[Analyse] Frappe préventive: l’OTAN assume-t-elle la rupture face à Moscou ?

L’évocation publique d’un « coup préventif » par le chef du comité militaire de l’OTAN intervient dans un moment où la Russie a banalisé l’emploi de salves mixtes drones‑missiles à longue portée. L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) se trouve ainsi poussée à clarifier ce qui relève d’une posture dissuasive et ce qui devient une option opérationnelle. Cette déclaration n’est pas anodine puisque l’industrialisation russe des frappes conventionnelles pèse directement sur les marges de manœuvre de l’Europe et questionne l’architecture de décision alliée, l’attribution des attaques et le calendrier de réaction.

Dans le même temps, la fenêtre 2025–2032 concentre les inconnues critiques pour la défense européenne. Les capacités interceptives actuelles sont sous tension face aux essaims et salves régulières. La seule défense passive ne suffira pas à contenir une campagne d’usure. La question n’est donc plus de savoir si l’Europe doit disposer d’une capacité de frappe profonde crédible, mais comment la rendre opérable à court terme en réduisant les risques juridiques et d’escalade, tout en tenant compte de l’hétérogénéité politique des alliés et du recul relatif de l’appui américain. 

L’aveu public d’une frappe préventive reconfigure le signal politique allié

Selon le site Politico, l’amiral Giuseppe Cavo Dragone, chef du comité militaire de l’OTAN, a assumé l’idée d’actions plus offensives et préemptives, plutôt qu’une posture strictement réactive. Le message vise les comportements qualifiés d’hybrides attribués à Moscou et entend réaffirmer une volonté de fermeté au sein de l’Alliance. Cette prise de parole se lit autant comme un signal aux opinions européennes que comme un marqueur adressé au Kremlin. Elle installe potentiellement la frappe préventive dans le débat politique et rappelle que l’ambiguïté du temps de paix ne protège plus des coûts stratégiques d’une coercition conventionnelle persistante.

L’amiral a rattaché ce tournant à une grammaire de guerre hybride mêlant cyberintrusions, violations d’espace aérien et sabotages attribués. Le propos pèse d’autant plus que la multiplication d’incidents récents agite les capitales. Dans ce contexte, la parole d’autorité n’est pas une simple emphase rhétorique. Elle prépare un basculement doctrinal éventuel vers une posture proactive, tout en reconnaissant la difficulté de l’attribution dans des cas restés indéterminés. L’effet recherché est clair puisque la clarification de seuils doit dissuader la répétition d’actions ambiguës contre des cibles civiles et militaires européennes.

OTAN amiral cavo dragone
L’amiral Giuseppe Cavo Dragone est le chef du comité militaire de l’OTAN

« Nous pensons agir de manière plus agressive et préemptive plutôt que de réagir. » Cette formule, relayée par le site russe déjà cité, recentre le débat sur la maîtrise du tempo. Elle cristallise l’enjeu de crédibilité d’une posture qui ne peut rester cantonnée à la réaction tardive. Elle interroge aussi la gouvernance réelle des réponses alliées. La question n’est plus seulement militaire. Elle devient politique, car une option proactive exige des procédures partagées de décision et d’attribution qui engagent la responsabilité des États membres, y compris dans des cadres juridiques nationaux différents.

Dans plusieurs capitales, l’idée d’un passage à l’action trouve des relais concrets. Comme l’indique Politico, des responsables envisagent des cyberopérations offensives coordonnées, une attribution accélérée des attaques hybrides et des exercices militaires sans préavis pour envoyer un signal. Cette dynamique doit cependant être lue à l’aune d’un dilemme industriel et opérationnel. Sans capacité crédible de frappe profonde, la préemption ne serait qu’un slogan. Avec elle, elle devient une option gérable à condition de verrouiller l’attribution, la décision et les garde‑fous politiques pour éviter des dérapages irréversibles. 

L’industrialisation russe des frappes conventionnelles impose un tempo de coercition durable

La Russie a basculé d’actions opportunistes vers des campagnes coordonnées combinant essaims de drones et salves de missiles. L’objectif est double. Il s’agit de saturer les défenses multicouches et d’user les stocks d’interception. Ce rythme régulier traduit une doctrine établie dans la durée. Il transforme la frappe conventionnelle à longue portée en instrument de coercition graduée, utilisable sous le seuil nucléaire et apte à tester la cohésion politique des alliés. La profondeur stratégique visée inclut les infrastructures énergétiques, logistiques et militaires, avec un impact immédiat sur la résilience.

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