l’autonomie stratégique coréenne : du KF-21 au bouclier antimissile L-SAM
La stratégie sud-coréenne ne se résume pas à une délégation de sécurité. Elle s’appuie sur des programmes structurants qui renforcent l’autonomie dans l’identification des menaces, la maîtrise des cieux et la capacité de frappe. L’aviation de combat, la constellation d’observation, la défense aérienne et antimissile, la dissuasion conventionnelle à longue portée et la résilience du commandement s’imbriquent. Ainsi, l’armée de l’air sud-coréenne (ROKAF), le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (ISR), ainsi que les couches M-SAM et L-SAM convergent vers un objectif : raccourcir le cycle décisionnel et réduire la dépendance aux priorités alliées.
![[ACTU] La Corée du Sud bâtit son autonomie stratégique face à un éventuel recul américain 2 L-SAM](https://8a17c282.delivery.rocketcdn.me/wp-content/uploads/2025/10/LIG-Nex1-L-SAM.jpg)
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