mardi, mars 19, 2024

Economie de La Défense : prenons les bonnes valeurs de référence !

Dans un article de « La Croix » sur le rôle stratégique de La Défense dans l’économie du pays, deux intervenants, Yannick Quéau et Paul Sarfati, sont pris en référence pour poser des « vérités » qui n’en sont pas, mais qui pourtant marqueront les esprits.

Le premier soutient que l’industrie de Défense, la BITD, n’emploierait que « 120.000 » emplois directs et indirects en France, un chiffre hautement fantaisiste. En effet, la BITD développe annuellement un chiffre d’affaire moyen de 20 Md€, ventilé en 7 Md€ pour les programmes à effets majeurs, 8 Md€ à l’exportation, et 5 Md€ entre la R&D et le MCO. Si les emplois directs ne représentaient que 100.000 emplois en France, cela mettrait la productivité de l’industrie de Défense deux fois et demi plus importante que celle dans l’industrie française, y compris l’industrie aeronautique. En effet, l’industrie française déploie une productivité de 85.000 € par an, alors que dans le cas cité, elle serait de 200.000 € par an ….

En outre, le rapport emplois directs / emplois indirects est également très largement sous-estimé. En effet, la masse salariale représente environ 50% des dépenses de la BITD, avec 10 emplois par m€ investi. Les 500 m€ restant servant à financer les taxes, les dividendes, et surtout la sous-traitance, pour 350.000 €. Cette sous-traitance génère donc, sur la base du cout salarié moyen en France, 5 emplois directs, puis 2,5 emplois de sous-traintance secondaire, et 1,5 emplois de sous-traitance tertiaire etc. Ce sont donc 9 emplois indirects qui sont créés par million d’euro investi dans la BITD. Etonnement, ce chiffre correspond aux constations faites par plusieurs études terrain dans les bassins d’emploi de Bourges, Lorient-Brest et Toulon. Enfin, les emplois créés, qu’ils soient directs et indirects, créés des emplois induits, liés à la consommation, représentant, sur la base des constations terrain, 8 emplois pour les 19 emplois industriels générés. Cette valeur est également cohérente avec l’injection dans l’économie locale de 30% de la masse salariale distribuée, en tenant compte d’un effet de seuil à 50%. A ces 27 emplois générés par l’investissement d’état, s’ajoute les emplois liés aux exportations, soit 15 emplois supplémentaires sur la base de 8Md€ export pour 12 Md€ local, dont 6 dans la la BITD, 5 emplois de sous-traitance , et 4 emplois induits, pour un total de 42 emplois par m€ investis constatés.

Le second point porte sur une comparaison toute aussi hasardeuse entre « 1 euro investi dans l’éducation et 1 euro investi dans l’armement ». Les conclusions selon lesquelles 1 euro investi dans l’éducation générerait plus d’emploi que dans l’industrie de Défense sont hautement contestable. Non pas qu’elle soit fausse d’ailleurs. En effet, Avec un budget de 50 Md€, l’Education nationale emploie 1 million de personnes dont 837.000 enseignants, générants 400.000 emplois induits et 100.000 emplois induits de sous-traitance selon les même grilles de calcul. De fait, le ministère de l’Education nationale alimente un écosystème de 1,5 million d’emplois, pour 50 Md€, là ou le Ministère de La Défense généré alimente, lui, un écosystème de 850.000 emplois pour 35 Md€ ; soit 33 emplois par m€ dans l’éducation nationale, et 27 pour le ministère des armées.

Là ou la démonstration est largement critiquable est dans la mise en opposition de deux investissements. En effet, avec 27 emplois par m€ investi, le ministere de La Défense rapporte au budget de l’Etat, 1,1 m€ au budget de l’Etat en tenant compte des cotisations sociales versées par ces emplois dont 70% sont privés, et 1,45 m€ si l’on tient compte de l’économie réalisée sur la prestation chômage. Au contraire, les 33 emplois générés par l’éducation ne rapportent, avec seulement 35% d’emplois privés, que 700 k€ de recettes et charges (les cotisations et les taxes sont bien moindre dans l’éducation nationale que dans l’industrie de Défense), passant à 900k€ en tenant compte des effets sur le chômage.

De fait, là ou la comparaison par le nombre d’emplois créés veut montrer une pertinence supérieure de l’investissement dans l’éducation nationale que dans La Défense, l’extension de cette démonstration au budget de l’Etat inverse le processus, et montre même que l’investissement dans l’industrie de Défense génère beaucoup plus de recettes et économies budgétaires qu’il n’en coute, au point de pouvoir compenser, en grande partie, les couts de la masse salariale des militaires pour obtenir un budget global équilibrant recettes budgétaires et dépenses de l’Etat pour le ministère de La Défense, chose que le ministère de l’éducation nationale serait bien en mal de faire…

Mais c’est surtout la comparaison de ces deux postes budgétaires qui est ridicule. L’Education nationale est un poste budgétaire aussi indispensable que celui de La Défense pour assurer la pérennité de l’Etat. Opposer les deux dépenses revient donc à nier le besoin de l’un vis à vis de l’autre, ce qui, eu égard des réalités géopolitiques comme économiques modernes, serait non seulement dangereux, mais également contre-productif. En outre, dès lors que le budget des armées parvient à atteindre un niveau d’équilibre entre dépenses et recettes, à périmètre budgétaire constat pour l’Etat, il n’y a aucune raison de le baisser, ni même de ne pas l’augmenter proportionnellement aux besoins des armées, puisque l’effet d’éviction, à savoir la baisse des crédits de l’un pour alimenter celui de l’autre, est neutralisé.

En d’autres termes, ces comparaisons, et les valeurs annoncées, ne résultent pas d’une analyse objective, mais de travaux ayant pour objectif de soutenir un discours donné. Et ce n’est certainement pas ce dont le pays, ni l’Europe, ont besoin aujourd’hui !

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