On aurait pu croire l’artillerie côtière tombée en désuétude, avec l’arrivée des batteries de missiles antinavires. Pourtant, la Marine finlandaise met toujours en œuvre, à ce jour, une quinzaine de batteries sous casemate 130 53 TK de 130 mm. Entrées en service en 1984, chacune d’elles couvre 60 à 80 km de côtes en mer Baltique, à l’aide de son canon de 130 mm capable de tirer des obus à poussée additionnée jusqu’à 40 km.
Bien que lourdement durcies, ces batteries côtières souffrent, aujourd’hui, de l’arrivée des armes de précision et des drones, en faisant des cibles toutes trouvées pour des frappes préventives.
C’est la raison pour laquelle la Marine finlandaise a lancé un appel d’offre, privilégiant cette fois la mobilité, mais aussi la précision, et le cout d’acquisition, pour remplacer ses canons fixes, un cahier des charges parfaitement taillé pour le Caesar français.
La Finlande, une des forces armées les plus massives en Europe.
Avec la Grèce, la Finlande a été l’un des très rares pays européens à avoir maintenu une conscription active après la guerre froide. Ce faisant, le pays de seulement 5,5 m d’habitants, qui partage une frontière de 1340 km avec la Russie, dispose aujourd’hui, paradoxalement, d’une des plus imposantes forces armées mobilisables du vieux continent.

Les forces armées finlandaises alignent, en effet, autour de 30 000 personnels d’active, dont les deux tiers formés par des conscrits, mais également, en permanence, 20 000 réservistes effectuant leurs périodes de « rafraichissement » des compétences. En temps de guerre, ce nombre passe 250 000, dont 180 000 pour les forces terrestres, 38 000 pour les forces aériennes, et 32 000 pour la Marine, soit autant que les armées françaises, pour un pays 12 fois moins peuplé.
Bien qu’ayant rejoint l’OTAN il y a, maintenant, un peu plus d’un an, Helsinki, pas davantage que son voisin suédois, n’entend pas s’en remettre à l’alliance pour assurer la défense de son territoire.
Les autorités finlandaises ont, ainsi, annoncé, ces dernières années, un important effort budgétaire pour moderniser ses armées, avec, par exemple, l’acquisition de 64 F-35A, soit la plus importante flotte commandée à ce jour par un pays européen, concernant l’avion américain, mais aussi de 96 canons automoteurs K-9 Thunder sud-coréens, 130 APC Patria 6×6 finlandais supplémentaires, ainsi que huit batteries NASAMS norvégiennes et un nombre indéterminé de batteries David Sling israéliennes.
Comme ses voisins scandinaves, la Finlande est prête à produire les efforts financiers nécessaires, avec 2,4 % de PIB soit 6,4 Md€ en 2024, pour moderniser ses forces, alors que le pays est, à l’instar des Baltes, en première ligne face à la Russie, dont elle partage la plus grande frontière européenne, en dehors de l’Ukraine.
Et cela pourrait encore augmenter. En effet, selon Timo Kivinen, le chef d’état-major des armées finlandaises, le seuil des 2 % fixé par l’OTAN, n’est pas suffisant pour dissuader efficacement al Russie aujourd’hui.
La Marine finlandaise veut renouveler ses batteries côtières
Parmi les priorités du moment de l’état-major finlandais, figure le remplacement des batteries côtières sous casemate 130 53 TK, qui sont déployées le long des 1100 km de cotes linéaires finlandaises.

En effet, ces 15 batteries de 16 tonnes, armées par 3 sergents et 7 conscrits chacune, doivent, non seulement, couvrir le littoral finlandais, mais aussi, les nombreuses iles et ilots lui appartenant, représentant, ensemble, plus de 46 000 km de côtes.
Toutefois, si le manque de précision des systèmes d’artillerie navale et de frappe aérienne, permettait de s’en remettre à des canons d’artillerie en casemate durcie en 1984, lorsqu’ils furent installés, l’arrivée des munitions de précision, de plus en plus intensément employées par les armées russes en Ukraine, rend ces systèmes particulièrement vulnérables, y compris pour des frappes de première intention.
C’est la raison pour laquelle la Marine finlandaise a lancé un appel d’offre, pour le remplacement des 130 53 TK, par douze à vingt systèmes plus modernes, et surtout mieux adaptés à la réalité de la menace aujourd’hui.
Mobilité, précision et couts maitrisés : un appel d’offres taillé pour le canon Caesar français
Comme on pouvait l’anticiper, l’appel d’offre finlandais met en avant les qualités de mobilité du système d’artillerie qui remplacera le 130 53 TK. L’objectif, évident, sera de priver l’adversaire du potentiel de frappes préventives, et donc de maintenir, dans la durée, une capacité de défense côtière, pour contrer les actions navales et aéro-amphibies potentielles de l’adversaire.

D’un calibre de 155 mm, le nouveau système devra être en mesure d’engager aussi bien des cibles navales que terrestres, ce qui suppose une grande précision dans le tir, et une capacité de Shoot-and-Scout, pour éviter les tirs de contrebatteries et les drones adverses. Enfin, l’état-major naval finlandais insiste sur le prix du système, qui déterminera le nombre de batteries qui pourront être financées.
Il apparait que ce cahier des charges est taillé pour le système de CAnon Equipé d’un Systeme d’ARtillerie, ou CAESAR, du français KNDS-France. En effet, le Caesar Mk2, qui entrera bientôt en service dans les Armées de terre françaises, belges ou encore, Lituaniennes, coche à merveille l’ensemble des cases, qu’il s’agisse de sa mobilité, de ses performances ou de sa précision.
Par nature léger et mobile, le Caesar mk II se révèlera, en outre, particulièrement à l’aise sur le littoral finlandais, qui dispose d’un réseau routier très dense, permettant des déplacements rapides et sur des distances importantes, à ce camion de seulement 25 tonnes monté sur un châssis 6×6 capable de dépasser les 90 km/h sur route.
Surtout, le Caesar est particulièrement économique, à l’achat comme à la mise en œuvre, avec un prix unitaire public de l’ordre de 5 à 6 m€, soit deux à trois fois moins cher que les autres systèmes d’artillerie mobile du moment, comme le RCH-155 allemand, l’Archer suédois, ou le K-9 Thunder sud-coréen, déjà en service dans les armées finlandaises.
Enfin, le Caesar Mk2 mettra en œuvre l’obus Katana, une munition de précision métrique à guidage GPS/Inertiel et Laser, capable d’atteindre des cibles à 65 km, en faisant un atout précieux pour engager les cibles navales qui pénétreraient le périmètre de défense finlandais.
Un contrat à fort potentiel pour la seconde artillerie du continent européen
Si la Marine finlandaise constitue déjà un client potentiel de taille, pour un constructeur d’équipements d’artillerie comme KNDS, cet appel d’offre est également l’occasion de séduire l’Armée de terre finlandaise, qui aligne la seconde puissance de feu d’artillerie en Europe, après la Grèce.

En effet, l’artillerie finlandaise est particulièrement dense, avec 96 canons automoteurs K9 et 122 PSH 74 (le premier remplaçant progressivement le second), 76 lance-roquettes multiples autotractés M270 et 122 RAKH, et surtout près de 500 canons tractés 155 K 98/83 et 122 H 89/63, armant les 18 bataillons d’artillerie du pays.
Or, l’état-major finlandais n’aura pas manqué de constater, comme c’est le cas des États-Unis, la trop grande vulnérabilité de ces systèmes dans un engagement moderne, face à la précision et aux délais réduits de tirs de contrebatterie, et à la menace que représentent les drones et autres munitions rôdeuses.
De fait, l’industriel qui parviendra à séduire la Marine finlandaise, prendra certainement une longueur d’avance dans l’inévitable remplacement des canons tractés de l’Armée de terre, en permettant à ses artilleurs, d’évaluer directement les performances du système retenu.
Un puissant bras de fer face à l’Atmos 2000 israélien et à l’Archer 2 suédois
Bien évidemment, cette perspective n’échappera pas aux autres industriels susceptibles de répondre, eux aussi, à cette demande. Il s’agit, en particulier, du suédois BAE Systems Bofors avec le système Archer, et de l’israélien Elbit, avec l’ATMOS 2000.
Le premier pourra faire valoir l’harmonisation des moyens sur un unique théâtre, et l’adaptation de l’Archer, conçu pour l’armée suédoise, aux conditions arctiques que connaissent les deux pays en hiver. En revanche, celui-ci est beaucoup plus lourd que le Caesar Mk2, 38 tonnes contre 18 tonnes, et sensiblement plus onéreux que le système français, 12 m€ contre 6.

Le second concurrent majeur du Caesar, ici, sera probablement l’Atmos 2000 de l’israélien Elbit. Très proche dans la conception et les capacités avancées du système français, le canon 6×6 israélien a, d’ailleurs, récemment fait de l’ombre au Caesar français, en s’imposant au Danemark et au Brésil.
En outre, Helsinki a, il y a peu, fait le choix de s’équiper sur système antiaérien à longue portée David Sling israélien, face au SAMP-T franco-italien, ce qui indique que les autorités finlandaises ne sont guère sensibles aux arguments de préférence européenne, lorsqu’il s’agit d’équipements de défense.
Il faudra donc à KNDS-France se montrer particulièrement incisif et pro-actif, pour s’imposer dans cette compétition qu’il ne faut, en revanche, rater sous aucun prétexte. Reste à voir si les arguments qui seront avancés par Paris et la BITD-Terre française, sauront effectivement convaincre la Marine finlandaise ?
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Mise à jour du 19/06/24 : Le Caesar MkII favori en Finlande
Un mois après la publication de cet article du 10 juin 2024, des sources internes ont indiqué que le Caesar MkII était bel et bien évalué par la Marine finlandaise, et qu’il serait, d’ailleurs, l’option privilégiée par l’état-major.
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