A l’instar de la France qui déploya ses porte-hélicoptères d’assaut Mistral et Dixmude pour transférer des patients atteints par le Covid19 en Corse, dans l’Océan Indien et dans les Caraïbes, la Marine Russe déployant son navire hôpital Irtysh à Vladivostok à partir du 13 avril 2020 pour alléger la charge des hôpitaux de la région, en passe d’être saturés par l’afflux de malades. Si cet épisode a amené le ministre de La Défense russe, Victor Shoïghou, à reconsidérer l’opportunité de construire un ou plusieurs navires hôpitaux, les contraintes budgétaires et la pression opérationnelle des Chantiers Navals russes risquent fort de, si non annuler, tout du moins reporter un tel programme.
C’est la raison pour laquelle le ministère de La Défense russe a ordonné aux chantiers navals Zaliv, située en Crimée et en charge de la construction des 2 nouveaux porte-hélicoptères de 25.000 tonnes du projet 23900 de la Marine Russe, d’intégrer au design du navire la possibilité de le transformer en navire hôpital, en prédisposant les équipements opérationnels nécessaires à bord du navire. L’objectif de l’Amirauté est de pouvoir profiter des installations existantes à bord, comme le hangar hélicoptères ainsi que les chambres destinées à accueillir les troupes de marines, pour pouvoir accueillir des malades ou des blessés en cas de pandémie ou de catastrophe naturelle. Pour se faire, les espaces pouvant potentiellement être transformés en espace d’accueil de malades recevront des équipements facilitant leur transformation, comme par exemple un réseau de distribution d’oxygène.
Les PHA de la classe Mistral dont sont inspirés les porte-hélicoptères russes sont équipés d’un hôpital comportant 2 blocs opératoires, 1 scanner, 7 lits de soins intensifs et 70 lits médicalisés.
Si le design exact des porte-hélicoptères d’assaut russes Ivan Rogov et Mitrofan Moskalenko, dont la construction a été lancée officiellement lors d’une cérémonie le 20 juillet 2020, n’est pas divulguée, il est plus que probable que les deux navires seront équipés, à l’instar des Mistral français dont ils sont semble-t-il très inspirés, d’un hôpital de campagne complet, incluant bloc chirurgical et scanner. Les PHA de la classe Mistral disposent ainsi d’une infrastructure hospitalière de type 3, comparable à celle d’un hôpital d’une ville de 20.000 habitants, avec 2 blocs opératoires, 7 lits de soins intensifs, une salle radio avec scanner et de 70 lits médicalisés. Ils peuvent, en outre, étendre leur capacité d’accueil à 120 lits si besoin en ajoutant 50 lits dans le hangar hélicoptère.
A l’occasion du salon Army 2020, le responsable de la construction des navires de la société AK bars, Renat Mistakhov, a également précisé que les deux bâtiments pourront accueillir une dizaine d’hélicoptères, qu’il s’agisse d’hélicoptères navals comme les Ka-31, Ka-27 et Ka-52K, comme des hélicoptères terrestres, à l’instar, là encore, de la classe Mistral, qui accueille à son bord la majorité des voilures tournantes en service dans l’Aviation Légère de l’Armée de Terre, ou ALAT, la composante d’aéro-combat de l’Armée de terre française. Les deux navires doivent entrer en service en 2026 et 2027 au sein des forces navales russes.
Le 5 novembre 1956, un corps expéditionnaire franco-britannique débarquait en Egypte pour reprendre le contrôle du Canal du Suez récemment nationalisé par le président Gamal Abdel Nasser, dans une opération militaire organisée conjointement avec Israël qui s’était emparé du Sinaï égyptien quelques jours plus tôt. Malgré les succès militaires de cette coalition, les troupes franco-britanniques se retirèrent après seulement quelques jours, lorsque l’Union Soviétique menaça Paris et Londres de frappes nucléaires. Même si l’OTAN déclaration à ce moment qu’une telle action soviétique entrainerait une riposte de même nature, Washington fit également pression sur ses deux alliés européens pour obtenir leur retrait, en menant une attaque sur la Livre Sterling qui perdit 10% de sa valeur en seulement une semaine.
Cet épisode finit de convaincre les autorités françaises de la nécessité de disposer d’une force de dissuasion nucléaire autonome, pour être en mesure de résister au « chantage nucléaire » effectué par Moscou, et pour le pas dépendre de décisions américaines si le besoin se faisait sentir. En effet, jusque là, le programme nucléaire militaire français s’intégrait dans un cadre purement otanien. Les britanniques, eux, prirent un autre chemin. Même s’ils développèrent également leur propre force de dissuasion, l’épisode de Suez marqua surtout le basculement de Londres vers une alliance intime avec Washington, alliance qui perdure aujourd’hui.
Débarquement des commandos de marine français le 5 novembre 1956 pour s’emparer du Canal de suez. L’opération militaire fut un succès, pourtant la France et la Grande-Bretagne sont sorties affaiblies et humiliées de cette intervention
Si le programme nucléaire militaire français est antérieur à l’arrivée du Général de Gaulle au pouvoir en 1958, c’est cependant à lui que l’on doit son accélération, et notamment le developpement de programmes de vecteurs comme le bombardier stratégique Mirage IV, les missiles sol-sol tactique Pluton ou le sous-marin nucléaire lanceur d’engins Le Redoutable, qui modèleront la dissuasion nucléaire française telle que nous la connaissons aujourd’hui. Mais avec l’arrivée de cette dissuasion s’est imposée une doctrine en France faisant d’elle le rempart ultime à toute forme d’agression majeure, au point qu’en 2013, à l’occasion de la rédaction du Livre Blanc sur La Défense et la Sécurité Nationale, les armées françaises furent ramenées à deux concepts, une dissuasion nucléaire à deux composantes (aérienne et sous-marine) pour assurer la sécurité de la nation, et un corps expéditionnaire renforcé pour protéger les intérêts du pays sur la planète.
Or, aujourd’hui, cette doctrine reste pleinement d’actualité, puisque la Revue Stratégique de 2017 avait pour cadre le respect du Livre Blanc de 2013, notamment en matière de format des armées, et de doctrine. Depuis, la situation internationale et géostratégique a considérablement évolué, avec le retour de certaines menaces issues du passé, comme la résurgence de la puissance militaire russe, et l’émergence de nouvelles menaces ayant un caractère stratégique, comme le renforcement militaire chinois, ainsi que dans les domaines technologiques, avec l’arrivée de la menace Cyber, des armes hypersoniques ou encore des campagnes de manipulation de masse. De fait, il est utile de s’interroger sur l’efficacité effective de cette dissuasion sur laquelle la France battit une grande partie de sa politique de Défense, face aux évolutions géopolitiques et technologiques qui sont en cours.
Le Mirage IV pouvait transporter une bombe nucléaire stratégique AN-22 à prés de 4000 km avec une vitesse de croisière de 1900 km le rendant presque impossible à intercepter
La doctrine de dissuasion française est, comme il se doit, floue dans sa définition : le Président de la République, et lui seul, décide de l’opportunité d’utiliser tout ou partie de cette force contre un adversaire qui menacerait l’intégrité ou les intérêts vitaux du pays. Ce floue est censé tenir en respect un adversaire face à la France, en lui promettant des destructions biens supérieures sur son territoire aux bénéfices qu’il souhaite obtenir en défiant le pays. Pour cela, la France dispose à chaque instant d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engin en patrouille, un navire extrêmement discret capable de tirer des missiles balistiques à longue portée d’une portée de 9000 km, chaque missile emportant 6 à 10 modules nucléaires indépendants de 100 kilo-tonnes chacun. Un second sous-marin de même type est en alerte permanente pour prendre la mer en cas de crise, et renforcer les capacités de frappes nationales. D’autre part, l’Armée de l’Air met en oeuvre deux escadrons d’avions Rafale équipés de missiles de croisière supersoniques ASMPA, capables de frapper dans un rayon de 4000 km une cible d’intérêt stratégique. A noter que les avions Rafale M de la Marine nationale peuvent également mettre en oeuvre ce missile si le besoin se faisait sentir.
De fait, la dissuasion française est effectivement équilibrée, performante, et donc sensément efficace pour dissuader un quelconque adversaire de menacer les intérêts français. Mais cette vision, qui fait office de dogme dans les armées et leur ministère de tutelle, n’est pourtant pas exempt de failles. Car l’arme nucléaire est, intrinsèquement, une arme de non emploi. En effet, son utilisation condamnerait, presque à coup sur, son utilisateur aussi bien que sa cible. Raison pour laquelle elle ne fut pas utilisée en Corée en 1951 lorsque le Général Mac Arthur exigea de bombarder la Mandchourie chinoise, cette dernière étant intervenue contre les forces de l’ONU aux cotés des forces nord-coréennes en octobre 1950 repoussant les forces onusiennes au delà de Séoul, par crainte d’une riposte soviétique dont le premier succès nucléaire remontait à 1949. De même, l’option nucléaire n’a jamais été évoqué durant la guerre du Vietnam, pas plus que le Royaume-Uni n’envisagea sérieusement son emploi contre Buenos Aires après l’invasion des Malouines en 1982.
Le débarquement des forces britanniques dans la Baie de San Carlos le 21 mai 1982
D’autre part, la technologie évoluant, il existe désormais des armes et des doctrines potentiellement stratégiques évoluant sous ce que l’on a commune d’appeler « le seuil nucléaire », comme par exemple les attaque Cyber, ou plus trivialement, les stratégies hybrides, comme celles décrites par le chef d’Etat-major Valeri Gerasimov, et dont un exemple est la prise de la Crimée par les forces russes, sans que ni l’Ukraine, ni l’occident, ne puissent réagir avant le fait accompli. Il est interessant de noter que la fameuse « doctrine Gerasimov » souvent mise en avant n’a jamais été une doctrine offensive, telle qu’on peut le croire, mais une doctrine défensive pour se prémunir contre les stratégies hybrides, Moscou craignant plus que tout l’émergence d’une « révolution de couleur » sur son territoire. Et selon cette doctrine, la réponse à ce type d’agression doit reposer sur l’utilisation conjointe d’une puissante force armée conventionnelle, de capacités hybrides propres, et des forces de dissuasion. Ceci explique pourquoi depuis l’arrivée de Victor Shoïghou au ministère de La Défense russe, et du général Gerazimov à la tête de l »Etat-major des armées en 2012, un effort important a été fait pour reconstituer les forces conventionnelles du pays, notamment en modernisant un grand nombre de blindés hérités de l’époque soviétique, comme les chars T72 et T80.
De fait, pour Moscou, la dissuasion, notamment contre un adversaire potentiellement plus puissant, doit s’appuyer sur une puissance militaire globale et homogène, ainsi que sur une capacité de résilience de la population, notamment face à des tentatives de désinformation ou d’attaque cyber. A ce titre, au delà des efforts budgétaires et industriels pour renforcer les armées et leur efficacité opérationnelle, y compris dans le domaine des armes nucléaires, Moscou a entamé, dès 2017, de reconstruire la résilience civile du pays, que ce soit en intensifiant le discours nationaliste via le contrôle des médias, en renforçant l’indépendance économique, industrielle et agricole, « aidé » en cela par les sanctions américaines et européennes suite à l’annexion de la Crimée, ainsi qu’en s’assurant de pouvoir « déconnecter l’internet russe » du réseau mondial si le besoin venait à apparaitre. Même les citoyens sont mobilisés, Vladimir Poutine ayant appelé chaque foyer russe à disposer en permanence d’une réserve de nourriture et de biens de première nécessité pour faire face à une éventuelle agression.
La prise de la Crimée par des forces russes n’arborant aucune insigne distinctive fut la première opération hybride massive s’étant conclut par l’annexion d’un territoire depuis la seconde guerre mondiale.
L’exemple russe, ainsi que l’exemple chinois qui n’est pas similaire mais s’en rapproche, devrait amener les occidentaux, et notamment français comme britanniques, à prendre en considération les limites d’une stratégie défensive s’appuyant presque exclusivement sur l’arme nucléaire et ses capacités de dissuasion. Comme le montre l’augmentation des crises sévères dans le monde, parfois aux portes même de l’Europe, les risques de voir émerger des conflits impliquants les armées européennes, et notamment françaises, dans un engagement de type symétrique face à des adversaires disposant de la panoplie complète de systèmes d’armes modernes, démontre les limites d’une force armée composée principalement d’éléments projetables légers, et qui manque d’épaisseur et de résilience pour faire face à un adversaire déterminé dans la durée. En outre, la certitude souvent mise en avant de traiter systématiquement ce type de crises dans le cadre d’une vaste coalition internationale ou européenne tient, comme on le voit en Méditerranée orientale aujourd’hui, davantage du voeu pieu que de la réalité opérationnelle.
La dissuasion reste, naturellement, un pilier incontournable de La Défense nationale et européenne. Elle seule est susceptible de contrer le « chantage nucléaire » comme celui auquel firent face français, britanniques et israéliens en 1956. Elle seule est capable d’amener un adversaire déterminé à la table des négociations, comme ce fut le cas lors de la crise des missiles de Cuba en 1962, ou de la crise des Euromissiles en 1983. En revanche, la foi inébranlable dans l’omniscience de la dissuasion dont fait preuve la France s’avère être un pari plus que dangereux. Il semble impératif, désormais, de mener une nouvelle réflexion stratégique objective sur les risques et enjeux qui se profilent et qui, parfois, sont déjà là, pour en déduire une nouvelle doctrine alliant dissuasion, forces conventionnelles et résilience collective, que ce soit à l’échelle nationale ou européenne. Faute de quoi, Français comme européens pourraient bien n’avoir d’autre choix que d’être les spectateurs de leur propre déchéance.
Le constat du Contre-Amiral Eric Ver Hag, commandant le bureau supervisant la maintenance et la modernisation des navires de l’US Navy, est sans appel. Selon lui, la Marine Américaine n’a aujourd’hui pas les capacités industrielles suffisantes pour entretenir et moderniser sa flotte en temps de paix. Si un conflit devait éclater, prédit l’officier général américain en faisant référence, sans la citer, à la Chine, l’US Navy n’aurait tout simplement pas les moyens de réparer les navires endommagés suffisamment vite pour soutenir une action militaire dans le temps.
Ce constat fait écho aux conclusions d’une étude interne du Corps de Marines des Etats-Unis, publié en début d’année, qui mettaient l’accent sur l’absence de réponse industrielle suffisante pour réparer les navires de l’US Navy dans le cadre d’un conflit de haute intensité. A contrario, d’autres pays, comme la Chine mais également la Russie, ont sensiblement modernisé et augmenté leurs capacités dans ce domaine, si bien que même avec une flotte de départ plus importante, les Etats-Unis pourraient bien se retrouver rapidement en infériorité numérique si un conflit venait à durer.
La maintenance des navires de l’US Navy subit aujourd’hui de nombreux retards, créant une attrition structurelle alors même que la pression opérationnelle ne cesse de croitre.
L’US Navy fait face, dans ce domaine, à trois problèmes concomitants :
La durée des interventions de maintenance a été considérablement étendue ces dernières années, entrainant un ralentissement global des capacités de soutien des chantiers navals US
Le nombre de chantiers navals acceptant de faire de la maintenance et de la réparation est faible. Il n’y aurait, aujourd’hui, que 4 chantiers navals effectuant ces travaux, et certains grands chantiers navals refusent tout simplement de le faire, préférant se concentrer sur la production de nouveaux bâtiments.
Il existe de nombreux chantiers navals de taille moyenne qui pourraient prendre en charge ce type de travaux, mais il ne sont pas équipés ni accrédités pour travailler sur des navire militaires.
En outre, si les capacités actuelles sont déjà insuffisantes en temps de paix pour une flotte de moins de 300 navires en service dans l’US Navy, l’objectif d’une extension de la flotte à 355 navires, comme l’avait ordonné le président Trump, ne pourrait être envisagé sans un effort particulièrement notable dans le domaine de la Maintenance ce qui, nécessairement, augmenterait les besoins budgétaires de l’US Navy, alors que tout indique que les armées américaines soient contraintes, dans les années à venir, à se serrer la ceinture, plutôt qu’à consentir à de nouveaux investissements.
Le programme LCS Indépendance et Freedom aura consommé des masses de crédits considérables pour des navires ayant un potentiel militaires extrêmement faible, alors que désormais, l’US Navy ne parvient pas à maintenir son avantage face à la Chine.
Alors que les risques de conflits notamment avec la Chine augmentent chaque jour, l’US Navy tire désormais la sonnette d’alarme, et ce d’autant plus que dans le même temps, les chantiers navals chinois ont, eux, pleinement pris en compte ce besoin, et multiplié les infrastructures de maintenance de sorte à maintenir les capacités des infrastructures de production dédiées à cette mission. Ainsi, de récentes observations satellites ont montré que le chantier naval de Hainan, dans le sud du pays, avait presque terminée la construction d’une immense cale sèche de maintenance, conçue spécialement pour les travaux de maintenance des très grandes unités navales comme les porte-avions. Ces capacités de maintenance ont été considérablement renforcées ces dernières années par Pékin, de sorte que la marine de l’Armée Populaire de Libération est désormais proche de pouvoir soutenir l’attrition consécutive d’un conflit de haute intensité.
La Chine n’est pas la seule à avoir fait un effort important dans ce domaine. La Russie, en effet, achève un vaste programme de modernisation de ses infrastructures de construction et de maintenance des unités navales, même si la marine n’avais, jusqu’ici, jamais été particulièrement privilégiée par la planification militaire de Moscou. Les conséquences de ce programme se font sentir depuis quelques mois, avec la réduction très sensible des délais de construction des unités navales. Là ou il fallait avait une décennie pour achever une frégate ou un sous-marins, il n’en faut désormais que la moitié, voir moins, permettant à Moscou d’accélérer le remplacement des unités obsolètes issues de l’ère soviétique. En outre, les capacités de maintenance et de modernisation se sont également grandement améliorées, et de nombreuses unités majeurs de la marine russes, comme les destroyers Udaloy, vont connaitre une phase de modernisation très ambitieuse. Enfin, Moscou est désormais à ce point confiant dans son industrie navale que de grands programmes sont lancés, comme les porte-hélicoptères d’assaut du projet 23900.
Une chose est certaine, contrairement à l’idée largement répandue d’une supériorité tactique et stratégique de l’occident, et notamment des Etats-Unis, sur la Chine, argument très souvent opposé à la montée en puissance des capacités militaires et industrielles chinoises, il apparait aujourd’hui que, même à court terme, Pékin disposera d’un outil militaire bien mieux dimensionné pour soutenir une campagne militaire intense, notamment contre les Etats-Unis et leurs alliés. Contrairement à l’empire du Japon durant la seconde guerre mondiale, la Chine Populaire a fait porter ses efforts dans le developpement d’une capacité globale basée sur la logistique et sur l’industrie du pays.
Ainsi, même si ils en ont la capacité industrielle, les stratèges chinois n’ont pas cherché à construire le navire le plus puissant, l’avion le plus furtif ou le missile le plus rapide. En revanche, Pékin dispose aujourd’hui, et de manière indiscutable, de l’outil industriel militaire le plus performant, capable de produire en 2 ans l’équivalent de la flotte de la Marine nationale, ou de la flotte de chasse d’un grand pays européen. Comme nous l’avions titré il y a quelques mois, la Chine a effectivement, aujourd’hui créé une situation de surprise stratégique vis-à-vis de l’occident, qui peine encore à décider comment y répondre, comme sidéré par ces changements aussi rapides qu’importants.
La course au developpement d’un moteur capable de propulser un aéronef de sa course de décollage à une vitesse hypersonique est belle et bien lancée, et le britannique Rolls-Royce a visiblement l’intention de ne pas se laisser distancer. Le vétéran de la conception des moteurs d’avions est à l’origine de certains moteurs mythiques comme le Merlin qui équipait les Spitfire et les Mosquito lors de la seconde guerre mondiale, le RB.41 Nene qui fut l’un des premiers turboréacteurs fiable employé sur le De Havilland Vampire et le F9F Panther, et dont les versions sous licences propulsèrent les Ouragan et Mystère IV français, mais aussi le Mig 15 et Mig17 soviétiques, jusqu’au turboréacteur EJ200 qui équipe les Eurofighter.
Le turboréacteur EJ200 de Rolls-Royce équipe les Eurofighter Typhoon
La société a en effet annoncé un partenariat avec Reaction Engines, la Startup britannique spécialisée dans la conception de moteurs hypersoniques, et injectera 20 m£ dans le programme de Recherche et de Developpement de l’entreprise pour developper une base technologique de moteur hypersonique de type Scramjet. Le motoriste britannique multiplie les annonces dans le domaine du vol rapide, après avoir annoncé sa participation au programme Virgin Galactic en aout, visant à concevoir un appareil suborbital évoluant à Mach 3. Plus tôt cette année, Rolls-Royce avait également annoncé sa participation au programme Ouverture de Boom Aerospace, cherchant à developper un appareil de transport évoluant à Mach 2.2. Outre le volet civil, la technologie du vol rapide (supérieurement à Mach 2) est également au coeur du programme Tempest, avec l’objectif de developper un moteur capable de soutenir un vol bi ou tri-sonique dans la durée pour le futur appareil britannique.
Plusieurs projets s’attachent aujourd’hui à résoudre le problème de l’élévation de la température à l’entrée des moteurs de type ScramJet à partir de Mach 3. En effet, au delà de cette vitesse, il devient difficile de ralentir le flux d’air et de le refroidir pour assurer une combustion controlée d’un carburant classique au coeur du moteur. Jusqu’ici, les moteurs Scramjet s’appuyait sur des carburants non conventionnels, comme l’hydrogène, mais leur utilisation n’est pas envisageable dans un cadre d’exploitation civile et même militaire. Les programmes actuels, comme le programme SABRE de BAe développé par le même Reaction Engines, se concentrent sur la conception d’un dispositif de refroidissement du flux d’air à l’entrée du moteur, de sorte à permettre une combustion maitrisée avec un carburant classique, comme le kérosène.
En 2010, la Royal Air Force justifiait, en partie, le retrait de ses 72 Harrier du service par le fait que la mise en oeuvre d’une flotte aussi restreinte d’appareils était à la fois compliquée et très onéreuse. C’est pourtant bien ce qui risque de se produire dans les années à venir, puisque selon la presse britannique, le gouvernement de Boris Johnson envisagerait sérieusement de diviser par 2 le parc de 138 F35B, dont l’acquisition était planifiée sur la première moitié de la durée de production de l’appareil américain. Les économies réalisées, représentant au moins 8 Md£ sur le simple budget acquisition, serait alors fléchées sur le programme Tempest, dont l’entrée en service est maintenue pour 2035. Le sujet avait, par ailleurs, été déjà abordé il y a deux ans avant l’élection de Boris Jonhson.
Comme nous l’avons abordé hiers, le gouvernement britannique, qui fait face à d’immenses tensions budgétaires liées à la crise Covid19, doit mener des arbitrages sévères, notamment pour les armées britanniques déjà largement éprouvées par les déploiements successifs en Irak et Afghanistan lors de la décennie précédente. Londres envisagerait en effet de se doter non pas d’une armée globale, capable d’intervenir dans tous les domaines, mais d’une armée spécialisée dans le soutien des forces alliées, qu’il s’agisse d’appuis feu, d’appuis logistiques ou d’appuis cyber. Dans ce modèle, une flotte de 80 appareils serait suffisante pour armer conjointement les 2 porte-avions de la classe Queen Elizabeth à 24 aéronefs par navire.
En revanche, cette décision limiterait sensiblement le format de la Royal Air Force pour prés 15 ans, celle-ci ne mettant en oeuvre que 125 Eurofighter Typhoon en plus des F35B destinés à équiper les porte-avions britanniques. En effet, comme le montre l’emploi intensif auquel fait face l’Armée de l’Air française depuis une dizaine d’année, une flotte de 220-240 appareils ne permet de déployer, de manière soutenue, que 15 appareils en opération extérieure, un nombre particulièrement faible pour un pays qui souhaite se « spécialiser » dans le soutien des opérations exterieures. De fait, et eu égard à l’augmentation des tensions auxquelles la Grande-Bretagne et l’Europe devront faire face conjointement, il serait probablement nécessaire d’augmenter dans les prochaines années le nombre d’eurofighter Typhoon en service dans la Royal Air Force, pour atteindre une flotte au moins égale à 200 appareils, aussi bien pour défendre l’espace aérien national britannique que pour répondre aux sollicitations croissantes de ses alliés.
Une nouvelle commande de Typhoon pour la RAF serait loin d’être une mauvaise solution pour Londres. Outre le retour budgétaire sur les investissements consentis très largement supérieurs lorsqu’il s’agit d’un appareil construit par sa propre industrie, les Typhoon Block III n’ont plus guère en commun avec les appareils de la première tranche, qui étaient avant des avions de suprématie aérienne. A l’instar du Rafale français, le Typhoon a en effet largement étendu sa palette de mission et de munition au fil des années, en faisant désormais un appareil performant dans le domaine du soutien aérien ou de la pénétration. Rappelons également que le consortium Eurofighter avait proposé une version spécialisée dans la guerre électronique de l’avion européen, version malheureusement rejetée par Berlin qui lui a préféré le EA18 G Growler, afin de disposer d’un parc suffisant de plate-forme Super Hornet suffisant eu égard à la mise en oeuvre de la dissuasion de l’OTAN.
La décision montrerait enfin la détermination britannique de mener le programme Tempest à son terme. Comme nous l’avions évoqué dans un article récent, Londres est presque seul pour financer le programme, le soutien suédois et italien étant, pour l’heure, de l’ordre du symbolique. Pourtant, le premier ministre Boris Johnson ne faiblit pas dans ce dossier, en dépit des difficultés sévères qui touchent les finances publiques. Il est vrais que nombreux sont ceux, outre-manche, à mettre en doute la pérennité du programme franco-allemand SCAF, et affirment presque ouvertement que le programme Tempest sera prêt à accueillir espagnols, italiens et surtout Allemands lorsque le SCAF aura périclité, dans une redite de ce que fut le programme Eurofighter face au programme Rafale français.
Reste que les annonces successives portant sur des réductions de format des armées britanniques ne sont guère de bon augure dans le contexte géostratégique européen actuel. Traditionnellement, Français et Britanniques agissaient le plus souvent de concert, avec des forces sensiblement égales, pour représenter la composante « Européenne » dans les engagements coalisés. Si les capacités militaires conventionnelles britanniques venaient à diminuer, même temporairement, la pression sur les armées françaises seraient encore accrue, car il semble illusoire d’espérer un niveau d’engagements comparables de la part de l’Italie ou de l’Allemagne à celui de la Grande-Bretagne.
HMS QUEEN ELIZABETH ARRIVES IN GIBRALTAR FOR FIRST OVERSEAS VISIT
The Royal Navy’s new aircraft carrier HMS Queen Elizabeth will arrive in Gibraltar today for her first overseas port visit.
The 65,000 tonne future flagship will be conducting a routine logistics stop having left her home in Portsmouth last week for helicopter trials.
Images By PO PHOT Dave Jenkins
En tout état de cause, les bouleversements profonds qui se dessinent en Europe comme dans le Monde justifieraient sans le moindre doute une nouvelle réflexion stratégique dimensionnante, comme les Livres Blancs qui encadrent l’évolution des forces armées de nombreux pays en Europe. En France, sur qui la pression opérationnelle ne cesse de croitre aussi bien en Europe qu’en Méditerranée, au Moyen-Orient et dans la zone Indo-Pacifique qui abrite plus d’un million de ressortissants nationaux, le dernier Livre Blanc, toujours en vigueur, a été rédigé en 2013, et nombreux furent ceux qui, lors de sa présentation, le jugèrent trop optimiste. La situation économique et sanitaire en Europe est cette préoccupante, mais ce n’est certainement pas en ignorant les évolutions en cours que la sécurité des européens et de leurs intérêts pourra être garantie.
A l’issue du sommet des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne au sujet des tensions en Méditerranée orientale organisé à la demande d’Athènes, Berlin avait été très critique au sujet de l’envoi de navires français et d’avions Rafale en Mer Egée, pour tenter de faire pression sur le président Turc et de mettre fin à la mission d’exploration gazière du navire turc Orus Reis et de son escorte militaire. Pour la chancellerie allemande, largement convaincue des bienfaits de la négociation et du soft-power, l’attitude de la France ne faisait qu’ajouter de l’huile sur le feu dans les relations déjà explosives entre les deux pays. A l’occasion de la rencontre entre la chancelière allemande Angela Merkel et de son homologue français Emmanuel Macron au fort de Brégançon la semaine dernière, les positions allemandes n’avaient pas évolué, même si les deux dirigeants européens tentèrent de faire valoir le caractère complémentaire des deux initiatives.
Et ce matin, pour un court instant, Berlin a pu penser avoir eu raison, en arrachant des représentants turcs et grecs la promesse d’engager des négociations. Mais la joie fut de courte durée. Quelques minutes après cette annonce, le président turc R.T Erdogan s’exprimait en effet pour affirmer que le pays ne ferait aucune concession concernant ses revendications gazières en Méditerranée orientale, ajoutant, comme à son habitude, que toute « erreur » de la part de la Grèce la mènerait à « sa ruine », selon ses propres termes. Et de son ministre des affaires étrangères d’ajouter que si la Grèce tentait de s’y opposer, la Turquie multiplierait les déploiement et les exercices dans toutes la zone, façon de faire peser la menace non seulement sur les champs gaziers chypriotes, mais aussi sur les iles grecques qui constellent la mer Egée et la mer Ionienne.
Si les forces ariennes mettent en oeuvre une cinquantaine de mirage-2000, beaucoup sont aujourd’hui immobilisés par manque de maintenance en raison du faible budget des armées helléniques
La réponse grecque n’a guère tardé, puisque le premier ministre Kyriakos Mitsotakis a annoncé sur twitter, peu de temps après, l’extension de la zone côtière de la Grèce de 6 à 12 nautiques, de quoi faire enrager Ankara eu égard à la proximité de certaines iles grecques avec les cotes turques. Mais la tension reste forte à Athènes, ou les autorités grecques savent pertinemment qu’il sera très difficile de s’engager dans un conflit contre les armées d’Ankara, qui disposent d’un avantage numérique substantiel. Et ce d’autant qu’en cas de conflit, le président turc pourrait bien être tenté d’aller au delà des champs gaziers de la Mer Egée, en récupérant certaines iles grecques comme Lesbos, ainsi que la partie indépendante de l’ile de Chypre, pourtant membre à part entière de l’Union européenne. En outre, Athènes redoute une offensive blindée en Thrace venant de l’enclave européenne turque d’Istanbul.
Après près d’une décennie de budgets défense faméliques liés aux restrictions drastiques imposées par Berlin et L’UE sur le pays après l’implosion budgétaire de 2011, les armées grecques sont aujourd’hui en situation de sous-équipement, et une partie non négligeable des équipements en service souffrent d’un manque d’entretient et de modernisation. Si un conflit armé devait intervenir avec la Turquie, qui a vu son budget militaire multiplié par 3 en 20 ans, pour atteindre 20 Md$ par an aujourd’hui, contre 5 Md$ pour la Grèce, la résistance hellénique dépendrait en grande partie du soutien qu’apporteraient les alliés européens.
Le navire d’exploration gazière turc Orus Reis continue ces prélèvements en mer Egée jusqu’au 27 aout 2020, escorté par plusieurs frégates et corvettes de la marine turque
C’est précisément sur ce point que les visions françaises et allemandes divergent radicalement. Paris est un allié traditionnel de la Grèce, et Emmanuel Macron n’a cessé de pointer les dérives autoritaires et expansionnistes du leader turc en Syrie, en Libye ainsi qu’en Méditerranée Orientale. De fait, les autorités françaises comprennent parfaitement le besoin de renforcement militaire grec ainsi que son urgence, raison pour laquelle la France a multiplié les déploiements dans la zone, sans toutefois franchir le rubicon en offrant au président Erdogan un casus belli, mais sans craindre de devoir s’engager aux cotés d’Athènes si la situation l’exigeait. Pour Berlin, il en va tout autrement. La chancelière Merkel, habituée aux exactions du président rue du fait de l’importante diaspora turque en Allemagne, estime que les pressions diplomatiques et économiques, ainsi que la patience, constituent l’unique porte de sortie de cette crise, refusant catégoriquement d’envisager le recours à la force armée.
Quand aux autres européens, ils sont d’une remarquable passivité, que ce soit de la part de Rome pourtant influant en Turquie et se voulant « la première Marine de Méditerranée », ou de la Grande-Bretagne qui dispose pourtant d’une importante base militaire sur l’ile de Chypre, ni d’aucun autre. Washington, pour sa part, est hors course, le président américain étant entièrement focalisé sur sa campagne électorale en vue de sa réélection menacée, au point qu’aucune déclaration n’est venue d’Outre-Atlantique lorsqu’Ankara a annoncé commander un second régiment de missiles S400. Alors que l’Union européenne semble avoir céder les reines à Berlin et Paris dans ce dossier, l’OTAN pour sa part est inaudible, peinant à trouver une solution qui permettrait d’empêcher la sortie de la Turquie de l’Alliance, sujet considéré comme Stratégique à Washington.
L’annonce d’une nouvelle commande de S400 russes par Ankara n’a, pour l’heure, déclenché aucune réaction forte de la part de Washington ni de l’OTAN.
Une chose est certaine, aujourd’hui, Athènes est sur la défensive, et n’a plus guère de capacité à reculer pour empêcher la dérive vers un conflit armée. Dans le même temps, le président turc est déterminé à s’imposer aussi bien militairement que sur le plan intérieur, encouragé en cela par l’absence de réaction des américains comme des européens depuis 4 ans, quelques soient les dossiers. C’est donc aujourd’hui à Paris de prendre l’initiative, aussi bien pour tenter de fédérer, un par un, les pays européens pour construire une coalition et renforcer La Défense grecque le cas échéant, mais également pour amener Washington à mettre en oeuvre des sanctions fortes contre Ankara, de sorte à affaiblir le président Erdogan sur le plan intérieur, et donc de l’empêcher de nuire à l’international. Faute de quoi, le président turc n’aura effectivement aucune raison de renoncer à ses revendications, comme la Chine n’a pas renoncé à la mer de Chine, ou la Russie n’a pas renoncé à la Crimée, et comme l’Allemagne nazie n’avait pas renoncé à l’Autriche ou la Tchécoslovaquie, avant d’en vouloir plus, beaucoup plus ..
Selon une information qui circule sur les Réseaux sociaux grecs, Athènes aurait ouvert des discussions avec Paris en vue d’acquérir un escadron d’avions Rafale, soit 12 appareils. Aucune confirmation ni des autorités grecques, ni des autorités françaises n’a été publiée, mais l’information est loin d’être sans fondement aucun. En effet, un simple escadron de Rafale serait, à lui seul, capable de profondément bouleverser le rapport de force en Mer Egée face aux forces aériennes, navales et anti-aériennes turques.
Alors qu’Ankara a officialisé une nouvelle commande de systèmes anti-aériens S400, Athènes, qui reste dans une impasse semble-t-il concernant le cout des frégates FDI de Naval Group, pourrait se tourner vers une nouvelle solution pour compenser son infériorité numériques face aux forces navales et aériennes turques. En effet, selon des journalistes spécialisés Défense grecs, les autorités françaises et helléniques seraient en pourparler concernant l’acquisition de 12 avions de combat Rafale par l’Armée de l’Air hellénique, dans une manoeuvre qui permettrait, au moins pour un temps, d’inverser le rapport de force en Mer Egée.
According to NedosVassilis of Kathimerini_gr, #Athens is in talks with #Paris for the procurement of 12 #Rafale fighter aircraft while #Spain and the #UK are interested in supplying frigates to #Greece.
En effet, le Rafale offre à la fois une disponibilité très élevée, comme le démontre l’utilisation qui en est faite à bord du porte-avions Charles de Gaulle avec une disponibilité de mission égale à 95%, ainsi qu’une polyvalence extrême, l’appareil étant aussi efficace dans les missions Air-Air que dans les missions de suppression ou de pénétration. Equipés de missiles MICA et Meteor, le Rafale et son radar AESA RBE 2 a une allonge d’interception, mais également une allonge concernant la Non-Escape Zone de ses missiles, inégalée par les F16 Block 52+ turcs et leurs AIM120. En outre, les missiles de croisière SCALP et les bombes propulsées A2SM confèrent à l’appareil une capacité de frappe à distance de sécurité très importante, en particulier en présence de relief.
Si un tel contrat venait à être signé, il est plus que probable que les pilotes grecs sélectionnés soient issus des forces aériennes équipées de mirage 2000-5, habitués aux équipements français, et notamment à l’emploi des missiles MICA. Il faut rappeler qu’en Grèce, il existe une réelle compétition entre les escadrons Mirage et les escadrons F16, et qu’il est commun pour un pilote de rester sur son type d’appareil durant sa carrière. Par ailleurs, pour une flotte aussi restreinte, la formation des équipages comme des personnels de maintenance pourrait être économique et rapide, surtout si, comme dit précédemment, ceux-ci proviennent des escadrons mirage des forces aériennes helléniques. Notons que si 12 appareils peuvent paraitre un faible nombre, l’expérience acquise par les flottilles de l’aéronautique navale montre qu’un tel format est suffisant pour garantir une capacité permanente de 2 appareils sur une longue durée pour les missions de défense aérienne, et une capacité de mission de 4 voir 6 appareils. Et ce d’autant plus si la France venait à renforcer le disposait défensif grec en envoyant ses propres appareils.
En revanche, il est plus que probable qu’une telle annonce entrainerait une réponse vigoureuse d’Ankara, qui pourrait fort bien, dans ce cas, accepter l’offre russe concernant l’acquisition de Su-35s voir, ultérieurement, de Su-57e. Toutefois, une telle décision exposerait une nouvelle fois la Turquie à la législation CATSAA américaine, avec le risque de voir, cette fois, Washington effectivement se montrer très irrités par le président Erdogan. En d’autres termes, cette fuite journalistique pourrait bien être destinée à provoquer les autorités turques dans une réponse qui condamnerait, à court terme, l’avenir politique de son président, en déclenchant un train de sanctions économiques de la part des Etats-unis.
Reste que les médias Défense grecs ont souvent relayé des informations erronées concernant de possibles acquisitions des armées du pays. Il ne s’agit là que du reflet de la fébrilité qui règne aujourd’hui au sein du ministère de La Défense à Athènes, qui doit faire beaucoup avec très peu de moyens, et qui étudie toutes les opportunités qui se présentent pour tenter de compenser l’abysse budgétaire qui sépare les armées grecques, et leurs 4,5 Md€ par an, des armées turques, avec 20 Md$ chaque année. Il faudra donc attendre une éventuelle confirmation avant de donner du poids à cette fuite. Mais dans le contexte actuel, et eu égard aux tensions entre Paris et Ankara, et notamment entre le Président Macron et son homologue truc le président Erdogan, il n’est pas exclu qu’une solution puisse être effectivement trouvée dans des délais courts pour mettre en oeuvre ce projet.
Le Département de La Défense australien vient de confier aux sociétés Thales Australia et Australia’s Trusted Autonomous Systems, un budget de 15 m$ pour entamer les travaux de recherche dans le but de developper une solution robotisée pour détecter et neutraliser les mines sous-marines. Les deux entreprises australiennes devront étudier et tester les solutions offertes en matière de drones sous marins et des navires de surface autonome pour garantir le libre accès aux voies maritimes entourant le pays. Plusieurs acteurs locaux et laboratoires d’universités sont intégrés au programme qui devra, selon les autorités australiennes, reposer sur de nombreuses technologies comme l’Intelligence Artificielle, le Big Data et la cyber securité.
Le système SLAMF lors de la démonstration de juin 2019
Thales pourra s’appuyer sur l’experience acquise au sein du programme franco-britannique de guerre des mines SLAMF (Système de Lutte Anti-Mines du Futur) ou MMCM (Maritime Mine Counter Measures) initié en 2012 dans le cadre des accords de Lancaster House. Après la démonstration en juin 2019 des capacités exceptionnelles du programme franco-britannique co-développe avec BAe, le système ayant une acuité de détection 30 fois supérieure à celle des équipements actuellement en service, le Ministère de La Défense français a ainsi commandé 4 modules composés de 2 unités autonomes de surface, 3 unités autonomes sous-marines et une unité sous-marine télé-opérée en juin 2020, avec une livraison attendue pour 2023.
Avec l’intensification des tensions entre la Chine et les Etats-Unis et leurs alliés, Canberra a profondément fait évolué sa doctrine de Défense, ainsi que son budget dédié qui augmentera de 40% dans les années à venir, afin de renforcer les capacités défensives des 3 armées. Ainsi, l’armée royale australienne a lancé un vaste programme d’acquisition de blindés et d’hélicoptères, la Royal australien navy plusieurs programmes dans le domaine des unités de surface et sous-marines, et la Royal Australian Air Force a fait l’acquisition de F35A ainsi que de EA18G Growler, offrant aux armées australiennes une cohérence opérationnelle remarquable à partir de 2030.
Cela faisait déjà plusieurs années que le sort des quelque 227 chars Challenger 2, dont 160 sont en service, et des 388 véhicules de combat d’Infanterie Warrior des armées britanniques, était menacé. Il semble qu’aujourd’hui, les économies requises face à la crise du Covid19, ainsi que les évolutions en cours sur les théâtres géostratégiques, aient fini par seller le sort de chars de la première force armée au monde qui mit en œuvre ce type d’armement.
En effet, dans un article parut ce jour, le quotidien britannique « The Times », annonce que les autorités du pays seraient prêtes à mettre sous cocon l’ensemble du parc de chars lourds et les véhicules de combat d’Infanterie chenillés du pays, et de spécialiser les armées britanniques dans des fonctions de soutien, comme le soutien aérien rapproché grâce à ses hélicoptères AH64 Apache, le soutien logistique grâce à ses CH47 Chinook, ainsi que le soutien cyber.
Le projet britannique est loin d’être dénué de sens. Par sa configuration insulaire, le Royaume-Uni n’est pas le mieux placé pour déployer rapidement des unités blindées lourdes si une crise en Europe venait à survenir. En outre, pour les mêmes raisons, le pays est beaucoup moins susceptible d’être menacé lui-même par une force blindée lourde.
Dans le même temps, et comme le montre les opérations extérieures auxquelles ont participé les forces britanniques ces 15 dernières années, ce sont précisément ces capacités de soutien, mais également de frappe aérienne et de puissance navale, qui sont le plus souvent requises de la part des alliés de Londres.
Ainsi, les CH47 Chinook de la Royal Air Force apportent des capacités de mobilité plus que bienvenues aux forces françaises déployées dans le cadre de l’opération Barkhane au Mali.
Les CH47 Chinook de la Royal Air Force apportent une mobilité très appréciée aux unités françaises déployées au Mali
Mais même si elle repose sur une analyse plus ou moins factuelle, la décision britannique repose avant tout sur des considérations budgétaires. En effet, alors que la Grande-Bretagne a accepté de perdre le contrôle de son industrie de blindés lourds, le parc de blindés lourds de l’Armée Royale est aujourd’hui lourdement frappé d’obsolescence, alors que Londres doit concomitamment soutenir le développement de nombreux programmes d’armements, et faire face aux conséquences lourdes de la crise Covid-19 sur l’économie britannique, et ce, d’autant plus que, ne faisant plus partie de l’Union européenne, le pays ne peut prétendre au plan d’investissement mis en place par Bruxelles.
Mais les armées britanniques paient surtout, 10 ans après leur retrait, les conséquences de l’intervention aux côtés de Washington en Afghanistan et surtout en Irak, deux opérations qui auront proprement lessivé les capacités militaires du pays, dans un schéma qui n’est pas sans rappeler celui qui prévalu à la fin de la seconde guerre mondiale.
On peut tout de même s’interroger de la pertinence d’une telle approche unilatérale de Londres dans le contexte actuel. En effet, de nombreux facteurs indiquent que les crises à venir, voir les conflits, auront une intensité bien supérieure à celles qui marquèrent le début du 21ᵉ siècle.
Dès lors, le besoin de chars lourds pourrait bien rapidement s’imposer à toutes les armées occidentales, à l’inverse de ce qui se produisit dans les années 2000. Or, les autorités britanniques ont pu, récemment, faire l’expérience de ce que représente la reconstitution de capacités « mises en sommeil » pour un temps.
En effet, en 2010, le gouvernement britannique décida de ne pas remplacer ni moderniser ses avions de patrouille maritime Nimrod, entrainant la mise en sommeil de ses unités dès 2011. Mais 5 ans plus tard, en 2016, face à la montée en puissance des tensions navales avec Moscou, et notamment du renforcement de la puissance sous-marine russe, Londres dû passer commande de neuf avions de patrouille maritime P8 Poseidon auprès de l’avionneur américain Boeing, et de financer, à grands frais, la formation des équipages aux Etats-Unis.
Le retrait des Nimrod de la RAF en 2011 fit perdre tout le savoir-faire en matière de patrouille maritime à la Grande-Bretagne en seulement quelques années.
Cet épisode pourrait bien se reproduire à l’identique dans les années à venir si les autorités britanniques venaient à effectivement « mettre sous cocon » leurs chars Challenger 2 et VCI Warrior, ce qui entrainerait irrémédiablement des pertes de compétences extrêmement dommageables aux armées du pays, et extrêmement onéreuses si le besoin s’imposait à nouveau dans les années à venir. Il conviendrait, dès lors, de faire preuve d’une extrême prudence, quant à la mise en œuvre de cette décision, tout du moins de manière isolée.
En effet, si Londres venait, a contrario, à développer un véritable partenariat stratégique avec une autre puissance européenne, comme l’Allemagne ou, plus probablement eu égard à la culture interventionniste des deux pays, avec la France, il serait effectivement possible de spécialiser des pans entiers de la Défense de chacun des deux pays, au profit de la Défense de chacun.
Ainsi, Paris, en tant que puissance continentale, pourrait renforcer ses forces blindées lourdes, pendant que Londres assurerait l’essentiel des investissements en matière de transport aérien stratégique, de drones navals et de force cyber, par exemple.
Une telle coopération était exactement celle recherchée par les accords de Lancaster House en 2011 entre la France et la Grande-Bretagne. Mais ce sont surtout les défections britanniques, qu’il s’agisse de la coopération navale ou dans le domaine des drones de combat, qui entamèrent la portée de ces accords, et la confiance réciproque entre les deux alliés.
Le programme Tempest va peser sévèrement sur le budget des armées britanniques, alors qu’un rapprochement avec le SCAF franco-allemand permettrait des économies substantielles voir des approches complémentaires très profitables.
Quoi qu’il en soit, dans les circonstances actuelles, si le projet présenté par The Times venait à être mis en œuvre, il s’agirait, incontestablement, d’une décision économiquement et stratégiquement plus que contestable, dictée par des considérations à court terme bien peu compatibles avec le contexte géostratégique en évolution.
Il existe bien d’autres sources de dépenses au ministère de La Défense britanniques qui pourraient être revues à la baisse, voire optimisées, comme l’acquisition de chasseurs Typhoon en lieux et place de F35 américains, ou le rapprochement entre le programme Tempest et le FCAS franco-allemand, ainsi qu’en intégrant le programme MGCS.
Une chose est certaine, ce n’est certainement pas en envoyant outre atlantique la moitié de ses crédits d’équipements que La Défense britannique pourra recoller à un modèle efficace et soutenable dans la durée…
Après les échecs des chars T80 russes qui entrèrent dans Grozny en 1994 lors de la première guerre de Tchétchénie, et celui des Abrams américains engagés contre la guérilla irakienne, beaucoup d’experts prédirent la fin prochaine du concept de Char de Combat, un blindé lourdement armé et protégé destiné à rompre les lignes ennemies tant par sa puissance de feu que par son impact psychologique. Selon eux, les progrès enregistrés par les armes anti-chars et les vecteurs qui les mettent en oeuvre condamnent l’efficacité de ces systèmes d’arme, au profit de blindés beaucoup plus mobiles et de moyens aéroterrestres.
Visiblement, l’Etat-major russe ne partage pas cette appréciation de l’avenir. Non seulement la Russie a été le premier pays, et aujourd’hui encore le seul, à developper effectivement une nouvelle génération de chars de combat, la série T-14 Armata, présentée officiellement pour la première lors du défilé de la victoire le 9 mai 2015 sur la Place Rouge, et qui doit entrer en service dans les premières unités russes à partir de 2021, mais le pays a entrepris de moderniser une part significative de ses chars de combat existants T72, T80 et T90, pour en faire de redoutables adversaires sur le champs de bataille. Et aujourd’hui, malgré leurs limites économiques, les armées russes disposent encore de la plus grande formation de chars de combat lourds modernes en service, alors qu’en Europe, les parcs se sont atrophiés à des niveaux presque symboliques, la France n’ayant que 225 chars Leclerc en service, l’Allemagne 360 Leopard 2, et la Grande-Bretagne 160 Challenger 2.
Exporté dans 8 pays, dont l’Inde et l’Egypte, le T90 est aujourd’hui un des chars les plus exportés au monde, après l’abrams américain et le Leopard 2 allemand.
Malgré les avancés indiscutables du T14 Armata sur ses contemporains occidentaux, comme la tourelle entièrement automatisée, la conception modulaire, la capsule de survie et la blindage actif Afghanit, Moscou semble déterminé à conserver l’avantage dans ce domaine, notamment face au programme franco-allemand MGCS qui doit concevoir un nouveau char combat qui entrera en service entre 2035 et 2040. Dans cette optique, le 38ème Institut de recherche et de tests des équipés blindés et des armements s’est vu confier la tache de concevoir le remplaçant du T14, un char qui devra entrer en service en 2040, concomitamment au MGCS européen.
Selon le Colonel Yevgeny Gubanov, directeur adjoint du 38ème Institut, le nouveau char reposera sur une architecture en deux modules, comme l’Armata, un module avant destiné à recevoir la capsule blindée des 3 membres d’équipage, et un module central qui recevra la tourelle automatisée, ainsi que des drones terrestres et aériens pour mener les opérations de reconnaissance et de déminage autour du blindé. Surtout, le char mettra en oeuvre un armement de nouvelle génération, dont un nouveau canon automatique Electro-thermochimique, qui remplace la poudre traditionnelle par un gel beaucoup plus résistant à la chaleur, évitant les risques d’explosion secondaires le char venait à être touché, et capable de propulser les obus à des vitesses hypersoniques.
Le principe de la capsule de survie blindée a été développée dans le cadre du programme T14 Armata. L’équipage est ainsi isolé des risques d’explosions secondaires ou d’incendies qui toucheraient les réserves de carburant ou les munitions
En outre, le module central mettre a oeuvre des cellules de lancement vertical pour des missiles antichars, mais également probablement anti-aériens. Le blindé sera également équipé d’un système laser pour aveugler les systèmes optiques adverses, et d’un générateur d’impulsion électromagnétique, pour éliminer les systèmes électroniques l’entourant, comme des drones, ou des mines intelligentes. Comme l’Armata, le nouveau char en developpement recevra un blindage réactif et surtout actif, l’objectif des ingénieurs russes étant de réduire le poids du blindé pour en conserver la manoeuvrabilité en tout terrain. Enfin, la motorisation sera assurée par une turbine à gaz multi-carburants de 3000 Cv, une décision surprenante après les déboires russes autour de la turbine à gaz du T80, jugée peu fiable et trop gourmande en carburant, raison pour laquelle les chars suivants T90 qui T14 étaient, eux, équipés de moteurs diesels.
Quoiqu’il en soit, cette annonce relayée par l’Agence Tass à l’occasion du salon Army 2020, marque clairement la détermination de Moscou à rester leader dans le domaine des chars de combat, et de ne pas se laisser distancer, même temporairement, par les européens. Il est vrais qu’entre la débâcle des T72 irakiens face aux Abrams américains et Challenger Britanniques lors de la première guerre d’Irak en 1991, et le désastre de Grozny durant la guerre de Tchétchénie, les chars russes avaient perdu, sur la scène internationale, de leur aura, notamment face aux derniers modèles européens de la guerre froide, comme le Leclerc français ou le Leopard 2 allemand.
Longtemps considéré comme le meilleur char de combat du moment, le Leopard 2 allemand n’avait jamais connu l’épreuve du feu avant la calamiteuse intervention turque en Syrie, ou 3 de ces chars furent détruits par les armes antichars kurdes
Il apparait également que les autorités russes parient de plus en plus sur l’industrie de Défense pour équilibrer la balance commerciale du pays et faire entrer des devises, aux cotés des recettes pétrolières et gazières. Outre la volonté de Vladimir Poutine de garder la Russie dans le trio de tête des grandes puissances mondiales, la vigueur des investissements russes en matière d’équipements de défense révèle une compréhension pertinente du rôle économique de l’industrie de Défense dans le paysage industriel national, à l’instar des Etats-Unis ou de la Chine, et contrairement, de toute évidence, aux européens.