Depuis le début de la décennie 2010, la Marine Chinoise a entrepris de developper une flotte de haute mer puissante et moderne, capable, à terme, de contester à l’US Navy la suprématie sur les mers de la zone indo-pacifique. Cet effort porte aussi bien sur les équipements, avec la montée en puissance de l’industrie navale militaire chinoise capable aujourd’hui de produire l’ensemble des bâtiments formant une flotte de haute mer à un rythme soutenu, que sur les équipages, avec un plan de formation des personnels très méthodique et remarquablement appliqué pour une croissance coordonnée des moyens et des savoir-faire.
Dans cet article, nous étudierons les principales classes de bâtiments qui formeront la flotte hauturière chinoise à l’horizon 2030, de sorte à pouvoir en évaluer les performances, et le niveau de menace qu’elle pourrait, le cas échéant, représenter pour les pays comme pour la navigation et l’exploitation des ressources dans la zone indo-pacifique.
Porte-avions
Le premier porte-avions de la Marine chinoise, le Liaoning, n’est entré en service qu’en 2015, et était en fait un ancien porte-avions soviétique non achevé, acheté auprés d’un chantier ukrainien. En 2030, elle devrait disposer de 5 à 6 porte-avions, de 3 classes différentes

- 2 porte-avions Type 001/A, le Liaoning et son sister-ship Type 001A actuellement en essais, jaugent 70.000 tonnes en charge pour 315 mètres de longueur, et peuvent emporter respectivement 24 et 36 avions de combat J-15. Ils sont de type STOBAR, disposant d’un tremplin pour le décollage et de brins d’arrêt pour l’appontage des aéronefs, mais pas de catapultes, ce qui handicape les navires dans l’emploi d’aéronefs de veille aérienne, ainsi que l’autonomie des appareils.
- 2 porte-avions Type 003, en cours de construction simultanément dans les chantiers navals de Dalian et de Jiangnan, jaugeront probablement entre 85 et 90.000 tonnes, et seront cette fois, dotés de catapultes électromagnétiques. Ils pourront mettre en oeuvre un groupe aérien d’une quarantaine d’appareils, incluant des J15, des J15D de guerre électronique, des avions de surveillance aérienne KJ-600, des hélicoptères, et un nouveau chasseur furtif, dérivé du FC-31 Gyrfalcon ou du J-20, ce dernier semblant avoir les faveurs de l’Etat-Major. Les 2 portes-avions, dotés d’une propulsion conventionnelle, entreront en service entre 2022 et 2025.
- 1 à 2 porte-avions Type 004, version allongée des Type 003, jaugeant plus de 100.000 tonnes, et pouvant emporter de 60 à 80 appareils. Il seront propulsés cette fois par des réacteurs nucléaires, comme les PAN américains et français. Selon toute probabilité, la construction du premier exemplaire de cette classe devrait intervenir à partir de 2023, pour une entrée en service en 2028 ou 2029, alors que la seconde unité entrera en service en 2030 ou 2031.
En 2030, en toute hypothèse, la Marine chinoise disposera donc de 5 à 6 porte-avions dont 3 à 4 serontçà équipés de catapultes, en faisant la plus importante force aéronavale du théâtre indo-Pacifique. On ignore pour l’heure quel format final est visé par les autorités chinoises en matière de porte-avions, mais en se basant sur une utilisation optimisée de l’outil de production dont elle dispose, et une durée de vie des bâtiments de 30 ans, ce nombre s’établit autour de 12 unités, soit le même nombre de navires qu’envisagé par l’US Navy. Ce nombre correspond également à la volonté du dirigeant chinois Xi Jinping de faire jeu égal avec les Etats-Unis d’ici 2050.
Navires d’assaut
Jusqu’en 2007, date d’entrée en service du premier navire d’assaut Type 071, le Kunlun Shan, la Marine Chinoise ne disposait, en matière de navire d’assaut, que d’une vingtaine de transport de chars modernes, ou LST, n’ayant que de faibles capacités hauturières. Le LPD Type 071 constituait, à ce titre, un immense progrès dans les capacités opérationnelles de projection de forces de la Marine chinoise . En 2030, la Marine chinoise disposera des unités suivantes :

- 8 navires d’assaut Type 071 jaugeants 25.000 tonnes. Ces bâtiments peuvent transporter 600 marines et leur équipements roulants, pour les débarquer à l’aide de 4 aéroglisseurs d’assaut type 726, et de 4 hélicoptères Z-8, version locale du Super Frelon français
- au moins 6 porte-hélicoptères d’assaut Type 075, mais plus probablement 9 unités, aux vues des besoins de l’état-major de la marine vis à vis de ce type de navires jaugeant 40.000 tonnes en charge, et capable de mettre en oeuvre 28 hélicoptères de différents type, ainsi que des aéroglisseurs d’assaut. Il devrait pouvoir transporter un régiment de marines complet, avec équipements roulants, soit 1200 hommes. Une version allongée, identifiée Type 075A, serait à l’étude.
- 30 transports de chars d’assaut Type 072II/III/A jaugeant entre 4100 et 4800 tonnes, construits entre 1992 et 2016, capables de débarquer 250 hommes et 10 chars de combat.
Une fois encore, la marine chinoise devrait disposer, en 2030, d’une capacité de projection de force comparable à celle de l’US Navy dans la zone indo-pacifique. Il s’agit, quoiqu’il en soit, d’une force très suffisante pour mener un assaut naval d’envergure, avec une capacité de projection hauturière de 2 divisions de marines. A noter que parallèlement, la Marine Chinoise a annoncé qu’elle porterait le format de son corps de Marine de 2 brigades pour 12.000 hommes actuellement, à 8 brigades pour 40.000 hommes, au cours de la prochaine décennie, un format très proche de celui de l’US Marines Corps, fort de 3 divisions d’actives et une de réserve, pour 46.000 hommes.
Croiseurs et destroyers
Le flotte de surface combattante de l’Armée populaire de libération a, elle aussi, considérablement évoluée depuis le début des années 2000. De quelques destroyers Sovremeniye acquis auprés de la Russie, elle dispose désormais d’une flotte d’une trentaine de croiseurs et destroyers, qui se renforce de 4 à 5 navires supplémentaires chaque année. Selon les projections éclairées que nous pouvons faire tenant compte des moyens et des rythmes de production mis en oeuvre depuis plus de 10 ans par les chantiers navals chinois, la flotte de croiseurs et de destroyers chinois en 2030 devrait avoir le format suivant:

- 10 à 14 croiseurs Type 055, dont 6 Type 055A. Ce navire, classé « destroyer lourd » par la nomenclature chinoise, jauge 12.000 tonnes, et emporte pas moins de 112 silos de lancement verticaux pour différents types de missiles. C’est l’un des plus puissants navires de combat du théâtre Pacifique aujourd’hui, faisant jeu égal avec les croiseurs Ticonderoga de l’US Navy. Il emporte le très puissant radar de veille H/LJG-356B AESA, et dispose d’une importante capacité d’évolution grâce aux 4 turbines à gaz QC-280 produisant une puissance totale de 112 MW. A l’issu des 8 Type 055 planifiés, dont 2 sont en service, une nouvelle classe Type 055A est probable, equipée cette fois d’armes énergétiques, et notamment du futur Rail Gun Chinois. Ces navires doivent entrer en service à partir de 2025.
- 30 à 35 Destroyers Type 052D, dont 13 sont déjà en service ou en test, et 11 en cours de construction. Jaugeant 7500 tonnes pour 157 m de long, ces destroyers emportent 64 VLS, un radar AESA 346-A, et un système de combat proche du système Aegis américain. Ils assurent ainsi l’escorte des bâtiments majeurs de la Marine chinoise, comme les porte-avions, et les navires d’assaut. Les derniers bâtiments de la classe semblent plus longs, et pourraient recevoir un nouveau patronyme, comme Type 052E.
- 10 destroyers Type 052/A/B, modernisés car plus anciens, pour répondre aux exigences technologiques et se rapprocher du standard posé par le 52D.
La Marine Chinoise aura, en 2030, autant de croiseurs et de destroyers en service que l’US Navy n’en dispose sur sa façade Pacifique. Mais là ou seuls 20% des navires américains auront moins de 15 ans, seuls 35% des navires chinois auront plus de cet âge.
Frégates

Les frégates Type 054 constituent, et constitueront encore en 2030, le fer de lance de la lutte anti-sous-marine chinoise. La classe Type 054A, dont la première unité est entrée en service en 2007, est représentative de la transformation profonde de la Marine Chinoise depuis 15 ans, et de l’effort produit pour s’imposer rapidement sur son théâtre. En 2030, la flotte de frégates chinoises devrait s’articuler comme suit :
- 20 frégates Type 054B, dérivée des Type 054A, et dont la production a d’ores et déjà débuté. Les caractéristiques de ce navire sont confidentielles, mais l’on sait qu’il aura une propulsion hybride électrique, et des performances améliorées vis-à-vis des type 054A.
- 30 frégates Type 054A, construites entre 2005 et 2018, formant la colonne vertébrale de cette flotte ASM. Ces navires de 4000 tonnes et de 135 m de long emportent 32 silos verticaux, un canon de 76mm, ainsi que 2 tubes lance torpilles ASM triples, ainsi qu’un hélicoptère ASM. Les Type 054A disposent en outre d’un sonar à profondeur variable H/SJG-206 et d’un radar Type 382.
- 12 frégates Type 054 et Type 053 modernisées pour se rapprocher du standard A
La soixantaine de frégates chinoises dépassera largement le nombre de frégates de l’US Navy, qui ne pourra compter que sur 20 FFG/X, il est vrais probablement plus lourdes, et plus performantes, mais devant être partagées entre les différents théâtres navals américains. Ces navires procureront une capacité d’escorte ASM hauturière très importante à la flotte de Pékin.
Navires de soutien
L’augmentation de la capacité hauturière de la Marine chinoise s’accompagne de l’augmentation du nombre de navires de soutien. Il est toutefois très difficile d’obtenir des informations fiables sur la planification dans ce domaine, et l’on ne peut qu’extrapoler sur les productions précédentes. Selon toute vraisemblance, la Marine chinoise disposera, en 2030 des navires de soutien suivants :

- 6 à 8 navires de soutien rapides, comme le nouveau Type 901 entré en service en 2016 pour accompagner le Liaoning, et dont une seconde unité est entrée en service en 2017. Ce navire de 45.000 tonnes dispose du même groupe propulsif que les croiseurs Type 055, lui permettant d’atteindre les 25 noeuds, et de pouvoir accompagner les groupes aéronavals.
- 12 à 16 navires de soutien Type 903A, jaugeant 23.400 tonnes en charge, et disposant d’une large autonomie de 10.000 miles à 14 noeuds, adaptés pour accompagner les forces d’action navales de surface, ou les groupes amphibies.
- 10 à 12 navires de soutien polyvalents, comme les type 904A de 10.500 tonnes, soutenant les activités moins intenses de la marine.
On le voit, la Marine chinoise se dote progressivement, et de façon très logique, d’une flotte logistique adaptée au format de sa flotte de surface. En revanche, rien ne laisse envisager la constitution d’une flotte logistique comparable au Sea Lift Command de l’US Navy. Mais la flotte de commerce chinoise est à ce point importante, et controlée par l’Etat, qu’elle peut, dans les faits, se passer d’une telle composante.
Conclusion
En 2030, la Marine chinoise ne sera pas en mesure de se comparer à la Marine américaine dans son ensemble. En revanche, elle proposera un niveau de défis très élevé sur l’ensemble du théâtre indo-pacifique, que les Etats-Unis ne pourront relever qu’avec l’aide de leurs alliés, comme le Japon, l’Australie ou la Corée du Sud. En se rapprochant des côtes chinoises, l’entrée en scène des flottes de corvettes et de navires lance-missile chinois, toutes deux très conséquentes, rendra très difficile à l’US Navy, même renforcée de ses alliés, de prendre le dessus sur son adversaire.
En outre, la puissance aéronavale et amphibie chinoise lui permettra de s’emparer par la force, si besoin, de territoires stratégiques, pour étendre son contrôle et ses capacités d’interdiction. Le sort de l’ile de Taiwan semble, dès lors et dès à présent, hors des mains de Washington, comme de la communauté internationale occidentale. Une chose est certaine, Pékin ne construit pas une marine aussi puissante pour participer à des missions anti-pirateries, ni pour simplement escorter ses navires de commerce le long de la route de la soie ..















